Le cinéaste iranien Jafar Panahi libéré de prison
Emprisonné depuis juillet, le réalisateur multiprimé avait entamé une grève de la faim ce jeudi pour protester contre ses conditions de détention.

C’est une nouvelle qui offre un vent d’espoir dans les mois sombres en Iran : Jafar Panahi vient d’être libéré de prison sous caution. Emprisonné depuis sept mois, soit avant même le début de la révolte de septembre, le réalisateur iranien avait entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention, selon une déclaration publiée ce jeudi par sa femme. Il faisait partie des nombreuses personnes emprisonnées arbitrairement dans le pays (le réalisateur Mohammad Rasoulof notamment, qui fut finalement libéré pour raisons de santé il y a un mois).
« Aujourd’hui, comme beaucoup de personnes piégées en Iran, je n’ai d’autre choix que de protester contre ce comportement inhumain avec ce que j’ai de plus cher : ma vie. Je refuserai de manger et de boire et de prendre tout médicament jusqu’à ma libération », a dit le cinéaste, dont la grève de la faim a commencé le 1er février. « Je resterai dans cet état jusqu’à ce que, peut-être, mon corps sans vie soit libéré de prison. »
Une décision qui a immédiatement engendré de nombreuses réactions, notamment des Festivals de cinéma dans lesquels il a régulièrement été primé. En ce moment-même, en Iran, le festival du film de Fajr est boudé par de nombreux réalisateurs, pour protester contre la répression dans le pays.
« Cette libération est évidemment une bonne nouvelle pour les manifestants », pointe Dorna Javan, doctorante à Sciences Po Lyon, qui souligne une situation douce-amère. « Mais d’un autre côté, beaucoup de personnes ont été arrêtés, torturées, voire se sont suicidées après leur libération. » Et ces histoires collent à la peau du mouvement. Par ailleurs, souligne la chercheuse, cette libération ne semble que temporaire. Jafar Panahi continuera-t-il à vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête ?
Des récits forts et des auteurs dévoués
Âgé de 62 ans, Jafar Panahi avait été arrêté le 11 juillet et contraint de purger une peine de six ans de prison prononcée en 2010 pour « propagande contre le système ». Mais le 15 octobre, la Cour suprême a annulé la condamnation et ordonné un nouveau procès, laissant naître chez ses avocats un espoir de libération. Avant l’issue positive finalement intervenue ce vendredi.
Tout un symbole, à la fois dans le contexte répressif iranien et pour le monde du cinéma. Régulièrement primé en festival depuis une trentaine d’années, à Cannes (Palme d’or pour Kiarostami en 1997 avec Le Goût de la Cerise), Venise (Lion d’or pour Le cercle de Panahi en 2000), Berlin (Ours d’or pour Une séparation d’Asghar Farhadi en 2011, pour Taxi Téhéran, de Panahi en 2015, pour There is no Evil de Mohammad Rasoulof en 2020), le cinéma iranien est désormais incontournable dans le paysage mondial. Grâce à des récits forts et à des auteurs dévoués, à l’image de Jafar Panahi, et notamment de No Bears, son dernier film primé à la Mostra en septembre dernier (qui sortira chez nous mercredi 8 février).
Avec intelligence et subtilité, le cinéaste y invente des formes toujours novatrices pour continuer à tourner (chose qui lui a été interdite pour 20 ans en 2010, en plus d’une interdiction de quitter le pays), et, d’une certaine manière, mettre son destin en perspective. Pour interroger la réalité et la société. Pour questionner cette envie d’être ailleurs et, en même temps, de vouloir rester fidèle à sa patrie. Brouillant constamment la frontière entre réalité et fiction, le réalisateur se met en scène, montre comment il dirige les acteurs et ses équipes à distance, filme avec un dispositif réduit. Un film inclassable, animé par une interrogation profonde sur la société mais aussi plein d’esprit, d’ironie. Et un film nécessaire, particulièrement dans le contexte actuel.
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super !!
Bonne nouvelle ! Il faut se réjouir pour lui et ses proches. Mais il y a tous les anonymes qui sont dans les prisons iraniennes. Que vont-ils devenir ? Continuons à alerter les gouvernements européens pour qu'une action européenne soit prise contre le régime des mollahs.