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L’urgence d’une boussole sociale en Europe

Dans les années à venir et dans moins d’un an, quand s’ouvrira la campagne pour les prochaines élections parlementaires européennes, le dialogue social, les négociations collectives et diverses autres interactions indispensables entre les intérêts du travail et ceux du capital, devront occuper une place centrale dans les débats, si nous souhaitons éviter la présence de l’extrême droite, comme en Italie ou en Hongrie.

Carte blanche - Temps de lecture: 5 min

Derrière le débat sur les retraites, c’est le monde du travail qui est en ébullition. Il est de plus en plus évident que toutes les grandes promesses prononcées pendant la pandémie – et il y en a eu beaucoup – tels que « reconstruire en mieux », « investir dans la résilience », « rétablissement et reconstruction », « récompenser les travailleurs clés », « rien ne sera plus comme avant », n’ont pas été tenues. Au lieu de cela, une crise liée à l’augmentation soudaine du coût de la vie, cumulée à une réforme des retraites, nous a rappelé à tous la fragilité inhérente d’un système économique qui reste fondamentalement ancré à l’idée que le travail est, essentiellement, une marchandise dont l’utilisation doit être « optimisée » et dont les coûts doivent être « réduits », par exemple pour freiner l’inflation ou pour contenir les dépenses globales en matière de pensions.

Une impression de régresser

Nous nous attendions tous à un nouveau chapitre de l’histoire de l’humanité, avec une reconnaissance renouvelée du travail et, enfin, un partage juste et équitable des fruits du progrès. Mais cela ne s’est pas produit. Au lieu de cela, nous avons le sentiment que les promesses n’ont pas été tenues et pire, que nous sommes en train de régresser. A ce titre, il n’y a peut-être pas d’expression plus forte de cette régression que l’invasion tragique de l’Ukraine par la Russie ! Cela génère un malaise social sans précédent, lié à un sentiment de trahison et, sans surprise, nous avons assisté à une nouvelle phase de mécontentement, voire de colère.

La transition manquante

La crise actuelle n’est pourtant pas une conjoncture. Nous sommes pris au milieu d’une crise structurelle et complexe, que beaucoup appellent une « polycrise » ou une « multicrise ». Cette crise est le résultat de l’incapacité de l’Europe et de ses pays membres, à faire face à un certain nombre de transformations inévitables et de transitions viables sur le plan social.

De manière précise, nous sommes actuellement confrontés à quatre transitions très importantes : une transition verte, une transition technologique et numérique, une transition géopolitique (liée au concept d’autonomie stratégique et de souveraineté stratégique, remodelant les chaînes d’approvisionnement et de valeur à l’échelle mondiale) et une transition émergente en matière de politique économique et monétaire. Mais il nous manque clairement une cinquième transition, cruciale : la transition sociale.

Ne pas perdre de vue l’objectif final

Il est impensable, voire imprudent, de s’attendre à ce que nos sociétés naviguent dans ces quatre transitions sans une boussole qui nous rappelle constamment quel devrait être l’objectif final de ce voyage : un avenir socialement et écologiquement durable, un avenir dans lequel nous n’attendons plus des humains et des ressources terrestres (limitées) qu’ils servent un système économique, mais où nous attendons et concevons ce dernier de manière à ce qu’il puisse répondre à nos besoins humains dans les limites de la planète.

Changements structurels

Dans son livre Capitalism on Edge – How Fighting Precarity Can Achieve Radical Change Without Crisis or Utopia, Alberna Azmanova explique qu’une partie du problème de notre système économique en difficulté réside dans la nature de certaines prétendues solutions qui manquent d’ambition et se contentent de l’opportunisme, du bon sens et de la praticité. De manière récurrente, ces dites solutions sont des entreprises de gestion de crise réactives qui ont involontairement institutionnalisé la crise, finissant par la perpétuer au lieu d’y mettre fin. Finalement ces rendez-vous manqués sont la définition même de la transition sociale : la capacité à concevoir, par des réformes structurelles et audacieuses, un nouveau modèle de production et de consommation qui soit socialement et écologiquement durable.

Une transition sociale et démocratique

Pour que ces transitions réussissent, elles doivent s’accompagner d’une transition sociale et démocratique. Chacune d’entre elles pose d’importants compromis et devrait faire l’objet d’une délibération démocratique, certainement lors des prochaines élections parlementaires européennes de 2024. Mais il doit être clair que leurs réponses ne peuvent pas être uniquement formulées et exprimées démocratiquement tous les quatre ou cinq ans lors des seules élections parlementaires ou présidentielles. Le rythme des changements sociétaux est tout simplement trop rapide de nos jours. Il suffit de regarder ce qui s’est passé au cours des quatre dernières années pour se rendre compte qu’une conception de la démocratie qui se résume à un rituel, même important, à accomplir tous les X années, est non seulement extrêmement restrictive, mais aussi tout à fait inadaptée aux défis qui nous attendent.

Une demande pragmatique

C’est pourquoi le dialogue social, la négociation collective et la démocratie industrielle, au sens large, doivent être au cœur de ce projet de transformation. Il ne s’agit pas d’une demande idéologique ou dogmatique, mais bien d’une demande pragmatique. Il est tout à fait irréaliste de penser que les nouvelles règles qui régiront l’économie, le déploiement des nouvelles technologies, les structures et arrangements fondamentaux de nos systèmes de production et l’utilisation des ressources mondiales peuvent être convenues de manière équitable et durable sans un débat démocratique important, continu et à plusieurs niveaux, qui accorde un siège spécial aux travailleurs et à leurs représentants.

 

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6 Commentaires

  • Posté par Chalet Alain, jeudi 30 mars 2023, 19:09

    L'auteur de ce beau baratin syndical énonce ses idéaux, mais ne fait aucune analyse de la situation actuelle et ne propose absolument rien de concret.

  • Posté par Thiebaud Sabine, jeudi 30 mars 2023, 13:12

    Et vous, vous proposez quoi ? Du servage !

  • Posté par Moritz Montanez, mercredi 29 mars 2023, 22:57

    Aucun exemple concret, aucune ébauche de solution, un ramassis de lieux communs. Du vide quoi

  • Posté par Nasse Colette, jeudi 30 mars 2023, 19:24

    Des exemples concrets, n’en avons-nous pas tous quantités à l’esprit… et sous le nez ? Il suffit d’ouvrir un journal, d’écouter la radio, de regarder les infos ou, encore plus simple, s’ouvrir ses yeux et ses oreilles sur le quotidien. Je trouve, au contraire (mais toute opinion se discute bien sûr) que cet article est intéressant dans la mesure où il permet de relier, d’organiser des faits d’actualité qu’on nous présente tellement souvent de manière pointilliste sous la forme d’anecdotes sans lien entre elles.

  • Posté par Moritz Montanez, mercredi 29 mars 2023, 22:52

    Je persiste !

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