Comment la nomination de Theresa May pourrait accélérer le Brexit
Andrea Leadsom s’est retirée de la course au poste de Premier ministre. David Cameron, qui devait attendre le 9 septembre pour quitter Downing Street, partira dès ce mercredi. Une rapidité dictée par la dégradation économique.


La crise ouverte par le référendum du 23 juin où une majorité de Britanniques s’est prononcée en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, vient de connaître une soudaine accélération, alors que tout le monde pensait qu’on était parti pour une longue période de surplace et d’incertitude. Le retrait d’Andrea Leadsom, seule concurrente restante pour le poste de première ministre britannique face à l’actuelle ministre de l’Intérieur Theresa May, est le dernier rebondissement d’une saga assez incroyable. Et peu après, le Premier ministre, David Cameron, qui devait rester en place jusqu’à l’élection de son successeur le 9 septembre, a fait savoir qu’il céderait la place à Theresa May dès ce mercredi.
Extraordinaire enchaînement de rebondissements, dont le résumé sec sonne quasiment comme un vaudeville, avec retournements et portes qui claquent. Qu’on en juge. Au lendemain de la victoire du Brexit au référendum, David Cameron, qui avait toujours dit qu’il mènerait lui-même son pays vers la sortie de l’UE, même s’il avait dirigé la campagne pour son maintien, décidait de jeter l’éponge. Tout le monde (mais pas Le Soir, qui avait annoncé Theresa May le 23 juin !) donnait alors Boris Johnson comme le plus probable successeur de Cameron : n’avait-il pas été le leader charismatique de la campagne en faveur du Brexit, et n’était-il pas hyper populaire auprès de la base du parti conservateur ?
Johnson, Gove puis Leadsom
C’était compter sans l’assassinat politique de Johnson par son Brutus : Michael Gove, ministre de la Justice et ami intime de Cameron, qui, après avoir trahi ce dernier en se rangeant du côté du Brexit, a mené la campagne en duo avec Johnson. Mais après leur victoire commune, et à une heure de la déclaration de candidature de « Boris », Gove s’est déclaré candidat au leadership des Tories et au poste de Premier ministre, affirmant que son ex-comparse n’en avait décidément pas l’étoffe. Exit Johnson. Mais en l’ayant poignardé en public, Michael Gove, qui avait toujours déclaré ne pas vouloir d’un poste de Premier ministre dont il n’avait pas les compétences (sic !), s’est rapidement fait une réputation de traître et – très grave chez les conservateurs – d’homme imprévisible et instable. Dès après le deuxième tour de scrutin interne, Gove s’effaçait, laissant deux femmes en piste…
Andrea Leadsom était incontestablement l’invitée surprise, mais pas totalement, de la course à l’investiture. Elle s’était engagée activement depuis quelques années dans la bataille en faveur d’une réforme du statut du Royaume-Uni au sein de l’UE. Et alors qu’elle avait longtemps déconseillé le Brexit, elle avait fini par s’engager avec passion dans la campagne pour la sortie, aux côtés de Johnson et Gove…
Ce qui lui avait conféré son meilleur argument face à Theresa May : celle-ci, réputée très eurosceptique depuis toujours, s’était pourtant rangée du côté de David Cameron en faveur du maintien dans l’UE. Mais, clairement pour ne pas insulter l’avenir, May n’avait quasiment pas fait campagne. Face à ce poids lourd, les arguments de la nouveauté et de la « crédibilité brexitienne » de Leadsom n’ont pas fait le poids longtemps, cette dernière ayant accumulé les gaffes dans sa brève campagne. Et c’est ainsi que Theresa May, la seule des candidats au leadership conservateur et au 10 Downing Street qui avait été officiellement contre le Brexit, sera chargée de le négocier et d’assurer la prospérité d’un Royaume-Uni voguant isolé sur les eaux de la mondialisation.
Et maintenant ?
La rapidité des événements. Dans un contexte de dégradation accélérée de la position du Royaume-Uni sur les marchés, de la dégringolade de la livre sterling et du branle-bas qui commence dans les entreprises installées outre-Manche et envisageant de déménager sur le continent, la perspective de deux mois d’incertitude quant à l’identité du prochain leader britannique et surtout quant à la stratégie de négociation sur le divorce avec l’UE, cette perspective paraissait tout simplement suicidaire.
Voilà que l’entrée dès ce mercredi de Theresa May au 10 Downing Street devrait accélérer l’ouverture de ces fameuses négociations avec l’UE. La ministre de l’Intérieur sortante de David Cameron avait, il est vrai, déclaré, lors de l’annonce de sa candidature, qu’elle ne voyait pas de raison pour son pays d’activer avant 2017 l’article 50 du traité de Lisbonne, par lequel un pays notifie son souhait de quitter l’UE. Mais il y a fort à parier que, article 50 ou pas, Theresa May voudra communiquer au plus vite, à l’UE comme aux marchés et au monde entier, sa vision du Brexit et de l’avenir du Royaume-Uni.
Dans les milieux européens, notamment auprès de ses 27 collègues de l’Intérieur et auprès de la technostructure bruxelloise, Theresa May jouissait d’une très bonne réputation de femme sérieuse, compétente et maîtrisant parfaitement ses dossiers. Autant dire qu’à Bruxelles comme dans les capitales européennes, l’attente est grande de la voir démontrer ces talents dans son nouveau job.
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