Steven Spielberg: «Jamais je ne réaliserai de film de superhéros»

Festival de Cannes. Au dernier étage d’un des hôtels de luxe – et ici, le luxe, c’est bien le luxe et la splendeur authentiques, pas d’imitations – de la Côte d'Azur. Steven Spielberg passe d’une pièce à l’autre pour présenter son dernier film, Le Bon Gros Géant, adaptation du roman de Roald Dahl, qui sort dans les salles belges ce mercredi. « Cette fois, j’ai décidé de ne donner que quelques interviews, je prends les choses plus calmement », déclare-t-il en buvant son thé. Avec une bien meilleure mine que lors de son précédent séjour en Espagne, pour la promotion de Lincoln – « Merci de demander. Oui, en fait c’était bien pire qu’un rhume » –, le cinéaste décroche un sourire (une arme de destruction massive qui, combinée aux chiffres du box-office de ses films, a dû mettre au tapis de nombreux directeurs d’Hollywood), pour témoigner sa reconnaissance quant au fait que Melissa Mathison soit l’objet de la deuxième question. La scénariste de E. T. l’extraterrestre a également été l’adaptatrice de l’œuvre de Dahl. De plus, Le Bon Gros Géant est né sous l’impulsion de deux amies de Spielberg, Mathison et la productrice Kathleen Kennedy. Le cinéaste a par la suite rejoint ce cocktail d’animation motion capture et les acteurs en chair et en os. Malheureusement, Mathison est décédée en novembre dernier, peu après la fin du tournage. « Au fil du temps, j’ai appris que mes meilleurs films voient le jour lorsque c’est le projet qui me choisit. À l’exception des films que j’ai écrits. Lorsque je reçois les scripts, je regarde si je peux relier l’histoire à une partie de ma vie. C’est mon premier critère de choix et si la réponse est oui, je me lance. Ici, le voyage vers la terre des géants de la jeune fille, Sofia, m’a rappelé ma première visite aux studios Universal, lorsque j’étais gamin. De plus, il s’agissait d’un scénario de Melissa, une personne magnifique dont l’âme pure incarnait ce qu’elle écrivait. Plus qu’une scénariste, elle était pour moi une poétesse et attachait, tout comme moi, une grande importance à l’enfance. C’est pour cette raison que ses jeunes protagonistes ont tant de sagesse et de détermination ». [scald=1746269:sdl_editor_representation] À ce stade de sa carrière, nous pouvons penser que Spielberg se sent plus à l’aise en tant que conteur qu’en tant que cinéaste. « Cela dépend de la façon dont vous voyez les choses. Moi, je ne conçois pas l’un sans l’autre. » D’autres réalisateurs, si. Quand on lui demande si la télévision est intrusive dans la relation entre parents et enfants, sa réponse est claire : « En fait, ce qui importe, c’est que quelqu’un raconte des histoires. L’essentiel est là. Dans le fond, tout se réduit à narrer et à écouter. Des histoires qui vous font rire, pleurer, penser ou qui vous touchent au cœur. La télévision est devenue le troisième parent. » Spielberg affirme qu’avec Le Bon Gros Géant, il n’avait jamais tant eu l’impression de tourner une histoire d’amour. Une déclaration étrange. « C’est vrai, si vous la considérez comme une histoire d’amour parent-enfant, entre deux personnes qui jouent les rôles de père et fille. Sofia ressent la rage de l’orphelinat et s’aperçoit que le géant voit en elle le manque de paternité. J’aime cette célébration de la différence, et j’espère que le public va l’apprécier. » [scald=1746308:sdl_editor_representation] Son premier conte de fées Avec son écriture éclectique et sa facilité à sauter d’un genre à l’autre, en donnant la priorité à la littérature enfantine, Roald Dahl semble être l’écrivain qui se rapproche le plus de Spielberg. « Mon livre préféré de Dahl est Le Bon Gros Géant. C’est aussi celui de mes enfants. Bien que je leur en aie lu bien d’autres, ils avaient un véritable attrait pour celui-ci. C’est un film pour eux… pour quand ils étaient petits, et un film pour parler aujourd’hui de ce que signifie grandir et mûrir. C’est un film pour toute personne qui se souvient encore de ce qu’imaginer l’impossible signifie ». C’est pour cette raison qu’il ne considère pas Le Bon Gros Géant comme son premier conte de fées. Et E. T. ? « Non, ce n’était pas un conte de fées car cela ne se déroule pas dans un monde imaginaire. Je ne considère même pas Hook ainsi, car il me paraît davantage un film fantastique. Cela dit, j’aime en discuter avec tout le monde ». [scald=1746309:sdl_editor_representation] Le cinéaste ne se soucie pas beaucoup – et ce n’est pas surprenant – d’aborder la technique utilisée lors du tournage. « En vérité, le seul effet spécial nécessaire aurait été que le géant soit plus grand que la jeune fille. Mais je voulais quelque chose de plus : que le géant soit vu comme une créature et non pas comme un être humain. En même temps, les deux semblent tout à fait réels, naturels, sans oublier qu’il s’agit de quelque chose de surréaliste dans une vie très réaliste : celle d’une orpheline à Londres. Je devais donc recourir à des techniques numériques et non à des prothèses de maquillage ». Spielberg a passé toute sa carrière au cœur de l’industrie cinématographique. « Je suis à l’aise à Hollywood, même dans cet Hollywood de superhéros et de science-fiction. Parce qu’en vérité, il s’y passe davantage de choses et on y rencontre plus de gens. Il est vrai que l’on investit surtout dans les superhéros, par rapport à d’autres genres. Mais j’ai tout de même produit Transformers et ne suis donc pas à plaindre. Cependant, je pense que ce n’est pas bon de mettre tous ses œufs dans le même panier ». Succomberez-vous un jour à la tentation de réaliser un film de superhéros ? « Si je n’ai pas cédé dans les années 80, lorsque l’on me les proposait à la pelle, aujourd’hui non plus… Ce n’est pas mon genre, mais je sais que c’est celui de mon public. Je ne tournerai jamais de film de superhéros ». Bien sûr, vous avez déjà le vôtre, Indiana Jones. « Oui, et Sofía dans Le Bon Gros Géant ». Et voilà comment le Spielberg producteur met en échec le Spielberg réalisateur.

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