«Revoir mon salaire? Pas de raison que je le fasse deux fois»

On vous dit très dur et froid. Où investissez-vous vos émotions? Le plus émotionnel, ce sont mes trois enfants, le plus jeune a 6 ans et demi, charmant, charmeur: c’est pour moi un coup de jeunesse extraordinaire. J’ai aussi une fille et un garçon dans la trentaine. Je suis proche des trois, mais le petit, c’est le petit. On s’amuse comme des fous, on passe beaucoup de vacances ensemble – il ne vit pas au quotidien avec moi. C’est une ressource extraordinaire pour mon équilibre. Vous n’avez pas peur que ce qu’on a écrit ces derniers temps les blesse? On se parle. Leur seule préoccupation est de savoir si je vais bien. Je n’ai jamais considéré qu’il y avait des choses à cacher. Je n’aime pas l’opacité, cela vaut aussi pour le business. D’où mon reproche de manque de transparence chez Tecteo et Voo. Que vouliez-vous être: performant, riche, reconnu? Rien de tout cela. Je voulais faire des choses intéressantes. Je considère que ce fut le cas dans mes trois fonctions principales, je suis très enthousiaste de mon parcours. J’ai eu la chance unique dans mes deux jobs opérationnels d’être dans des sociétés qui vendaient des services proches de la population et de l’émotion, pas seulement de la poudre à laver, même si on peut faire beaucoup d’argent là-dedans. Chez Belgacom, il faut quand même reconnaître que la stratégie télé-convergence, c’est moi qui l’ai amenée. C’est une fierté extraordinaire qu’on ait enrichi la connexion par du contenu. Vous êtes blessé qu’on vous voie comme une «Cruella», faisant le vide autour de lui? Il faut tempérer tout cela. Primo, il n’y a aucun plaisir à virer qui que ce soit. Secundo, il y a des cas où c’est indispensable. Par ailleurs, la rotation de notre personnel de haut niveau est très faible. Maintenant, qu’il y ait des gens qui nous quittent à un moment donné, je ne m’en réjouis pas du tout. Mais il faut qu’on travaille tous en harmonie. Moi, je n’ai pas de problèmes avec eux: quand ils viennent me voir, ils sont tous polis. Après cela, ils peuvent entre eux se faire des coups tordus et vient un moment où cela n’est plus permis. Vous êtes en téflon? Vous avez survécu il y a deux ans à l’épisode de la guerre des sacoches, la lutte Concetta Fagard-Florence Coppenolle? Cela n’a pas été évident. J’ai souffert. Il est difficile d’en parler car c’est un épisode que je ne maîtrise pas. Vous évoquez peu cette opération au cerveau – une tumeur enlevée en 2003 juste après votre arrivée chez Belgacom. Vous auriez pu décider de renoncer à la conquête du pouvoir? Mais moi, ce n’est pas le pouvoir que je cherche! Je vous ai expliqué les raisons pour lesquelles cette société, Belgacom, est fantastique. J’ai eu la chance de côtoyer Jacques Brotchi qui est non seulement un chirurgien hors pair, mais un humaniste extraordinaire. La véritable discussion avec lui consistait à dire: «Il faut continuer, pas de raison d’arrêter une fois que tout est sous contrôle». Arrêter, c’est démissionner par rapport à tout. Vous connaissez tellement d’exemples de gens qui prennent leur pension et meurent dans la minute. Ici, c’est vraiment tout le contraire. Au-delà du challenge intellectuel, si le fait de travailler dans un environnement enthousiasmant fait que vous êtes équilibré, vous vous sentez beaucoup mieux. Vous vous êtes pris, depuis, beaucoup de crises. Ce n’est pas comme cela que je le vois. La société, au niveau européen, se porte très bien, tous les rapports d’analystes le montrent. C’est un peu dommage qu’on ne puisse pas le reconnaître parfois. Et ce n’est pas qu’une question de rémunération. Il ne faut pas ramener tout à l’argent, c’est réducteur. Je ne vis d’ailleurs pas avec un train de vie extraordinaire, je vis bien mais de façon raisonnable. Avec l’argent que je gagne, je fais des dons pour la recherche. Les chiffres de salaire sont quand même… dingues? Afin de pouvoir attirer les talents pour assurer la pérennité de la société, il faut pouvoir les rémunérer selon le marché. Je comprends qu’aux yeux de certains, ces chiffres paraissent impressionnants. Mais un effort d’explication n’a pas été fait, comme le fait que 65% des montants en question sont reversés à l’Etat sous forme d’impôts et de sécurité sociale. Vous pourriez revoir à la baisse votre salaire? Vous l’avez déjà fait une fois? Justement, pas de raison que je le fasse deux fois. (Il rit) On dit que pour vous «un accord est un accord»? Juste. Vous pourriez ménager votre actionnaire dont vous aurez peut-être besoin plus tard? Vous trouvez que je ne le ménage pas? Vous finirez sur une île déserte. Vous n’avez pas peur qu’on se dise «il est ingérable»? Non. En ce qui concerne l’opération à laquelle j’ai dit non (la fusion avec KPN, NDLR), j’étais convaincu qu’elle ne créerait pas de valeur pour Belgacom et ses actionnaires. Vous n’avez pas deux coups d’avance pour votre fin de carrière? Non, parce que dans le cas présent, cela n’a aucun intérêt d’avoir deux coups d’avance. Je ne souhaite qu’une chose: mettre cette société dans la position la meilleure, avec des résultats qui sont en ligne, voire mieux que la guidance. Je considère qu’avec Swisscom, nous sommes une des sociétés européennes parmi les plus performantes, Je dois reconnaître que j’en éprouve une certaine fierté, et j’ai envie de la garder. Pour moi 2015 n’est pas et ne sera pas un stress.

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