« Le réchauffement climatique ne permet aucune pause »

L’année dernière, notre premier ministre a jugé nécessaire de consacrer son temps de parole au sommet sur le climat en Egypte à attaquer les défenseurs du climat. Lundi, lors d’une conférence d’un club d’affaires allemand lié à la CDU, il a à nouveau levé un doigt d’honneur rhétorique. A l’instar du président français Macron, il a appelé à une pause dans les réglementations relatives au climat et à l’environnement afin de permettre aux entreprises de respirer, pour ainsi dire.

M. De Croo, qui aime se présenter comme un homme d’Etat raisonnable à l’approche d’élections qu’il perdra, rejoint ainsi le chœur des politiciens européens qui, entre autres, veulent mettre la loi sur la restauration de la nature sur une voie de garage. « Ne réglons pas tout en même temps », a-t-il déclaré en écho. « L’accent doit être mis sur la transition énergétique. »

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Pas de répit

La catastrophe climatique et environnementale ne connaît pas de répit, comme le montrent une fois de plus les sécheresses et les inondations en Italie. On se demande encore comment les politiques parviennent, à défendre une politique de retardement sourde et aveugle aux signaux d’alarme des scientifiques. Est-ce de l’ignorance ? L’armée de conseillers politiques de De Croo a-t-elle oublié de lire les rapports du Giec et de l’IPBES ? N’ont-ils pas saisi qu’il y a 66 % de risque que nous dépassions la limite de 1,5° dès 2027, avec – comme tout le monde le sait pourtant – des conséquences désastreuses. Le message du scientifique Johan Rockström, spécialiste du système terrestre, selon lequel nous sommes déjà en train de franchir six des neuf limites planétaires ne leur est probablement pas arrivé.

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Ou alors la génération actuelle de nos politiciens est-elle plutôt cynique ? Inutile de spéculer là-dessus. Ce qu’il nous faut sont de véritables femmes et hommes d’Etat qui appellent enfin un chat un chat et qui osent prendre le taureau par les cornes.

Au contact des limites planétaires, le récit dominant de la croissance verte s’effondre. Lors de son discours en Allemagne, M. De Croo a également attaqué le mouvement de la décroissance, qui s’est réuni la semaine dernière au Parlement européen pour la conférence « Beyond Growth » (Au-delà de la croissance). Le Premier ministre a consciencieusement repris les propos des prophètes qui croient contre toute évidence à un découplage possible entre croissance économique et émissions de CO₂. Pour l’instant, pour autant que l’on puisse le constater, ce découplage n’a, d’une part, jamais été que relatif et d’autre part, beaucoup trop lent pour prétendre être une réponse raisonnable au problème. L’étude scientifique qui saura prouver de manière convaincante le contraire reste encore à écrire.

Sur la planète idéale de De Croo, nous pouvons d’abord nous concentrer sur la question de l’énergie, puis résoudre proprement tous les autres problèmes un par un. Si seulement nous avions ce luxe ! La planète Terre sur laquelle nous habitons réellement nous impose, en plus du réchauffement climatique, de prendre en compte les autres limites au-delà desquelles des conditions habitables ne sont plus garanties : l’acidification des océans, perte de biodiversité, pollution chimique n’en sont que quelques exemples. Il n’y a pas que la source d’énergie que nous utilisons qui importe. Qu’elle soit renouvelable ou non, la question est également de savoir à quoi nous employons ensuite cette énergie et quel est l’impact matériel de toutes ces activités.

Consommer toujours plus ?

Le Premier ministre en a également profité pour dévoiler son côté philosophe. Selon lui, « une stratégie de réduction est contraire à la nature humaine ». Notre nature serait-elle donc celle de chasseurs-cueilleurs d’une quantité toujours plus grande de biens et de choses ? Ne s’agirait-il pas plutôt d’une compulsion à l’achat stimulée en permanence par un flot ininterrompu de publicités ?

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Que signifient vraiment « plus » et « moins » ? Moins et plus de quoi et pour qui exactement ? Nous voulons moins d’émissions et de pollution, moins de surconsommation par les ultra-riches, et plus d’air pur, plus de services publics pour tous, plus d’égalité sociale et de bien-être, plus de chances d’avoir une planète habitable. Avec De Croo Junior à la rue de la Loi 16, ces objectifs semblent bien hors de portée.