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Procès des attentats de Bruxelles: «Il est très difficile d’accepter de rester vivant», témoigne une victime

Sept victimes se sont succédé à la barre. Elles ont témoignés de leurs blessures psychologiques toujours très présentes.

Temps de lecture: 5 min

Les témoignages des parties civiles se sont poursuivis lundi devant la cour d’assises chargée de juger les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Sept victimes se sont succédé à la barre. Si elles ont entamé le chemin de la reconstruction, les blessures psychologiques causées ce jour-là sont toujours bien présentes.

La journée a commencé avec le récit poignant de Katarina Viktorsson, fille de Berit Viktorsson, une Suédoise tuée lors de l’explosion à Zaventem. Cette dernière était venue en Belgique à l’occasion de l’anniversaire de sa cousine, et s’apprêtait à retourner en Suède le jour des attentats. La jeune femme de 38 ans est longuement revenue sur sa journée du 22 mars et l’attente qui a suivi, avant d’apprendre la nouvelle du décès de sa maman.

Aujourd’hui, Katarina oscille entre la colère et la tristesse. « Je me sens mitigée, à la fois réduite en miettes et véritable guerrière. Pendant 7 ans, je n’ai pas vécu, j’ai survécu pour mes enfants. D’ailleurs si je ne les avais pas, je ne serais plus en vie », reconnait-elle. Il y a un mois, elle a eu un sursaut. « Je me suis dit que je ne pouvais plus vivre comme ça, je veux avancer et me reconstruire parce que je le mérite. Il le faut pour mes enfants et ma mère aussi », a-t-elle ponctué.

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En fin de matinée, Pierre-Yves Desaive, conservateur aux Musées royal des Beaux-Arts, a été entendu. L’homme, âgé de 54 ans, se rendait à Milan pour son travail le jour de l’attaque terroriste. Il se trouvait dans le hall des départs, près du grand tableau d’affichage, lorsqu’a retenti la seconde explosion. Il a alors été projeté par le souffle de l’explosion vers l’extérieur du terminal. Un souffle qui a fait de multiples victimes avant d’arriver à lui. Depuis lors, il est « très difficile » pour Pierre-Yves Desaive « d’accepter de rester vivant ».

Après une suspension, l’audience a repris en début d’après-midi, avec l’audition de Valérie Mbokanga, qui travaillait au Délifrance, dans le hall de l’aéroport, le jour des attentats. Ce témoin a raconté être la dernière à avoir adressé la parole aux terroristes. Dans la file de la sandwicherie, trois messieurs attendaient leur tour. L’un d’eux se tenait un peu en retrait, l’homme au chapeau, « le beau gosse, le beau-fils idéal », a ironisé la serveuse. « C’étaient trois touristes parmi les touristes. Quand ils en ont eu fini, je suis allée débarrasser leur table. » Quelques instants plus tard, l’horreur frappait l’aéroport. Sept ans après le drame, Valérie a encore du mal à cicatriser de ses blessures psychologiques.

Au cours du témoignage suivant, une victime présente à l’aéroport de Zaventem lors des attaques a confié « pardonner » aux accusés afin d’avancer dans la vie. « Je leur pardonne. Je ne veux plus vivre dans cette peur d’autrui. J’ai appris à mes enfants à se méfier, à ne pas sortir, à ne pas être avec les autres et c’est ça que je ne veux pas », a justifié cette quadragénaire qui travaillait dans le restaurant Exki le jour des faits.

Au lendemain du 22 mars, la témoin, qui n’a pas été blessée par les explosions, a raconté être restée cloitrée chez elle.

En fin d’après-midi, Katrijn Janssens, en partance pour un citytrip à New York avec son mari le jour des attentats, est venue confier sa culpabilité de ne pas avoir aidé les autres victimes. « J’étais paralysée, j’ai continué à manger mes tartines, et je n’ai pas aidé les autres ; je n’ose pas dire que je suis une victime », a déclaré celle qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Cet épisode de vie l’a détruite. Même si elle n’a pas été touchée physiquement, les dégâts psychologiques sont insurmontables. Et les gestes les plus simples de la vie s’apparentent à une torture. S’alimenter est devenu impossible : « A chaque bouchée, je me revois assise sur ce banc, à manger, à ne rien faire, je me dégoûte. En fait, je n’arrive plus à avaler quoi que ce soit, je dois être nourrie par sonde ».

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Pour clore cette journée de témoignage, c’est un homme chargé d’emballer les valises des clients dans un film plastique afin de les protéger des chutes, en poste le 22 mars, qui a été entendu par la cour. Le jour des attentats, l’homme se trouvait à côté de la machine servant à emballer les valises lorsqu’il a entendu la première explosion. Il a alors eu la présence d’esprit de se réfugier derrière sa machine, évitant de la sorte d’être touché par l’explosion. N’étant pas blessé physiquement, le témoin décide d’aller porter secours aux victimes. Son désarroi reste toutefois important par rapport à ce funeste 22 mars. L’homme n’a jamais pu surmonter cette épreuve, terminant son témoignage au bord des larmes, la main tremblante et dans l’incapacité de se reprendre.

Walter Benjamin était également cité à comparaitre lundi. L’auteur du livre « J’ai vu la mort en face, une vie après l’attentat », qui a perdu l’une de ses jambes dans l’explosion à l’aéroport de Zaventem, ne s’est toutefois pas présenté devant la cour. Son témoignage est reporté au 21 mars (à 14h30).

L’Etat belge condamné pour les fouilles

En parallèle à ces auditions, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé la décision rendue en première instance au sujet des fouilles à nu avec génuflexions, imposées aux accusés. Celles-ci sont désormais illégales. L’État belge est enjoint à faire cesser cette pratique, jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme.

« Cet arrêt ne met pas fin aux fouilles à nu en tant que telles, mais seulement à la procédure de fouilles à nu avec flexion du genou », a réagi le cabinet du vice-Premier ministre Vincent Van Quickenborne (Open Vld).

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Après avoir pris connaissance de l’arrêt de la cour d’appel, la présidente de la cour d’assises a prévenu, lundi après-midi, qu’elle ne déposerait et n’exigerait plus, à partir de mardi, les décisions individuelles qui justifiaient jusqu’ici lesdites fouilles.

La défense des accusés détenus a, quant à elle, déclaré espérer « ne pas avoir de mauvaise surprise » à l’entame de l’audience mardi matin.

 

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