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La psychologie face au défi climatique

Des universitaires et des associations professionnelles expriment leur conviction quant à l’importance d’inclure des spécialistes des sciences psychologiques et du comportement afin d’aider dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Carte blanche - Temps de lecture: 6 min

Les sept dernières années ont été les plus chaudes de tous les temps et les gaz à effet de serre ont atteint une concentration record en 2021, selon l’Organisation Météorologique Mondiale. Notre mode de vie en est la principale cause et seule une réduction radicale et rapide des émissions empêchera une hausse catastrophique des températures mondiales. De fait, pour 82 % des Belges, le changement climatique est le défi le plus important auquel l’humanité est confrontée au XXIe siècle. Les solutions apportées par les avancées technologiques ne suffiront pas. Nous devrons aussi modifier foncièrement nos conduites et notre mode de vie dans de nombreux domaines afin de garantir la viabilité de la planète pour les générations futures, mais aussi pour les personnes déjà touchées par les effets du réchauffement climatique. Un changement de comportement durable nécessite l’implication et la motivation de l’ensemble de la population, ce qui requiert des messages ciblés, ainsi qu’un soutien et une communication par des canaux appropriés et adaptés aux différents groupes qui constituent notre société. Bien sûr, relever le défi climatique ne peut reposer sur les seuls comportements pro-environnementaux individuels. Les entreprises et organisations d’une part et les autorités d’autre part jouent à cet égard un rôle crucial. On attend de leur part audace et vision à long terme. Ces acteurs sont généralement attentifs aux actions des citoyens, les entreprises répondant à leurs « besoins » et les politiques se montrant réticentes à proposer des initiatives qui ne seraient pas acceptées par la population. Le rôle des citoyens s’exprime donc aussi dans la relation d’influence qu’ils entretiennent avec les différents acteurs de la société. À lire aussi Les huit dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées, confirme l’ONU

Similitudes avec le covid

La crise climatique présente de nombreuses similitudes avec la pandémie de covid. Il a fallu mobiliser la population pour qu’elle suive des mesures sanitaires souvent désagréables et contraignantes et l’inviter à réfléchir et, le cas échéant, à prendre part à la vaccination. Nous nous sommes protégés, nous et les autres, par notre comportement. La motivation, le comportement et les conséquences sur le bien-être des mesures sanitaires en Belgique ont été suivis en permanence par le Baromètre de la Motivation et le groupe d’experts « Psychologie et Corona », une collaboration entre chercheurs et praticiens du pays. Grâce à de nombreux rapports, les décideurs et les organes scientifiques consultatifs (p.e., le GEMS) ont pu compter sur des données empiriques. L’objectif était d’aligner leurs conseils et leurs politiques sur la réalité au lieu de se laisser guider par leur intuition quant à la motivation et au bien-être psychologique de la population. Ces enquêtes ont montré que les interventions classiques visant à orienter les conduites, telles que les (menaces de) punitions, ont un effet bien moins durable que l’investissement dans la motivation autonome de la population. En permettant à la population de participer et d’apprécier la valeur ajoutée des mesures, elle s’approprie les objectifs visés et assume ses responsabilités. En outre, la confiance dans le gouvernement protégeait la population face aux influences des « fake news » et des théories du complot. Cette confiance s’est révélée un puissant prédicteur de la disposition à se faire vacciner.

Promouvoir le changement de comportement

La lutte contre le réchauffement exige une évolution profonde de nos modes de pensée et de nos actes, notamment dans la sphère « privée ». Une telle adaptation est très délicate car nous sommes habitués à décider sans trop de contraintes ce que nous mangeons, nos déplacements, etc. Pour que ce changement dans les domaines aussi personnels que la consommation, le logement ou le transport soit possible, il doit s’inscrire dans un contexte social différent, que nous acceptons également. Une expertise sur le comportement humain et les mécanismes de changement est essentielle. Ainsi, nous savons qu’il ne suffit pas d’informer les gens de la nécessité d’un changement de comportement pour déclencher et maintenir ce changement. Les recherches montrent en outre que les messages soulignant le danger du réchauffement climatique sont plus efficaces que les messages optimistes pointant les progrès déjà réalisés, mais que ces messages ne sont acceptés que s’ils proviennent de membres d’un groupe auquel l’individu s’identifie. Si les changements demandés sont vus comme injustes, par exemple parce qu’ils touchent certains groupes sociaux plus durement que d’autres, cela peut encourager la polarisation entre les citoyens. De plus, l’éco-anxiété est un problème qui ne peut être sous-estimé et qui a un impact négatif sur la santé mentale. Par exemple, l’éco-anxiété est associée à de l’inquiétude, des pleurs et des troubles du sommeil. Selon une enquête récente (1), la Belgique est l’un des pays où le « climato-scepticisme » est le plus faible et une majorité de la population se dit prête à changer son mode de vie. Mais cette volonté ne se traduit pas forcément par un changement de comportement durable, pas plus que les résolutions du Nouvel An ne se concrétisent. Le gouvernement est donc confronté au défi d’identifier les motivations et les obstacles qui peuvent différer selon les groupes ou les individus pour développer une politique cohérente. À lire aussi La fonte des glaciers est plus grave qu’on ne l’imaginait

Centre d’excellence sur le climat

Le 29 novembre dernier, le gouvernement fédéral a mis en place un centre d’excellence sur le climat, dont les contours doivent encore être précisés. Si des compétences dans de nombreuses sciences « dures » (climatologie, ingénierie, physique, etc.) sont essentielles, l’expertise des sciences humaines est tout aussi indispensable. Lors de la crise covid, il a fallu des mois avant que les organes consultatifs intègrent des experts de la psychologie et du comportement. » On ne tient pas suffisamment compte des domaines de connaissance autres que la virologie, l’infectiologie et la biostatistique » ne cessait-on d’entendre. Pour éviter que cela se reproduise, le groupe « Psychologie et Corona » a décidé d’élargir son champ d’action à « Psychologie et société » afin de se concentrer sur d’autres problèmes de société. Le changement climatique compte actuellement parmi les problèmes les plus pressants. Nous sommes convaincus que les spécialistes des sciences psychologiques et du comportement peuvent, avec d’autres, aider à relever les nombreux défis posés par la crise climatique. Si l’on veut éviter une politique climatique au petit bonheur la chance et rencontrer au mieux les besoins et les aspirations de la population, il est indispensable de disposer de données empiriques sur le comportement, la motivation et le soutien, et d’en appeler à des experts en sciences psychologiques au sein d’organes consultatifs multidisciplinaires. À lire aussi Eco-Schools, écoles cool

(1) Publiée dans le magazine Imagine en Décembre 2022.

*La liste complète des signataires est disponible à cette adresse.

 

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6 Commentaires

  • Posté par Weissenberg André, dimanche 29 janvier 2023, 9:26

    Encore un ramassis de non-scientifiques intoxiqué par la propagande idéologique des charlatans climatistes! En matière de climat, les questions sont plus nombreuses que les réponses! Tout n'est qu'incertitudes! Y compris la réalité d'un réchauffement climatique. Car les chiffres démontrent le contraire, on va peut-être même vers un nouveau refroidissement. De la même manière, le nombre et l'ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes n'a que peu varié dans le temps. Par contre, leurs conséquences sont plus graves du fait de l'emprise humaine accrue ... Comme en Belgique, quand on construit en dépit du bon sens le plus élémentaire dans des zones inondables connues, en croisant les doigts pour qu'il n'arrive rien!

  • Posté par Bodart Anne, samedi 28 janvier 2023, 10:43

    la meilleure façon de lutter contre l'éco anxiété est de ne pas la créer...

  • Posté par Baeyens Remi, samedi 28 janvier 2023, 12:11

    Excellent, le nombre de 'spécialistes' pour mater les lois de la nature sans d'ailleurs y comprendre grand chose. Mais c'est porteur, d'autant plus que cela intéresse nos politiques: emplois, taxes etc..

  • Posté par lambert viviane, vendredi 27 janvier 2023, 14:10

    Ce texte a déjà été publié la semaine dernière ! Les psychologues et autres blablalogues ont des diplômes bradés et voudraient faire concurrence aux diplômés en sciences dures. A quand un numerus clausus pour les facultés " sciences molles" ? L'eco-anxiété est un concept foireux qui leur sert la soupe.

  • Posté par D L, jeudi 26 janvier 2023, 23:09

    Si je comprends bien ces signataires veulent impliquer des psychologues pour manipuler notre population afin de lui imposer un comportement en matière d'alimentation, de transports, de logements. Décidément les gens de gauche écologiste peuvent tout se permettre pour nous imposer leur mode de vie.

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