Des investissements publics pour soutenir la croissance?

Les patrons, les syndicats et… le ministre des Finances plaident pour une révision des règles budgétaires jugées trop rigides. Voici pourquoi… 1 Le paradoxe. Il y a, dans la situation actuelle, quelque chose de paradoxal, voire d’insensé : les taux d’intérêt sont très, très bas ; et certains États, dont la Belgique, pourraient s’endetter pour presque rien et ainsi investir. Ce serait doublement rationnel : d’une part, parce que les besoins d’investissements publics sont criants (au hasard, citons le réseau routier ou le RER), alors que depuis un quart de siècle, les dépenses publiques d’investissement sont tout juste suffisantes pour compenser la détérioration des infrastructures existantes (l’investissement net est nul). Et d’autre part, parce qu’une politique de grands travaux (« utiles », cela s’entend) soutiendrait une conjoncture morose. Le même constat vaut pour les autres Etats-membres de la zone euro. Et cela s’explique : en période d’austérité, reporter ou supprimer des dépenses d’investissements est une mesure d’économie qui semble « indolore » à court terme, mais qui est in fine très « coûteuse » à moyen et long terme car elle affaiblit le potentiel de croissance de l’économie. 2 La loi d’airain. Mais voilà : le pacte de stabilité et de croissance ne distingue pas dépenses courantes et dépenses d’investissements. En particulier, il ne permet pas d’isoler celles-ci et de leur réserver un traitement propre lors de l’application des règles budgétaires – à la différence, par exemple, de la « règle d’or des finances publiques », qui juge naturel que les dépenses d’investissement soient financées par l’emprunt (à l’instar de ce que font les entreprises). Une certaine flexibilité existe : la « clause d’investissement » du pacte de stabilité peut autoriser un État à s’écarter temporairement des exigences budgétaires, mais dans des conditions si restrictives que seul un Etat-membre – la Finlande – pourrait aujourd’hui y prétendre. 3 Le Plan Juncker. Il existe certes le Plan Juncker, un montage qui pourrait générer 315 milliards d’investissement sur trois ans (2015-2017) au sein de l’Union européenne, au départ d’une mise de fonds de… 21 milliards d’argent public (qui servirait à garantir la rentabilité des fonds privés). Un an et demi après son lancement, 12,8 milliards d’euros ont été octroyés, qui devraient générer quelque 100 milliards d’investissement total, assure la Commission européenne. Beaucoup trop peu, selon l’économiste Jacques Drèze, qui plaide pour… 2.000 milliards d’investissement – mais aussi pour une révision des règles budgétaires (Le Soir du 2 juin). 4 Assouplir le Pacte ? La demande est généralisée. En Belgique, elle est portée tout autant par la FEB, la Fédération des entreprises, que par les syndicats. Sur la meilleure manière d’assouplir les règles budgétaires européennes, les avis divergent. Pas la conviction qu’il est urgent d’agir. Pragmatiquement, la FEB estime ainsi qu’il serait préférable de revoir d’abord la « clause d’investissement » – tout simplement parce que cela pourrait être mis en œuvre assez rapidement –, quitte à revoir en profondeur le pacte budgétaire plus tard. Le ministre des Finances, Johan Van Overtveld, a présenté le dossier il y a une quinzaine de jours lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe). La question y est désormais à l’ordre du jour, précise-t-on à son cabinet. Mais il faudra convaincre l’Allemagne, obnubilée par le « Schwarze Null », l’équilibre budgétaire…

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