Carta Academica – Ma langue à moi: Peut-on s’approprier ce qui n’est pas appropriable?
Tous les samedis, « Le Soir » publie la chronique d’un ou plusieurs membres de Carta Academica. Cette semaine : L’appropriation des savoirs langagiers par les élèves nécessite un temps long.

Les points de vue exprimés dans les chroniques de Carta Academica sont ceux de leur(s) auteur(s) et/ou autrice(s) ; ils n’engagent en rien les membres de Carta Academica, qui, entre eux d’ailleurs, ne pensent pas forcément la même chose. En parrainant la publication de ces chroniques, Carta Academica considère qu’elles contribuent à des débats sociétaux utiles. Des chroniques pourraient dès lors être publiées en réponse à d’autres. Carta Academica veille essentiellement à ce que les chroniques éditées reposent sur une démarche scientifique.
Par Dan Van Raemdonck, professeur de linguistique française à l’ULB et à la VUB
Irrégulièrement, mais avec constance, comme un marronnier à éclosion variable, resurgissent les complaintes relatives à la baisse du niveau de l’orthographe ou de la maitrise langagière des élèves et étudiant·e·s. Les dernières enquêtes internationales Pirls et Pisa (1) , qui évaluent les compétences des élèves – respectivement pour les élèves de 4e primaire et pour ceux âgés de 15 ans – de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de lecture révèlent des résultats assez désastreux. Cela se voit confirmé par des enseignant·e·s, souvent du supérieur, qui, interrogés, communiquent leur ressenti basé certes sur leurs expériences personnelles, mais pas sur des études comparatives effectuées sur le temps long (2). Il semble de bon ton de catastropher. La grammaire réapparait dès lors, et s’invite dans l’espace politico-médiatico-pédagogique comme la question fondamentale posée à l’enseignement-apprentissage des langues. Surgit dès lors, de la part des discours d’autorités, une « Réaction » à bannière trinitaire « grammaire-orthographe-dictée » (3), qui prône une « amélie-poulinisation » de la grammaire et de la dictée, cache-poussière gris et chant des Choristes inclus : « Nos (arrière-)grands-mères savaient l’orthographe, elles ! »
L’appropriation de la langue en question ou Comment habiter le monde si l’on n’habite pas sa langue ?
En France, des ministres de l’Éducation successifs de tous bords ont apporté leur pierre à la réédification de la gloire de la dictée, qu’il faudrait selon eux pratiquer tous les jours pour améliorer la maitrise de la langue. Outre que maitrise de l’orthographe ne saurait signifier maitrise de la langue, la dictée souffre de nombreux défauts. Il est difficile de déterminer la cause d’une erreur : incompréhension du texte source (il s’agit bien du texte de quelqu’un d’autre), méconnaissance des règles, incapacité à les appliquer… De plus, l’orthographe est, souvent et à tort, confondue avec la langue, alors qu’il ne s’agit que d’une technique de retranscription, toujours perfectible comme chaque technique (4). Et comme la langue est souvent une composante de l’identité culturelle d’une communauté, pour le français, l’orthographe a intégré, dans le sens commun et toujours à tort, la carte d’identité de ladite communauté. La dictée devient un totem élitiste qui confère un passeport de légitimité à l’usager. Les concours de dictée multiples et variés (de Pivot à Balfroid) glorifient une pratique en fait discriminatoire, dont les usagers sont culturellement prisonniers. Elle est également un instrument coercitif en classe, dont la correction est plus aisée (« bon/pas bon ») que celle d’une production d’élève. Tout au plus trouve-t-on des pratiques d’écriture qui, se réclamant de la dictée pour s’inscrire dans la tradition, s’éloignent des effets néfastes de l’exercice : dictée négociée, phrase dictée du jour… Autant de variantes qui, tout en concentrant artificiellement des difficultés, essaient d’intégrer des commentaires réflexifs dans l’exercice, mais qui ne remplaceront jamais un des seuls exercices qui vaillent : faire écrire par les élèves des productions propres, courtes ou longues, et discuter avec eux des graphies et tournures produites en fonction de ce qu’ils veulent dire. Rien ne sert de dorer la pilule de la dictée ; il faut changer de paradigme.
Par ailleurs, les pratiques et discours grammaticaux traditionnels en classe de français n’aident pas vraiment à promouvoir la lecture et le travail sur la (dé)construction du sens dans des productions longues. Comment en effet travailler le sens de ces productions, textes ou discours, quand les outils mis à disposition ont été forgés pour l’orthographe du mot et des constituants dans la phrase : natures (nom, verbe…), fonctions (sujet, épithète, complément…) et accords (de l’adjectif, du verbe, du participe passé), qui constituent, avec la conjugaison, les points principaux d’attention de la grammaire scolaire, concernent essentiellement l’enclos de la phrase . Or, personne ne parle ou n’écrit en phrase autonome ou isolée. La communication se fait notamment par le biais de productions contextualisées plus ou moins longues, dont la structuration – qui ne se résume pas à une simple addition de phrases – est étudiée par une grammaire spécifique, la grammaire de texte. Cependant, celle-ci n’a jamais trouvé à irriguer de ses apports les descriptions centrées sur la phrase. Tout au plus plaque-t-on des concepts d’analyse textuelle (cohérence, progression thématique, connecteurs…) à partir de 14-15 ans, mais sans lien articulé avec les savoirs grammaticaux antérieurement enseignés.
Moins de grammaire, tôt ; mieux de grammaire, plus tard
L’appropriation des savoirs langagiers par les élèves nécessite en fait un temps long, qui prenne en compte leur aptitude à l’abstraction et leur capacité à s’approprier un modèle et un appareil descriptifs, leurs outils et les termes du langage technique de la grammaire, ainsi qu’à développer un (savoir) être scientifique et critique, ce qui constitue un défi majeur. La prise en considération de ces facteurs rend en fait encore plus indispensable la mise en œuvre de la formule « Moins de grammaire, tôt », là où le discours grammatical, la terminologie, la formalisation ne s’avèrent pas nécessaires, voire pourraient être contre-productifs parce qu’inappropriables ; et « Mieux de grammaire, plus tard », là où un réel besoin se fait sentir, c’est-à-dire au moment où les savoirs grammaticaux sont effectivement appropriables, pour une appréhension plus adéquate de la matière grammaticale et un apprentissage de la réflexion grammaticale à des fins de mieux écrire – ce qui dépasse la seule dimension orthographique –, de mieux parler, de mieux lire et de mieux écouter.
Il importe dès lors de restituer à la grammaire son pouvoir explicatif en recentrant le discours grammatical scolaire sur les mécanismes à l’œuvre lorsque nous communiquons, produisons (encodons) ou interprétons (décodons) des messages, et en réduisant par ailleurs la terminologie au strict nécessaire.
La grammaire scolaire actuelle a beau prescrire et proscrire, ce n’est ni une grammaire de production – elle permet de reconnaitre des segments, mais n’aide pas à écrire un texte – ni une grammaire explicative – elle étiquète, mais ne dit rien du pourquoi ou du comment formater son message. Elle omet de dire à l’usager qu’il est responsable de ce qu’il veut exprimer et qu’il dispose pour ce faire de différents moyens dont il peut user librement. Un des objectifs de l’enseignement doit donc être de faciliter la réappropriation par les usagers de leur langue, de leur droit de parole, via la réappropriation du discours fait sur la langue. Cette réappropriation est l’une des conditions sine qua non pour permettre aux futurs citoyens de se construire, et de se situer dans un système social où la maitrise des codes, des langages, dans leurs dimensions de production et d’interprétation, est une condition nécessaire à l’exercice de leur esprit critique et, partant, de leur autonomie et de leurs libertés.
De l’appropriation à l’appropriabilité, et retour
Il est en général de bon ton de culpabiliser l’usager, responsable de sa non-appropriation de la matière, ainsi que l’enseignement qui n’en fait visiblement pas assez et ferait mieux de faire encore plus de la même chose, dictée quasi quotidienne comprise : toutes choses étant égales par ailleurs, ce sont le scripteur, son travail, ses efforts, et sa méthode d’appropriation qui sont évalués, scrutés, critiqués, (dé)responsabilisés, soumis à discussion, voire à réforme.
Cette complainte de la non-maitrise de l’orthographe et de la langue résonne dans toute la Francophonie (6). Les discours dépeignent certes cette orthographe comme difficile, mais ce serait l’ensemble des usagers qui pécheraient. Il serait hors de question de questionner les discours sur la langue.
Il ne s’agit pourtant pas de porter atteinte à l’existence d’une « sacro-sainte » norme – nous ne contestons pas ici la légitimité sociale du fait qu’il en existe une –, mais de contester le fait que ce soit cette norme-là, dite avec ces mots-là ; de contester le fait que cette norme soit une norme élitiste, qui a été construite comme telle, à une certaine époque, de telle sorte que peu de locuteurs puissent la maitriser et que la majorité soit soumise à son joug (7) ; de contester le fait que les usagers du français, qui sont les réels possesseurs de cette langue, puissent, à un moment ou l’autre de leur existence francophone, se sentir exclus de cette langue qui est pourtant la leur.
Nous avons proposé (8) de prendre en considération, à côté de la question de l’appropriation de la langue, celle de son appropriabilité. Ce concept, repris depuis (9), permet d’appréhender les difficultés rencontrées par les usagers en déplaçant le point de vue, de l’usager à la langue. Il n’est en effet que très rarement question de travailler la manière dont on parle de la langue, son corpus, ses règles, ses discours normatifs, administratifs ou publics, ou ses scories. On observe très peu d’évaluations officielles de la condition première de l’appropriation : on ne peut en effet s’approprier que ce qui est appropriable. Et l’orthographe française et la grammaire, le sont-elles bien, elles, appropriables ?
Bien sûr, il serait difficile de dire que la langue française serait inappropriable. Cela la rendrait invendable sur le marché compétitif des langues. Pour autant, il importe de creuser cette réflexion : rendre les discours normatifs et les règles de la langue plus appropriables, plus sensés, plus logiques, veiller à des usages de la langue plus lisibles et accessibles, aurait pour conséquence de rapprocher la langue de l’usager citoyen, de la rendre conviviale (10).
Exemple de changement possible
Nous défendons la nécessité d’un changement total de perspective : appréhender et aborder la langue par le versant de la régularité (11). Trop souvent, l’école favorise l’apprentissage aveugle – parce que par cœur – des exceptions. La langue y est vue comme objet compliqué et conflictuel (12). De quoi dégouter pour longtemps, voire à tout jamais, de la chose grammaticale.
Prenons simplement le cas de l’accord du participe passé (PP). Pourquoi passer plus de 80 heures (13) sur cet accord, ses règles générales, cas particuliers et exceptions (14), à l’école ? Les francophones savent à peine ce qu’est un participe passé ou à quoi il sert, mais devraient passer des dizaines d’heures pour savoir comment l’accorder ? Pourtant, on pourrait ramener ces règles atomisées à un principe simple et clair : le PP s’accorde, comme l’adjectif, le déterminant, en genre et en nombre avec le mot auquel il se rapporte (15). Si l’on ajoute un appendice correctif (l’accord du participe ne se fait pas lorsque, employé avec l’auxiliaire avoir, le participe est suivi du mot auquel il se rapporte), on couvre à peu près 95 % des accords. Tout cela avec une seule règle (16) (certes corrigée) – qui est la même que la règle générale qui couvre tous les accords –, et sans changer les pratiques admises. D’autres propositions de rationalisation (17) recommandent l’invariabilité généralisée du PP employé avec l’auxiliaire avoir, qui correspond à un usage de plus en plus répandu à l’écrit (à l’oral, l’accord du PP s’entend extrêmement peu, voire pas du tout, quel que soit le cas).
La porte d’entrée par la régularité à tous les étages (accords, conjugaison…) rend la grammaire beaucoup plus rationnelle (18) et appropriable – et, par ricochet, simple –, tout en étant plus conforme au système qu’est la langue et à son fonctionnement, et ce, sans aucun nivellement par le bas.
Qui pour réformer ?
On entend souvent dire que pour réformer l’orthographe ou le discours grammatical (19), il faut une demande sociale ou une appétence institutionnelle. En matière de réforme en matière de langue, on nous oppose souvent que les deux font défaut. C’est une grossière erreur, voire une faute (et pas d’orthographe, celle-là). C’est en tout cas une lâche démission.
La demande sociale existe (à commencer par les enseignants, qui sont les formateurs de nos élèves). Et s’il veut ne pas la voir, l’inappétent institutionnel, généralement soucieux de sa réélection et dès lors de ne pas soulever de vague inutile, ne restera cependant pas longtemps aveugle face à la demande économique que l’on voit de plus en plus pressante : la perte de la maitrise de l’orthographe des employés – une fois qu’on a licencié les personnes susceptibles de relire les communications écrites – a un cout énorme en termes d’image des entreprises, qui, comme certaines écoles d’ailleurs en plein désarroi, en sont réduites à se tourner vers des acteurs privés, comme le Projet Voltaire. Ce dernier, dont le démarchage commercial auprès des entreprises, des institutions et des écoles est assez agressif, et dont les services sont particulièrement couteux, pour un support pédagogique indigent (essentiellement un système de drill équivalent à un jeu de plateforme), illustre à merveille le principe de la socialisation des pertes et de la privatisation des bénéfices.
Si l’appétence devait ne guère venir à nos politiques, nous nous retrouverions en situation de non-assistance à personnes en danger d’exclusion sociale, ce qui ne va assurément pas sans un cout.
On promouvra d’autant mieux la langue française si l’on en montre la cohérence, si son système est appropriable, si ses usagers prennent un plaisir non masochiste à la pratiquer, si cette langue est ouverte aux évolutions. Si elle est conviviale.
Toutes les chroniques de *
(1) Quelles que soient les réserves émises à l’égard de la méthodologie de ce type d’enquêtes, les résultats ne peuvent nous laisser indifférents et appellent une réaction, tant en ce qui concerne le niveau des élèves, qu’en ce qui concerne les disparités énormes résultant d’un système reconnu comme très inégalitaire.
(2) Une étude existe néanmoins, qui a d’abord marqué une progression de l’orthographe grammaticale dans la saisie effectuée en 1987 par Chervel et Manesse (La Dictée, les Français et l’orthographe, 1989), en comparaison avec l’enquête initiale de l’Inspecteur général Beuvain d’Altenheim menée dans les années 1870. Les saisies postérieures à 1987 (2007, Cogis et Manesse, et 2015, Andreu et Steinmetz, Ministère de l’Éducation), ont certes révélé une baisse de niveau pour l’orthographe grammaticale seule, qui semble marquer le pas entre 2015 et 2021 (Eteve et Nghiem, Ministère de l’Éducation). Cette baisse de niveau s’explique souvent par l’étalement de l’apprentissage, des populations scolaires différentes, la diminution du nombre d’heures d’étude de la langue, la diversification des enseignements (oral, autres matières…) qui entraine une moindre focalisation sur l’orthographe et son métalangage…
(3) Voir la Déclaration de politique communautaire du gouvernement de la FWB (2019).
(4) D’autres langues, comme l’allemand ou le néerlandais, révisent d’ailleurs périodiquement leur orthographe.
(5) La dernière terminologie grammaticale française (Monneret & Poli, 2020) en est un parfait exemple.
(6) À titre d’exemple, la France est à peine mieux classée que la Belgique francophone dans les enquêtes précitées.
(7) Dans les cahiers préparatoires de la première édition du dictionnaire de l’Académie française (1694), on peut lire que l’Académie doit préférer « l’ancienne orthographe, qui distingue les gens de Lettres d’avec les Ignorants et les simples femmes ». Voir également Chervel (1977), Histoire de la grammaire scolaire :… Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, qui explique par ailleurs que c’est par la généralisation de l’enseignement de la grammaire et de l’orthographe sur tout le territoire de France que l’on a unifié et consolidé la République autour de sa langue. Ce qui permet de comprendre l’attachement psycho-affectif à ces différentes composantes.
(8) Lors du colloque du réseau Opale (Organismes de politique et d’aménagement linguistiques de la Francophonie du Nord), consacré, à Lyon en 2011, aux évolutions du français.
(9) Notamment par Klinkenberg (2015), La langue dans la cité, Vivre et penser l’équité culturelle.
(10) Voir Bernard et al. (2015), S’approprier le français. Pour une langue conviviale.
(11) C’est le point de vue que nous avons pu défendre dans la conception du dernier Référentiel de français et des langues anciennes.
(12) Voir Tielemans (2022), Un panorama des représentations linguistiques : étude multilingue des représentations linguistiques des étudiants de langues en contexte universitaire, colloque de l’Opale, Mons. Les représentations que l’on a du français sont celles d’une langue difficile et complexe.
(13) Chiffre généralement cité par le linguiste Marc Wilmet sur la base d’une étude de Jonas Makamina Bena.
(14) Jusqu’à une quarantaine de règles et sous-règles dans le Bon Usage. En général, les grammaires, qui se recopient beaucoup, subdivisent directement – c’est-à-dire sans introduction qui permette de comprendre la généralité du cas –, la question en 4 parties : le PP employé sans auxiliaire : accord avec le mot auquel le PP se rapporte ; le PP employé avec l’auxiliaire être : accord avec le sujet ; le PP employé avec l’auxiliaire avoir : accord avec le COD/CDV si celui-ci précède le PP ; et le PP des verbes pronominaux, dont l’accord mixe les deux cas précédents. Chaque règle connait des cas particuliers et des exceptions. La couronne revient au PP employé avec avoir, pour lequel de nombreux cas sont envisagés pour savoir si on a bien affaire à un COD/CDV, ou si ce COD/CDV est bien le complément du verbe dont on accorde le PP. Beaucoup de sous-cas proviennent du choix qui est fait d’accorder avec une fonction (sujet, COD/CDV), ce qui ne se révèle pas toujours aisé à mettre en pratique. Par ailleurs, il est cognitivement couteux de devoir construire un système de fonctions avant de pouvoir accorder.
(15) Le verbe s’accorde lui aussi avec le mot auquel il se rapporte, mais en personne et en nombre.
(16) Quel gain en termes de temps et de concepts (pas besoin des fonctions grammaticales, économie de charge cognitive), qui pourrait être réinvesti dans des activités plus réflexives et génératrices de sens.
(17) Émanant notamment du Conseil des Langues et des Politiques linguistiques de la FWB ; voir également la campagne en 2018 des auteurs de la pièce La Convivialité, Hoedt et Piron. Le 14e congrès mondial de la Fédération internationale des Professeurs de français, réuni à Liège en 2016, a voté une résolution demandant, notamment, la réforme de l’accord du participe passé en ce sens.
(18) La langue n’est pas que rationnelle, bien sûr ; elle est aussi le résultat de cheminements historiques divers. Cependant, il importe de retrouver ce qui est systém(at)ique et régulier dans la langue, sa grammaire et son orthographe, pour pouvoir s’approprier son fonctionnement. Les incohérences (fausses étymologies, doubles consonnes, règles résultant d’une observation biaisée de langue…) ont certes une histoire dont certains sont friands pour faire passer la pilule de l’irrégularité : l’érudition vous fera aimer votre fardeau. Cependant, cette érudition ne nous sert pas à produire et à interpréter des messages ; la mise au jour du système de la langue, oui.
(19) Ce travail de réforme ne portera ses fruits que s’il est soutenu, au niveau international des instances de la francophonie, par une volonté politique transversale ambitieuse. C’est la raison pour laquelle le Conseil des Langues et des Politiques linguistiques de la FWB a recommandé, rejoint par ses collègues suisses, québécois et français, la création d’un « Collège des Francophones », composé de spécialistes de la langue française et d’usagers de toutes les régions de la francophonie, afin de réfléchir aux évolutions possibles de la langue et des discours qui en rendent comptent.
Pour poster un commentaire, merci de vous abonner.
S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir3 Commentaires
Le problème est général et ne concerne donc pas que l'orthographe, le vocabulaire ou la grammaire. Ce à quoi nous assistons, c'est un laisser-aller dans tous les domaines, qui est la conséquence normale de l'opulence qui a été la nôtre durant les trente glorieuse et plus particulièrement dans les années soixante. C'est le mécanisme classique de la décadence, où l'effort et la recherche de la qualité et de l'excellence sont négligés, au profit de la jouissance égoïste. Typiquement, c'est aussi en décadence qu'on se met à couler en lois l'obligation d'atteindre des idéaux apparemment très nobles, mais totalement irréalisables en pratique. Et les élucubrations progressistes (comme actuellement celles produites par le wokisme) ont le champ libre et monopolisent l'attention au détriment de ce qui serait utile et nécessaire pour éviter le naufrage. Byzance et le sexe des anges... on s'y croirait revenus.
Conséquence de l'opulence, ... (et) des hélucubrations progressistes ?
Efectivement, le problem de l’ortograf revient comme un maronié. Quand penser ? Question oratoire qui signifie que je me demande ce que je vais en penser et non quand je vais penser. L’orthographe, parfois… Mais je suis certaine qu’au vu de votre maîtrise de la grammaire du texte, vous aviez compris. En effet, comme ma grand-mère (un des marronniers…) qui aurait eu 118 ans cette année, je vois que vous avez survécu à la grammaire ancestrale de vieux dictateurs pour arriver à mettre bout à bout des mots, dans des phrases qui forment un texte qui a du sens. Et qui exprime même de nombreuses subtilités ! Ça, c’est plus que survivre ! Mais, vous n’y êtes plus… Il y a déjà une bonne dizaine d’années que la règle du PP que j’enseigne, dans le supérieur, comprend 2 points : invariable avec « avoir »/accord avec le mot qu’il qualifie avec « être ». C’est faux mais, statistiquement, je savais que l’étudiant – qui a son CESS (je le précise) – avait plus de chances de « tomber juste ». Que nenni ! car il ne sait plus que « serait », « soit », « fut »… sont des formes de « être » ! Idem pour « auront », « avait eu »… Donc, plouf, à côté. Mais laissons l’orthographe : le principal est de communiquer en encodant un message qui va permettre à l’émetteur de faire passer ce qu’il a dans la tête au récepteur qui va donc décoder. Encore raté ! Ces quinzaine derniers jours, j’ai expliqué les mots « prairie », « délit », « orient » (avec E ou A, avec ou sans T, c’était oral), « sédentaire », « migrant »… Mais laissons ce vocabulaire compliqué ! Le principal est de savoir ce qui se passe autour de soi. Zut alors ! J’apprends qu’il ne se passe rien de particulier en Iran et que Poutine s’y prend juste mal. On m’aurait menti… Mais laissons ces pseudo-guerres ! Le principal est l’esprit critique ! Vraiment pas de chance pour moi : mon concurrent direct est Cyril Hanouna qui fait des phrases courtes, avec le vocabulaire du singe sur des sujets passionnants « people ou girly ». Plus sérieusement : le problème n’est plus celui de l’orthographe mais celui de la capacité à l’abstraction et à l’esprit critique via l’analyse fine du mot, de la phrase et, bien évidemment, du texte en contexte. Dans un souci démocratique, la suppression de l’étude du passé simple par exemple prive les étudiants les plus socio-culturo-économiquement faibles de siècles de littérature depuis les contes de Perrault jusqu’aux Lumières. La bienveillance démocratique les prive aussi d’un accès facilité aux études de droit, de médecine… où les mots et les règles grammaticales sont fondamentaux. Si ma grand-mère n’a pas fait d’études universitaires, c’était un problème d’argent, pas de formation. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Mais peut-être faut-il réécrire tous ces textes ? C’est très à la mode ces temps-ci…