Pour protéger notre modèle social, nous appelons à boycotter Delhaize tant que ne cesse pas la violence à l’égard de ses travailleurs

Le 7 mars dernier Delhaize annonçait la « franchisation » de ses 128 magasins en gestion propre. Le PDG belge de la marque au lion avait pourtant encore dit le 24 février qu’il n’y avait aucun plan de franchise. Cette stratégie est destinée à augmenter les profits du groupe au détriment de l’emploi et des conditions de travail. La brutalité avec laquelle Delhaize veut imposer ses décisions aux travailleurs met en cause notre modèle de concertation et, si on n’y prend garde, d’autres vont s’engouffrer dans la brèche.
En pleine crise du pouvoir d’achat, et alors que Delhaize Belgique fait des profits et que le groupe Delhaize distribue 2 milliards à ses actionnaires, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe auprès des 10.000 travailleuses et travailleurs des supermarchés, hier encore héros pendant la pandémie, aujourd’hui réduits à une variable d’ajustement. En réponse, les personnels des caisses, des boucheries ou d’assortiment de rayons se sont mis en grève massivement. Un mouvement ferme mais pacifique qui dure depuis dix semaines, une durée exceptionnelle qui s’explique par la gravité de la situation créée par cette décision.
« Dérégulation du secteur »
Les 128 magasins concernés représentent un peu moins de la moitié du chiffre d’affaires de l’enseigne, le reste se faisant via les 634 magasins que le groupe a ouverts en franchise ces dernières années. La direction affirme que la rentabilité et la croissance de ces magasins sont trop faibles et que la franchise est la seule réponse possible. Pourtant, selon les analystes du secteur, la baisse de rentabilité est la conséquence de la crise (on achète moins et moins cher) et d’une dérégulation qui a mené les entreprises du secteur (dont Delhaize) à ouvrir beaucoup trop de magasins. L’argument des travailleurs selon lequel la « franchisation » va détruire leurs conditions de travail et diminuer drastiquement l’emploi, semble pour le moins convaincant. Il convient de rappeler que le salaire moyen dans le commerce est déjà inférieur de 30 % à la moyenne nationale et que le travail du secteur use la santé et réduit l’espérance de vie.
Refuser d’assumer la liquidation programmée de plusieurs milliers de personnes sans la moindre concertation sociale est indigne
Mais la question qui interpelle, plus que le projet des patrons de Delhaize de vouloir toujours plus de profit, est de constater la violence avec laquelle les travailleuses et les travailleurs sont traités. Refuser d’assumer la liquidation programmée de plusieurs milliers de personnes sans la moindre concertation sociale est indigne. En outre, la direction a eu recours à des décisions de justice qui ont tout fait, en l’absence d’une représentation équilibrée des parties devant les tribunaux, pour empêcher les grévistes d’exercer un droit de grève concret : fouilles à l’entrée et présence de sécurité et de police lors du conseil d’entreprise, arrestation de déléguée syndicale, menaces de non-réengagement des grévistes, interventions « musclées » de la police pour faire lever des piquets de grève…
« L’interdiction de s’exprimer »
La réponse de la multinationale hollandaise à une grève massivement suivie et organisée de manière tout à fait pacifique est tout simplement choquante. En s’appuyant sur des requêtes unilatérales validées par ordonnances de tribunaux, Delhaize a obtenu l’interdiction effective des piquets de grève. Il est aujourd’hui interdit, sous peine d’astreintes de 1.000 euros, au personnel de distribuer des tracts à moins de 200 mètres de leur magasin. On est loin de l’argument de la « protection du droit de travailler » avancé par le discours patronal. Pour les travailleuses et travailleurs, il s’agit purement et simplement de l’interdiction de s’exprimer. Les magasins rouvrent par la force à l’aide d’étudiants et de nouveaux engagements en CDD, alors qu’en fait la grève continue.
L’action collective des travailleurs est ce qui leur permet de rétablir un semblant d’équilibre face à la puissance des détenteurs du pouvoir et de l’argent. C’est sur cet équilibre, compliqué et toujours renégocié, qu’est basé le compromis social sur lequel est construite la démocratie belge. Pour accroître ses profits coûte que coûte, Delhaize remet en question ce compromis déjà fragilisé par la mondialisation et le néolibéralisme. Il ne fait aucun doute que, s’ils réussissent, ces pratiques économiques et sociales se répandront rapidement au reste de l’économie. Pourtant, nous voyons tous les jours les effets désastreux d’un monde qui n’obéit plus qu’à la loi du profit et de la croissance.
« Rééquilibrer la balance »
Comme clients, mais surtout comme citoyennes et citoyens, nous appelons à boycotter l’enseigne Delhaize tant que dure le conflit social en cours. Qu’une multinationale qui fait des profits brade ses travailleurs pour en faire encore plus ne peut pas être une banalité. De façon plus fondamentale, que cette multinationale utilise la justice pour retirer aux travailleuses et travailleurs leur droit à l’action collective est non seulement une violence inacceptable mais risque de battre en brèche une des bases mêmes de notre démocratie sociale. Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est du devoir de chaque démocrate de soutenir les travailleuses et travailleurs de Delhaize.
Puisque Delhaize retire aux travailleurs, qui sont très souvent des travailleuses, leurs droits et leur voix collective, puisque la multinationale veut imposer par la force son appétit pour toujours plus de profits, puisqu’en le faisant elle menace un des fondements de notre compromis social, nous devons tâcher de rééquilibrer la balance en étant concrètement solidaires des travailleuses et travailleurs. La façon la plus immédiate de le faire est de boycotter l’enseigne. C’est ce que nous appelons à faire.
(*) Mateo ALALUF (Professeur Em. ULB), Dirk AMEEL (ex-executive officer EUROCADRES), Aurélie AROMATORIO (Chercheuse ULB), Kristin BARTIK (Professeure ULB), Patrick BEBI (Professeur Conservatoire Royal de Liège), Thomas BERNS (Professeur ULB), Francoise BLOCH (Metteuse en scène), Christine BLUARD (Museologue Africamuseum), Hassan BOUSSETTA (Chercheur FNRS ULiège), Carine BRATZLAVSKY (Arts de la scène productrice RTBF), Bernard BREUSE (metteur en scène), Victor BRUNFAUT (Professeur Em. 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Un compromis aurait des chances de régler la situation sans perdant. Que l'on laisse à chacun le droit d'exprimer son point de vue. Que l'on ne pousse pas le bouchon trop loin. Tout ça va déboucher dur d'autres règlements anti-sociaux. Delhaize à ouvert la boîte de pandore.
Bla bla bla...
Bla bla bla...
C'est çà, c'est çà ... boycottez Delhaize .... leur chiffre d'affaires s'effondrera, voire ils seront en faillite et les travailleurs seront alors "licenciés", donc : ni "franchisés" ni "dédommagés" par la loi Renault ... et vous aurez tout perdu! C'est vraiment çà que vous voulez????? Ne comprenez-vous pas que cette obstination à ne pas vouloir passer à la franchise ne vient que du faîte des syndicats qui, eux, comprennent qu'ils perdraient tout pouvoir et contrôle sur les travailleurs et ils ne veulent pas que Delhaize fasse un "cas d'école" et que l'idée s'étende ensuite à d'autres enseignes et commerces. Ce combat Delhaize n'est pas le combat du travailleur Delhaize, c'est le combat des syndicats pour sa survie. Ils n'ont pas encore compris que le monde du travail a changé et qu'ils doivent revoir leur copie s'ils veulent survivre ...
Et puis, de quoi ils se mêlent ces intellectuels soi disant bien pensants??