Son épouse: «C’est moi ou la politique»

En quoi votre arrivée dans l’agence de presse Euractiv correspond-elle à votre « cheminement spirituel » ? Euractiv est une petite organisation par rapport au SPF Mobilité, qui comptait plus de 1.000 agents alors qu’ici il s’agit d’une centaine de personnes dans toute l’Europe, mais animées d’un idéal : contribuer à une meilleure information sur les politiques européennes et faciliter un débat démocratique de meilleure qualité. Brexit a montré à quel point c’est un enjeu fondamental. Je suis heureux de pouvoir y contribuer désormais. Mon engagement pour l’Europe s’est manifesté très tôt, à 16 ans, quand j’étais étudiant d’échange en Californie, dans un ranch perdu au milieu des champs de coton. C’est là, au milieu de nulle part, que j’ai pris conscience d’être européen et que j’ai formé le projet de contribuer à son intégration. Depuis, je n’ai eu de cesse de le faire par différents moyens : en apprenant sept langues européennes, en étant candidat au Parlement européen, en travaillant pour la Commission, en écrivant un bouquin sur l’intégration européenne avec des amis. J’ai rencontré Christophe Leclercq à la Commission. J’étais au conseil d’Euractiv il y a 15 ans quand il l’a fondé. Lorsqu’à mon départ du SPF, un chasseur de têtes m’a contacté pour Euractiv, j’ai pris ça pour un signe du destin. Vous avez eu d’autres propositions ? Je recevais des appels de chasseurs de têtes depuis l’année passée. Ils voyaient la tension monter avec Galant et se disaient que quelqu’un comme moi pourrait être utile pour redresser certaines organisations. J’ai été contacté pour gérer la transformation d’une entreprise de plus de 100.000 personnes. Mais j’ai refusé car j’aurais dû quitter ma famille, être basé à l’étranger et de rayonner dans le monde. Avec une femme et trois enfants de 11, 12 et 15 ans, c’était impossible. Pourquoi ne faites-vous pas de politique ? Parce que les circonstances ne l’ont pas voulu jusqu’à présent, parce que je ne l’ai pas recherché activement jusqu’ici et surtout probablement parce que mon caractère trop entier n’est pas fait pour la politique telle qu’elle est pratiquée actuellement. Vous avez pourtant tenté l’aventure… J’ai effectivement été candidat au Parlement européen en 1999, comme septième suppléant sur la liste CDH, donc inéligible malgré mes 30.000 voix. Mais mon épouse m’a dit : « C’est la politique ou moi. » J’ai choisi. Vous êtes aussi passé par les cabinets ministériels… J’ai d’abord fait mon service militaire comme milicien détaché au cabinet de Michel Lebrun. J’y ai participé activement à la réforme du financement de l’enseignement supérieur. Bien plus tard, je suis devenu chef de cabinet de Marie-Dominique Simonet. Elle avait octroyé une licence à une société pour construire une usine de fabrications de munitions en Tanzanie. J’ai été engagé pour obtenir le retrait de cette licence. Après l’avoir obtenu et nettoyé une série d’autres dossiers délicats, j’ai compris que je dépensais une énergie folle pour résoudre des dossiers foireux qui auraient pu être facilement évités avec un minimum de réflexion. Je n’avais pas vraiment ma place dans ce monde-là. Le décret inscriptions, c’est vous aussi non ? Dès le début, je me suis opposé violemment à ce décret lancé par Marie Arena et qui est un non-sens complet. Il est illusoire de croire qu’on va résoudre les problèmes réels d’inégalités dans l’enseignement francophone, en restreignant la liberté des parents et des directions d’école dans les processus d’inscriptions. Il faut au contraire prendre les problèmes à la racine et relever le niveau de la qualité de l’enseignement dans toutes les écoles, en particulier ces « écoles poubelles ». Pour cela, il faut avant tout revaloriser la fonction d’enseignant et veiller à ce qu’elle soit prisée par l’élite de nos diplômés. Aujourd’hui, moins d’un tiers des futurs enseignants avaient comme premier choix de le devenir. Les autres le deviennent par défaut, après avoir raté d’autres études. C’est une catastrophe. C’est pour cela qu’avec des amis, nous avons créé « Teach for Belgium », une association qui recrute les meilleurs étudiants universitaires en dernière année d’études, les forme pendant plusieurs mois et les place dans les écoles difficiles. Pourquoi le choix du CDH ? Pur hasard. Qui était mon professeur de latin et de grec à Maredsous ? Michel Lebrun. Je faisais mon instruction lorsqu’il a été nommé ministre. Je l’ai appelé, il s’est souvenu de moi, et il m’a pris comme milicien. C’est là que j’ai appris à connaître André Antoine et Joëlle Milquet. En tant qu’athée depuis mon adolescence, le « C » du PSC ne me convainquait pas. Les choses ont en effet changé avec l’arrivée de Milquet à la tête du parti. Je faisais d’ailleurs partie, avec entre autres Melchior Wathelet et Céline Fremault, des jeunes qui ont travaillé avec Joëlle à ce fameux congrès où Deprez l’a intronisée. Vous y croyiez, à l’époque ? Je travaillais à la Commission et puis chez Arthur D. Little. J’étais donc actif politiquement, tout en veillant à ce que ma carrière ne dépende pas d’appuis politiques. L’indépendance n’est hélas pas un atout en politique comme le montre Le pouvoir enchaîné , l’excellent livre d’Alain Eraly. Il y dissèque les mécanismes qui font que pour être ministre, les politiques doivent souvent faire beaucoup de compromissions. Tellement que quand ils sont nommés ministres, ils n’ont souvent plus de marge de manœuvre par rapport au parti qui les a nommés. Mon esprit rebelle ne pourra jamais rentrer dans un tel système.

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