Au nom de la bienveillance

Cette matinée-là de septembre, dans des bureaux du festival de Toronto, Cesc Gay était loin d’imaginer que son Truman allait rafler quasi toutes les récompenses cinématographiques (Goya, Gaudi…) dans son Espagne natale. Succès amplement justifié pour un film qui sort au mauvais moment (le début des vacances) mais qu’on ne saurait trop que vous conseiller. Pour toute l’humanité qui s’en dégage et bien plus encore. En quoi « Truman » se différencierait-il de vos précédents films ? L’histoire est beaucoup plus dramatique et émotionnelle que d’autres de mes films qui sont plus proches de la comédie. J’ai conscience d’avoir réalisé un film triste même si j’ai essayé de garder la balance entre humour et dramaturgie. Deux hommes qui se disent au revoir, ce n’est pas spécialement un thème réjouissant mais j’ai vécu une expérience similaire il y a quelques années et je me suis mis directement à écrire dans la foulée, comme un journal intime. J’étais surtout intéressé d’exploiter la réaction d’une personne face à l’annonce de la mort imminente d’un ami proche. Certains l’acceptent plus facilement que d’autres et les gens ne réagissent pas spécialement comme on pourrait s’y attendre. Vous avez besoin de vivre un événement particulier qui sert d’amorce à un scénario ? Dans le cas de Truman, c’est le décès de ma maman qui a servi de déclic mais je pourrais très bien écrire à partir d’un événement qui arrive à un de mes amis. J’aime montrer ce que vivent les vraies gens. Ça ne m’intéresse pas de réaliser un thriller avec des flics corrompus par un dealer psychopathe. Et même si je suis client de ce genre de film, je ne me vois pas passer trois années de ma vie sur un tel projet. C’est aussi et surtout une formidable histoire d’amitié… Bien sûr. Le personnage de Tomas n’est pas spécialement ravi de voir son ami débarquer. Il veut conserver sa dignité jusqu’au dernier moment et ne veut pas se montrer diminué. Le plus drôle, et c’est là-dessus que s’appuie aussi un des ressorts du film, c’est de voir Tomas plus préoccupé par ce qui va arriver à son chien Truman qu’à sa propre mort. Pourquoi ce chien ? C’est effectivement marrant et ça permet, de fait, de garder cette touche d’humour indispensable. Qu’arrivera-t-il au chien ? La personne qui s’en occupera saura-t-elle l’alimenter comme il se doit ? J’ai beaucoup parlé avec les deux comédiens. Une fois le script écrit, on a fait beaucoup de lectures, je voulais qu’ils mesurent tous les enjeux et qu’ils comprennent pourquoi Truman était une espèce de pivot dans le scénario. J’ajoute que la musique a un rôle essentiel dans la tonalité du film. J’avais d’ailleurs donné aux acteurs une copie de la bande originale afin qu’ils s’immergent de l’humeur que je souhaitais véhiculer. C’est parfois plus évocateur que des dialogues. Si vous écoutez les Rolling Stones ou Astor Piazzolla, vous n’aurez pas les mêmes émotions. J’aime beaucoup Leonard Cohen, sa tristesse et sa mélancolie résonnent en moi. Idem pour le premier album de Tom Waits. Et dans un autre registre, les poèmes de Bukowski, que j’ai découverts récemment, sont d’une incroyable douceur qui me touche énormément. [scald=1568873:sdl_editor_representation] Truman Un film de Cesc Gay avec Ricardo Darín et Javier Cámara, 109 mn.

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