Histoire: il fut le parti le plus puissant du pays

Et dire qu’il a été le parti le plus puissant de Belgique – et longtemps, en plus… Rendez-vous compte : sur les 93gouvernements que le pays a connus depuis février 1831, 69 ont été présidés par un catholique. Et sur les 72 années qui nous séparent de la guerre, le parti centriste a été au pouvoir pendant 58 ans… Aïeul éloigné du CDH, le Parti catholique a été fondé en 1884 (il s’appelle alors la « Fédération des cercles catholiques et des associations conservatrices »). Aussitôt créé, il efface les libéraux. Appuyé par une majorité absolue, il domine le jeu, sans partage, jusqu’au premier conflit mondial. En 1945, le parti catholique devient le Parti social-chrétien (PSC-CVP) et se pose désormais en alternative du centre, réfutant autant la lutte des classes que le libéralisme économique. Sa vigueur est telle que le CVP-PSC parvient encore à former des gouvernements « homogènes » (sociaux-chrétiens pur jus) de 1950 à 1954. Après, ça se complique. Le déclin commence à se faire sentir, surtout du côté francophone, et les coalitions deviennent la loi du genre. Après l’expulsion des francophones de l’Université de Louvain (le « Walen buiten »), les deux ailes linguistiques du parti se séparent en 1972. Chacun sa vie ? Oui et non. Dans la Flandre catholique, le CVP reste ultra-puissant. Au sud, le PSC a pâli depuis longtemps – émergeant à l’issue du XIXe, les socialistes ont monté en puissance dans les bastions industriels, refoulant le parti catholique vers les zones rurales. Aussi, en ces décennies 60 et 70, qui délient tant de carcans, l’électeur quitte le parti catholique comme on abandonne l’église. Mais même séparés, les deux partis sociaux-chrétiens ont destin lié (c’est l’usage de monter au gouvernement en famille). La force du PSC devient ce dominant CVP qui l’aimante au pouvoir malgré sa santé chancelante. Cet abonnement au pouvoir va l’abîmer. Parce que le pouvoir use. Et parce que le PSC passe pour le petit qui doit sa bonne fortune aux grands : au CVP, qui l’aspire dans les gouvernements, et aux socialistes et libéraux qui font de lui l’éternel pivot des majorités. Le PSC semble n’avoir d’autre projet que de gouverner. Son côté « une fois avec l’un, une fois avec l’autre » construit l’idée d’un parti souple, pratique, accommodant, sans personnalité. Président depuis 1981, Gérard Deprez dételle en 1996 et veut remettre le PSC à Joëlle Milquet – une jeune, susceptible de réveiller ce vieux parti usé. Mais c’est Charles-Ferdinand Nothomb qui emporte le scrutin. Déchiré en deux clans, le PSC s’enfonce dans une crise interne d’une vigueur exceptionnelle. Elle aboutira deux ans plus tard à la démission de Nothomb, usé par la fronde interne et les sondages en chute libre. Aux élections de 1999, CVP et PSC s’écrasent. Ils s’exilent dans l’opposition (ce n’était plus arrivé depuis 1958). Ce n’est pas la dioxine qui a plombé le CVP – et par contrecoup le PSC. C’est l’usure du pouvoir et l’aveuglement gestionnaire des gouvernements Martens-Dehaene. L’opposition durera moins de neuf ans au niveau fédéral. CVP et PSC en profitent pour changer de nom et s’habiller de nouvelles doctrines. Dans un cas comme dans l’autre, le propos n’est pas plus clair qu’avant. Et c’est à la popularité d’Yves Leterme que le CD&V doit de revenir au pouvoir en 2008 – ce qui ramène le CDH dans le jeu. Aux Régions, l’opposition a été moins longue pour le CDH. De 1999 à 2004, la Wallonie a été barrée par un duo PS-MR, expérience que le PS wallon refuse de prolonger pour mésententes cordiales (et répétitives) avec le MR. Milquet signe avec le PS d’autant plus joyeusement que ses relations avec le MR sont venimeuses – elle a mal vécu les tentatives de débauchage du MR à l’endroit des centristes. C’est le retour au pouvoir et le début d’un procès pour « scotchage » avec le PS, accusation handicapante que n’a évidemment pas levée Benoît Lutgen, en 2014, quand il signe avec le PS en Wallonie et à Bruxelles. Voilà l’état du parti. Il dispose d’éléments forts et populaires (Prévot, Lutgen, Milquet et tant d’autres). Mais l’image du parti est mauvaise et le CDH ne parvient toujours pas à faire voir une identité claire. Comme dirait l’autre : il y a du souci à se faire.

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