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Naufrage de migrants dans la Manche: cinq militaires français mis en examen pour non-assistance à personne en danger

D’après une source judiciaire, ces cinq personnes ont été mises en examen pour non-assistance à personne en danger et laissées libres à l’issue de leur interrogatoire.
Temps de lecture: 4 min

Après les passeurs, les secours: l’enquête sur le naufrage d’une embarcation ayant conduit à la mort de 27 migrants dans la Manche en novembre 2021, accélère avec la mise en examen jeudi de cinq militaires, soupçonnés d’avoir fauté dans leur mission de secours cette nuit-là.

Neuf personnes, dont au moins cinq militaires du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Gris Nez (Cross, Pas-de-Calais), avaient été placées en garde à vue ces derniers jours et interrogées par la Section de recherche de la gendarmerie maritime de Cherbourg, selon une source judiciaire et une source proche du dossier.

Selon la source proche du dossier, les cinq militaires, trois femmes et deux hommes, ont été présentés jeudi après-midi aux magistrats instructeurs de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) du tribunal judiciaire de Paris.

D’après une source judiciaire, ces cinq personnes ont été mises en examen pour non-assistance à personne en danger et laissées libres à l’issue de leur interrogatoire.

Le code de justice militaire restreint fortement les possibilités de placement sous contrôle judiciaire des militaires.

Les cinq mis en cause sont trois femmes et deux hommes, tous affectés au Cross au moment des faits, d’après la source proche du dossier.

Dans ce dossier, les autorités françaises sont soupçonnées d’avoir été appelées à l’aide à une quinzaine de reprises et de ne pas être venues en aide aux migrants la nuit du naufrage.

Sollicité par l’AFP, le directeur du Cross Gris-Nez, chargé des secours dans la Manche, n’a pas souhaité réagir.

«Tous les opérateurs actuellement au Cross Gris-Nez ou embarqués ont toute la confiance du préfet pour conduire les opérations de sauvetage en mer», a indiqué à l’AFP la Préfecture maritime de la Manche et de la Mer du Nord.

«L’affaire suit son cours et l’instruction n’est pas de notre ressort», a-t-elle ajouté, se refusant à tout autre commentaire.

«Au secours s’il vous plaît»

Le canot a coulé au petit matin du 24 novembre 2021, emportant 27 passagers, majoritairement des Kurdes irakiens, âgés de 7 à 46 ans.

Personne ne leur est venu en aide. Ni côté français, ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle, selon des documents de l’enquête consultés par l’AFP et révélés par Le Monde en novembre.

Dans une conversation téléphonique avec le Cross, dont l’AFP a eu connaissance, un migrant déclare: «Au secours s’il vous plaît (...) je suis dans l’eau». «Oui, mais vous êtes dans les eaux anglaises Monsieur», lui répond son interlocutrice. «Non, non pas les eaux anglaises, les eaux françaises, s’il vous plaît pouvez-vous venir vite», supplie-t-il encore, avant que la conversation ne soit coupée.

«Ah bah, t’entends pas, tu seras pas sauvé. +J’ai les pieds dans l’eau+, bah je t’ai pas demandé de partir», dit alors l’opératrice.

Ces éléments, qui concordent avec les déclarations des deux survivants, avaient secoué lors de leur révélation le Cross Gris-Nez, mais aussi suscité la «consternation» des associations d’aide aux migrants.

Les retranscriptions de conversations laissent toutefois apparaître que le Cross a contacté à plusieurs reprises les garde-côtes britanniques.

Lors de précédentes auditions comme témoins dans cette enquête fin 2021, des agents du Cross avaient invoqué le manque de moyens qui contraint «à prioriser». Ce soir-là, le Cross a traité «des centaines voire des milliers d’appels», avait rapporté l’un d’eux.

«Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises», avait aussi assuré en novembre le secrétaire d’Etat Hervé Berville, reconnaissant un «effroi» à la lecture des informations de presse.

Dix passeurs présumés, majoritairement afghans, ont déjà été mis en examen dans l’information judiciaire.

Une enquête est également en cours outre-Manche. Les autorités britanniques ont annoncé fin novembre avoir arrêté un homme, «suspecté d’être un membre du groupe criminel organisé qui a conspiré pour transporter les migrants au Royaume-Uni à bord d’un petit bateau».

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Ce drame avait fait monter la tension entre Paris et Londres. Mais sans décourager les candidats à l’Angleterre.

Quelque 46.000 demandeurs d’asile ont traversé la Manche en 2022, en majorité des Afghans, des Iraniens et des Albanais. Quelque 8.000 ont été secourus dans les eaux françaises.

 

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3 Commentaires

  • Posté par Leleu Jean-Christophe, jeudi 25 mai 2023, 20:13

    @ Lecocq Jean-Marie : manifestement ces gens-là n'ont au contraire rien fait pour sauver des vies tout en adoptant une attitude cynique portée par les propos qu'ils ont eu. Je pense que vous n'avez pas bien lu l'article. Certes il y a beaucoup de ces marins qui n'ont pas cette attitude et qui sauvent de nombreuses vies. Mais justifier l'attitude de ces 5 personnes parce que d'autres font correctement leur boulot n'est pas intellectuellement correct. Et vous avez raison quand vous impliquez les passeurs. En effet, ils ont leur part de responsabilité. Mais avant tout autre chose, ce sont les dirigeants des pays desquels proviennent ces malheureux qui ne s'exilent certainement pas avec plaisir qui sont responsable de ces drames humains. Quand aux ONG, il est facile de répéter comme une chambre d'écho les arguments fallacieux de ceux qui ne veulent surtout pas dépenser un sous pour sauver une vie. C'est surtout de la lâcheté...

  • Posté par Leleu Jean-Christophe, jeudi 25 mai 2023, 19:42

    Quel nom donner à des gens qui laissent mourir des enfants de 7 ans ?

  • Posté par Lecocq Jean-Louis, jeudi 25 mai 2023, 20:00

    Ces “gens” sauvent des vies en mer tous les jours. Les vrais coupables sont les passeurs et les pseudo ONG qui amplifient le problème.

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