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Elections au Nigeria: un moment de transition démocratique important en Afrique

Le 25 février, les 95 millions d’électeurs du pays le plus peuplé du continent se rendront aux urnes pour élire un nouveau président. Muhammadu Buhari, 80 ans, conformément à la Constitution, laisse sa place après deux mandats à l’issue desquels il ne sera pas parvenu à régler les défis économiques et sécuritaires du Nigeria.

Carte blanche - Temps de lecture: 5 min

L’enjeu est de taille pour les élections présidentielles du 25 février au Nigeria, où près de 95 millions d’électeurs – sur 219 millions d’habitants – se rendront aux urnes pour désigner le successeur de Muhammadu Buhari. Elu en 2015, réélu en 2019, ce dernier ne briguera pas de troisième mandat, conformément à la Constitution de 1999 et le rétablissement de la démocratie au Nigeria. Deux candidats, issus des deux principaux partis politiques se dégagent comme les favoris à sa succession.

D’un côté, l’opposant Atiku Abubakar, 76 ans, du Peoples Democratic Party (PDP). Carrière de haut fonctionnaire, ancien vice-président, cet homme d’affaires multimillionnaire, originaire du Nord du Nigeria, a bâti le début de sa fortune lorsqu’il travaillait dans le secteur des douanes. Candidat pour la sixième fois – sa première candidature remonte à 1982 – celui qu’on appelle « Atiku » espère enfin conquérir Aso Rock, le palais présidentiel d’Abuja.

Face à lui, Bola Tinubu, 70 ans, candidat vainqueur de la primaire du parti au pouvoir, le All progressives Congress (APC). Bola Tinubu, ex-gouverneur de Lagos, est lui aussi un poids lourd de la politique nigériane et figure parmi les plus grandes fortunes du pays.

Un troisième homme pour la surprise ?

Alors que les deux « vétérans » de la politique nigériane ne cessent de s’invectiver tout au long de cette campagne présidentielle, un troisième homme espère créer la surprise. En effet, Peter Obi du parti travailliste, entend briser le système bipartite qui domine le Nigeria en captant le vote des jeunes, 40 % des électeurs inscrits ayant moins de 34 ans. Selon des sondages réalisés en décembre 2022, Peter Obi était même, à la surprise générale, en tête des intentions de vote. Pour gagner le 25 février, il faudra obtenir le plus grand nombre de voix au niveau national et plus d’un quart des bulletins de vote dans au moins deux tiers des 36 États du Nigeria.

Enjeux économiques

Avec une inflation à plus de 20 % en 2022, l’économie est l’une des principales préoccupations des électeurs. Les prix des produits alimentaires de base tels que le riz, les haricots, les ignames et la volaille ne cessent d’augmenter, entraînant une grogne sociale dans le pays. Selon un rapport du FMI publié le 8 février « les retombées de la guerre en Ukraine, qui se sont transmises principalement par la hausse des prix intérieurs des denrées alimentaires, ont aggravé les effets néfastes de la pandémie, notamment sur les personnes les plus vulnérables – le Nigeria figurant parmi les pays où la sécurité alimentaire est la plus faible », indique l’institution financière, qui mise toutefois sur une remontée de la croissance et une baisse de l’inflation en 2023 pour le Nigeria.

En attendant, la récente réforme monétaire décidée par la Banque centrale nigériane n’aura pas soigné la frustration des Nigérians. Bien au contraire, annoncée en octobre 2022, cette réforme qui prévoyait de changer les billets de banque – les anciens billets devenant alors inutilisables à partir du 31 janvier – a entraîné une pénurie de nouvelles coupures. Les Nigérians, dont la majorité dépend de l’économie informelle, doivent courir après de nouveaux billets de banque devenus introuvables. Face à la pression populaire, les autorités ont repoussé la date d’invalidité des anciens billets au 10 février.

« L’immensité de la richesse équivaut à l’immensité de la pauvreté »

Malgré les difficultés qu’il traverse, le pays est pourtant bien la première économie du continent. Premier producteur de pétrole d’Afrique, 9e manne pétrolière du monde, membre de l’OPEP, le Nigeria dispose également des plus grandes réserves de gaz naturel d’Afrique. « Un Nigeria prospère tire ses voisins vers le haut ; s’il trébuche, il les entraîne dans sa chute », souligne le magazine économique Challenges.

Un géant économique certes, mais comme l’indique Wade Ndoye, correspondant à Genève du journal Soleil de Dakar, cette « immensité de la richesse équivaut à l’immensité de la pauvreté » au Nigeria. En effet, si quelques oligarques affairistes et richissime profitent des revenus de l’or noir, près de la moitié de la population elle, 4 Nigérians sur 10, vit en dessous du seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale.

La prospérité de l’industrie du pétrole n’a toujours pas amélioré les conditions de vie des populations locales. Au contraire elle a favorisé la corruption, le clientélisme, la destruction des emplois dans le secteur de la pêche et de l’agriculture du fait de la pollution venant des résidus du pétrole. Certaines régions du pays (notamment le Nord-Est) ont été délaissées par les rentes pétrolières au profit des centres urbains comme Lagos. Ceci a créé des frustrations énormes chez les populations et profité à l’implantation des groupes armés, comme Boko-Haram, avec qui le Nigeria est en guerre depuis 2011. De l’enlèvement des filles de Chibok en 2014 à la fusillade dans une église catholique à Owo en 2022, le Nigeria vit toujours au rythme des violences perpétrées par des groupes armés.

Autrefois située dans le Nord-Est, la menace sécuritaire s’étend désormais sur la quasi-totalité du pays avec des groupes djihadistes dans le Nord-Est, des bandes criminelles dans le centre et le Nord-Ouest et une agitation séparatiste dans le Sud-Est. « Après huit ans à la tête du pays, Muhammadu Buhari, n’a pas réussi à éradiquer le terrorisme. Mais va-t-on réussir à éradiquer le terrorisme seulement avec des armes ? », questionne Wade Ndoye. Dans ce sens, un rapport publié ce mardi 7 février par l’ONU indique qu’actuellement, le manque d’emploi et les perspectives économiques sont les moteurs de l’enrôlement aux groupes djihadistes et autres extrémistes violents en Afrique subsaharienne. Un rapport qui tombe à point nommé pour guider le futur président nigérian dans les défis colossaux qui l’attendent.

 

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1 Commentaire

  • Posté par collin liliane, mercredi 15 février 2023, 0:03

    Natalité nigériane: 5,31 enfants par femme (2020). Autant dire que c'est sans espoir.

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