Sommet de Varsovie: l’Otan se muscle à l’Est et devra serrer les rangs

Angela Merkel et François Hollande, côte à côte vendredi, dans un méga-stade – celui où se déroule le sommet de l’Otan à Varsovie : la scène a fait sourire, au lendemain de la déroute allemande face à la France à l’Euro de football… Le propos du président français, adressé à la presse, assurant que la Russie « n’est pas une menace » indique, plus sérieusement, que l’Alliance atlantique a du pain sur la planche pour maintenir son unité, donc sa force. Le problème s’impose avec un sens de l’urgence inédit, au moment où le Brexit plante ses banderilles dans l’Union européenne, résolue à nouer un « partenariat stratégique » avec l’Otan. Une coopération qui permettra de maintenir des ponts stratégiques avec la puissance nucléaire britannique. Sans David Cameron toutefois, démissionnaire. C’est le dernier sommet du bientôt ex-Premier ministre britannique, comme pour Barack Obama, en fin de mandat : une page se tourne. L’agressivité du Kremlin La relation de l’Otan avec la Russie était, vendredi soir, au menu du dîner de travail, à huis clos, des chefs d’Etat et de gouvernement des 28 pays membres de l’Alliance, 29 avec le Monténégro bientôt membre et déjà invité comme observateur, plus la Finlande et la Suède, pays partenaires non-membres, mais suffisamment inquiets de l’agressivité du Kremlin pour sérieusement étudier le projet de rejoindre les rangs de l’Alliance. Pour l’hôte du sommet, le président polonais Duda, la Russie est coupable d’une « politique d’agression ». Barack Obama dénonce aussi la « menace » que « l’agression » russe en Ukraine représente pour « notre vision d’une Europe en paix ». Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg étrille le réarmement russe et ses comportements « dangereux ». Mais pour Hollande, la Russie reste avant tout un « partenaire qui, c’est vrai, peut parfois, on l’a vu en Ukraine, utiliser la force »… [scald=1596482:sdl_editor_representation] Déploiement de troupes de l’Otan sur le flanc est Quelles que soient ces divergences de langage (sinon d’opinion) et si, chez nous, comme le dit le chef de la diplomatie belge Didier Reynders, « on se préoccupe davantage de la menace djihadiste », les Alliés ont confirmé hier au sommet leur décision-phare : le déploiement de troupes de l’Otan sur le flanc est de l’Alliance. Quatre bataillons « robustes », lourdement armés et équipés, prêts au combat, seront stationnés à l’Est, « sans date de fin », a dit Stoltenberg : un en Pologne et un dans chacun des trois pays Baltes. Les troupes seront relevées par rotation, ce qui permet d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’un stationnement « permanent » – mais « persistant » ; suffisant, en tout cas, pour faire rugir la Russie qui dénonce à son tour l’agressivité de l’Otan. Et s‘apprête à « contrebalancer » la mesure. On se toise. C’est l’escalade. Chacun des bataillons sera, dès le début de l’an prochain, emmené par une « nation-cadre ». Les Etats-Unis annoncent 1.000 soldats en Pologne, qui serviront « main dans la main » avec leurs collègues polonais, a dit Obama. Le « débarquement » US en Pologne est siginicatif. En plus de ce bataillon, le président des Etats-Unis a annoncé que la brigade blindée (4.200 hommes) que les Américains vont déployer par rotation dans plusieurs pays d’Europe orientale aura son QG en Pologne. Les Allemands seront chef de file du bataillon en Lituanie, les Canadiens en Lettonie et les Britanniques en Estonie. Un renforcement de la présence de l’Otan en mer Noire, dans les eaux et dans le ciel, est aussi à l’étude, pour décision à l’automne. « Bien d’autres alliés ont annoncé durant la réunion qu’ils contribueront aux bataillons », a indiqué hier soir Stoltenberg. La Belgique, en queue de peloton pour les dépenses militaires, devrait en être. Le ministre de la Défense Steven Vandeput prévoit ainsi l’envoi d’une compagnie, soit 150 à 200 hommes, en Lituanie, peut-être dans le cadre d’une rotation partagée avec les Pays-Bas, a-t-il indiqué à Varsovie. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense participent également au sommet. Parallèlement à « l’Est », un bouclier anti-missiles basé sur des moyens américains entre dans une phase « opérationnelle initiale », censé protéger les pays de l’Alliance contre des tirs venus du Moyen-Orient : les « pays à risque » cités sont l’Iran, le Pakistan, voire à plus long terme la Corée du Nord, mais aussi des acteurs non-étatiques comme les groupes terroristes.« Cela signifie que les navires américains basés en Espagne, le radar en Turquie et le site d’intercepteurs en Roumanie sont maintenant capables de travailler ensemble sous le commandement et le contrôle de l’Otan », a expliqué Stoltenberg. Un autre site est prévu pour 2018 en Pologne, même s’il pourrait jouer un rôle marginal. Mais là aussi, la Russie n’en démord pas, malgré tous les démentis techniques de l’Otan : ce bouclier est dirigé contre elle, qui va affaiblir sa propre capacité de dissuasion. Dans ces conditions, l’offre de « dialogue » avancée par l’Alliance à la Russie risque bel et bien de faire long feu.

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