Foire de Libramont: l’agriculture plus que jamais connectée

La foire de Libramont, ce n’est pas seulement les plus belles races bovines, des machines impayables ou des agriculteurs en colère. Libramont c’est aussi une grande chambre de réflexion sur le devenir du secteur. Eric Haubruge, premier vice-recteur de l’ULG et ancien doyen de Gembloux Agrobiotech participe à ce mouvement. Avant une intervention lundi, il livre pour les lecteurs du Soir, l’essentiel de ses idées. Le modèle agricole est mutation, quels sont les défis à relever ? Ils sont nombreux mais un des principaux tient à la transdisciplinarité dans un contexte d’évolution exponentielle de la population. La question c’est « comment nourrir 9,6 milliards d’humains en 2050 ». On estime qu’il faudra 60% de nourriture, 60% d’énergie et 40% d’eau en plus. Pour nourrir tous les citoyens du monde dans quelques décennies, il faudra donc une agriculture en totale synergie avec la gestion de l’eau et de l’énergie. Pourra-t-on nourrir tout le monde de la même façon ? C’est un des autres défis : aujourd’hui, deux milliards de personnes ne sont pas alimentées dans des conditions optimales. Un milliard sont sous-alimentées tandis qu’un autre milliard sont sur-alimentées ! Il faudra résoudre ce déséquilibre tout en tenant compte de l’énorme défi que représentera la demande de viande : les pays émergent voient leur classe moyenne réclamer un accès aux protéines animales. Et ce n’est pas nous, Européens, qui pourrons réguler la production animale dans ces régions. Comment produire plus alors que les agriculteurs sont de moins en moins nombreux ? On sollicitera effectivement de plus en plus l’agriculture alors que les vocations sont en chute libre. En quelques décennies, dans nos pays développés, on est passé de 35 % de la population active à 4%. Dans les pays en voie de développement on est passé de 81% à 48%. Dans le même temps, les pertes de production sont énormes : 30% de gaspillages liés à la consommation et 30% également liés aux difficultés de stockage. En travaillant sur ces questions, on peut déjà doper les volumes à disposition des consommateurs. On demande beaucoup à un monde en mutation. On en sort comment ? En s’inscrivant dans les tendances du secteur. La principale c’est la place que prendront les biotechnologies en agriculture. On redécouvre l’intérêt du sol aujourd’hui. L’avènement de la génomique a permis de se rendre compte qu’un sol respecté devient une machinerie extraordinaire pour la plante tout en permettant notamment de réduire la fertilisation artificielle. La génétique figure aussi rayon des tendances ? Le dernier cri en matière de biotechnologie ce sont les Crisppr, de véritables couteaux suisses de la génétique, capables de construire des organismes vivant à la carte. La révolution est en marche, en tout cas aux Etats-Unis et en Asie, alors que l’Europe reste à la traîne. D’autres tendances ? Elles sont socio-politiques. Alors que les citoyens ont beaucoup plus conscience de leurs problèmes de santé et d’allergie, ils deviennent des consommateurs exigeants et vont nécessairement impacter le travail des agriculteurs en liaison avec l’industrie agro-alimentaire. On voit aussi venir de grands changements dans l’organisation du secteur : on va vers une économie plus collaborative entre agriculteurs (échange et prêt de machines agricoles surtout dans le contexte où la taille des exploitations est exponentielle) et entre agriculteurs et consommateurs (circuits court). La ferme n’échappera pas au numérique ? C’est une tendance lourde, qui englobe toutes les autres. L’agriculture sera plus que jamais connectée. On voit déjà émerger des machines autonomes, des systèmes capables d’optimaliser la gestion de l’eau de pluie, des robots de désherbage, de la surveillance par drones, des applications GPS pour des gestions de cultures au centimètre près… Le numérique et le big-data sont bel et bien les nouveaux « fantômes » qui planent au-dessus d’une agriculture en profonde mutation. [scald=1785994:sdl_editor_representation]

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