Crise du lait: l’Europe répond timidement

Une nouvelle enveloppe de 500 millions d’euros pour stopper les robinets laitiers. C’est la décision prise par la Commission européenne lundi lors d’un conseil des ministres de l’Agriculture européens. Le propos de cette aide exceptionnelle ? Soutenir financièrement les éleveurs afin qu’ils baissent leur production. Soit un premier (mais « trop léger », selon les acteurs) changement de cap dans la politique très libérale appliquée ces dernières années par l’Europe à la filière du lait. Retour sur une spirale baissière née de la fin des quotas. 1. Pourquoi le lait est en crise La filière du lait est particulièrement instable. Mais les difficultés que rencontre le secteur ces deux dernières années sont inédites. Nos éleveurs souffrent d’une crise structurelle – l’Europe est en surproduction et les prix du lait sont historiquement bas –, doublée d’une crise conjoncturelle – la demande des pays asiatiques est bien plus basse qu’attendue et l’embargo russe n’a que contribué à la détresse de nos fermiers. En 2014, le litre du lait coûtait encore 38 centimes chez le producteur. Aujourd’hui, il tourne autour des 24 centimes, soit un prix trop bas pour couvrir les coûts de production. Une spirale baissière qui a débuté en mars 2015, date à laquelle la Commission européenne a supprimé les quotas européens de production laitière. [scald=1722774:sdl_editor_representation] En laissant le marché dans un état de libre concurrence, l’institution tablait sur une baisse naturelle de la production et des prix à la hausse. Sur le terrain, c’est le contraire qui s’est opéré : durant la campagne 2015-2016, soit la première sans régulation, l’Union a vu sa production grimper de 4,3 % globalement… Avec de sérieux pics chez certains membres, comme le boom irlandais de 18,5 %. 2. Ce que propose l’Europe Ce n’est pas la première fois que l’Union délivre une enveloppe exceptionnelle à ses producteurs de lait. Mais c’est bien la première fois depuis la suppression des quotas qu’elle décide de mettre à nouveau en place un peu de régulation dans le secteur. En pratique, l’aide de 500 millions se divise en deux volets. Un premier de 350 millions d’euros destiné à aider directement le secteur de l’élevage et réparti en enveloppes nationales. La Belgique bénéficiera d’environ 11 millions, à partager entre les régions. La mesure est « top-up », ce qui veut dire qu’elle peut être complétée d’un montant identique par chaque pays membre, sans que ces sommes ne soient considérées comme des aides d’État. Le second volet, de 150 millions d’euros, est destiné à encourager la baisse de production volontaire de lait. Via la mesure, la Commission prévoit un milliard de litres produit en moins en 2016 (l’année passée, l’Europe a produit 191 milliards de litres de lait, soit à peu près un quart de la production mondiale). Elle s’appliquera sur le dernier trimestre de l’année, et de la sorte : si les producteurs produisent moins qu’au même trimestre l’année précédente, ils recevront de l’Union, 14 centimes par litre non produit. Ici aussi, l’aide pourra être améliorée d’un coup de pouce national. 3. Ce que voudrait la Belgique « Trois milliards de litres de lait sont déjà stockés via l’intervention publique. La Commission change certes de cap en instaurant un peu de régulation mais les mesures manquent d’ambition », explique Willy Borsus (la matière est régionale mais c’est le ministre fédéral de l’Agriculture qui représente la Belgique au sein de l’Europe). Ce dernier regrette, tout comme les syndicats agricoles, des aides distribuées au niveau national sans vraie directive européenne. « Si certains pays baisseront effectivement leur production, elle sera inévitablement compensée par la hausse de production chez d’autres membres ! », poursuit le ministre. On sait que le Royaume-Uni, l’Irlande ou encore les Pays-Bas ne voient pas d’un bon œil l’instauration de nouvelles régulations. Par ailleurs, tous regrettent le maigre montant de 150 millions. « La somme est faible pour avoir un effet de levier sur le marché. Si cela ne fonctionne pas, cela marquera un nouvel échec de la politique européenne en la matière ». Une récente étude menée par le comité des Régions de l’Union montrait en effet qu’une réduction de 6 % des volumes de lait sur un an aurait un vrai effet sur la marge brute des producteurs via une remontée des prix du lait d’environ 15 %. Un pourcentage qui ne risque pas d’être atteint. Et une crise du lait loin d’être résolue.

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