Une circonscription fédérale pour débloquer la Belgique fédérale?
L’idée d’une circonscription fédérale, qui permettrait à des électeurs flamands de voter pour des candidats wallons, et inversément, fait son chemin, mais des difficultés majeures persistent.

Pour pouvoir mieux fonctionner, entend-on souvent, la Belgique a besoin d’une réforme profonde de son modèle fédéral, et donc d’une modification plus que marginale de sa constitution. Mais celle-ci ne peut être amendée qu’avec un soutien suffisant de part d’autre de la frontière linguistique. Une réforme en profondeur semble dès lors hors de question tant que les leaders politiques des deux communautés linguistiques ne seront pas électoralement incités à expliquer et défendre leurs propositions de réforme $ de l’autre côté de la frontière linguistique.
C’est là l’une des raisons pour lesquelles l’idée d’une circonscription fédérale revient chroniquement à la surface : un partie des députés de la Chambre fédérale – 15, 20 ou un peu plus selon les versions – serait élue dans une circonscription couvrant l’ensemble du pays, et chaque citoyen disposerait de deux votes pour les élections de la Chambre, une dans sa circonscription provinciale e une dans la circonscription fédérale nouvellement créée.
Cette idée a fait l’objet d’un riche débat lorsqu’elle a été lancée en février 2007, par le groupe Pavia, un groupe d’universitaires néerlandophones et francophones issus de la plupart des universités belges. Elle a fait l’objet d’une commission parlementaire mixte Chambre-Sénat en février-avril 2014. Elle a été reprise en novembre 2019 dans la note d’informateur de Paul Magnette (PS). Elle a fait l’objet d’une proposition de loi de Patrick De Waele et Egbert Lachaert (Open VLD) déposée à la Chambre en mai 2022. Et Theo Francken (N-VA) lui a réaffirmé son soutien lors d’un débat avec Georges-Louis Bouchez (MR) le 9 mars dernier. Par ailleurs, une proposition analogue de circonscription pan-européenne a reçu l’appui d’une confortable majorité du Parlement européen lors d’un vote intervenu le 3 mai 2022.
Trois difficultés majeures
La proposition de circonscription fédérale n’en soulève pas moins plusieurs difficultés importantes, dont les suivantes.
1. Dans les diverses variantes, seule une minorité des sièges de la Chambre est attribuée dans la circonscription fédérale. Est-ce bien suffisant ? Certes, les partis auront intérêt à placer dans cette circonscription leurs candidats jouissant de la popularité la plus large, mais 15 ou 20 sur 150, n’est-ce pas trop peu pour créer une autre dynamique, la grande majorité des élus ne s’adressant qu’à des électeurs de leur Région ? Et si ce nombre était plus élevé (sans augmentation du nombre total de députés), la réduction du nombre d’élus dans les circonscriptions provinciales actuelles ne mettrait-elle pas en danger la représentation proportionnelle et n’accroitrait-elle pas la distance entre élus et électeurs ?
2. Dans la proposition du groupe Pavia, il est prévu que les 15 sièges de la circonscription fédérale soient répartis entre les deux groupes linguistiques dans la même proportion que les sièges de la Chambre sortante, soit 9 pour les néerlandophones et 6 pour les francophones. En l’absence de tels quotas, beaucoup d’électeurs pourraient être réticents à voter pour des candidats du groupe linguistique différent du leur, de peur de déforcer la représentation parlementaire de leur communauté. Mais le souci de garantir la représentation de chacune des deux communautés par des quotas préalables ne conduira-t-il pas à rigidifier les identités linguistiques et à affaiblir le forum démocratique commun au lieu de le renforcer ?
3. Les partisans de l’idée ne font-ils pas preuve d’un « créationnisme » naïf ? Dans le cadre de la circonscription fédérale, les électeurs francophones ne voteront-ils pas pour la plupart pour des candidats francophones, et même chose du côté néerlandophone ? La réforme, dans ce cas, n’aura-t-elle pas démontré ce qu’elle pensait pouvoir infirmer : qu’il existe en Belgique deux peuples que rien ne parviendra à reconnecter.
Après le modèle confédéral et le projet de Belgique à quatre, c’est maintenant à la circonscription fédérale que l’initiative Re-Bel invite à réfléchir, sans tabou ni complaisance. Seul un débat intègre et bien informé, qui traverse résolument la frontière linguistique et ne dégénère pas d’emblée en polémique partisane, peut nous donner l’espoir d’améliorer durablement nos institutions.
Le mercredi 22 mars (17h-19h), Egbert Lachaert (président Open VLD), Peter De Roover (chef de groupe N-VA à la Chambre) et Anne Lambelin (vice-présidente PS) discuteront de la circonscription fédérale à la Fondation universitaire. Ils seront interpellés par Petra Meier (UAntwerpen) et Christian Behrendt (ULiège). Les échanges seront modérés par Béatrice Delvaux (Le Soir) et Karel Verhoeven (De Standaard). Ils pourront également être suivis par Zoom. Inscription préalable requise sur RethinkingBelgium.eu.
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Mais pour qui les flamands vont-ils voter en wallonie?
Quel combat d'arrière-garde! Que les nostalgiques de la Belgique de papa se préparent pour 2024 et le passage en force de la NVA/VB ! Comme depuis 50 ans, il faut être deux pour danser le tango !
L’idée d’une circonscription fédérale, qui permettrait à des électeurs flamands de voter pour des candidats wallons, et inversEment (et pas inversément) est une excellente idée.
Avant de réformer la constitution pour instaurer une circonscription fédérale avec une et une seule voix par électeur, modifions cette constitution pour réparer une profonde injustice : supprimons la frontière linguistique arbitrairement fixée par les flamingants et organisons un referendum linguistique dans l'ensemble du territoire belge. Cela permettrait d'établir une seule région francophone Bruxelles et Wallonie réunies avec une minorité flamande. Mais pour cela, il faut du courage politique.
Il n'y a pas de "frontière linguistique arbitrairement fixée" par les flamingants. Comme n'importe quel autre peuple, les Flamands ont le droit de protéger leur territoire afin de préserver leur culture et leur langue menacées depuis la création d'une Belgique uniquement francophone. Pour rappel, il a fallu attendre 1883 pour que le flamand devienne aussi UNE langue officielle. Il suffit de voir les noms de communes bruxelloises pour constater que les Flamands n'ont fait que se défendre contre l'envahissement de leurs voisins francophones.