«Le Soir» traverse l’Europe en train: branle-bas de combat, c’est les vacances! (carte interactive)

Les rideaux sont tirés, les yeux rougis. Dans le compartiment 31-37 qui file vers la côte, on ne s’attendait pas à l’arrivée d’un nouveau passager. Il est 6 h 30, Gdansk, cinq minutes d’arrêt. Joanna et Marcin remettent un peu d’ordre, pendant que les deux aînés encaissent le réveil. Sur la banquette, un petit blond lové contre sa mère fait de la résistance, doudou au poing. Ça ne durera pas. Le compartiment pour six pour dormir, c’est l’horreur. Même avec des enfants qui prennent peu de place. « Mais c’est moins cher que les couchettes ou que le train à grande vitesse » qui relie désormais Cracovie à Gdansk, explique Joanna, 37 ans. Le voyage, depuis Nowy Sacz, près de la frontière slovaque, aux pieds des Carpates, dure 14 heures, dont 12 passées dans ce train. C’est long. Mais ça pourrait être pire. « Le train, c’est parfait avec les enfants. Ils peuvent se dégourdir les jambes dans le couloir, aller aux toilettes. » Beaucoup plus simple d’un point de vue logistique, ce qui n’est pas peu quand on voyage en tribu. En fait, ils sont onze au total, à rejoindre Wladyslawowo, une petite ville balnéaire de la côte nord de la Pologne. La famille de sa sœur, sa mère et une petite-nièce sont dans le compartiment voisin. Ils ont loué une maison pour la semaine. [scald=1962596:sdl_editor_representation] Dans la vraie vie, Joanna est juge. Enfin, il y a de fortes chances. Comme elle baragouine l’anglais plus qu’elle ne le parle, certains mots manquent. La conversation ressemble donc parfois à une partie de Taboo. Quelque chose du genre : « eux, méchants », « moi, robe rouge », coups de marteau imaginaire sur table imaginaire, air autoritaire. Prison ? Le mot ne lui dit rien mais elle acquiesce devant un dessin de barreaux. Son mari, ingénieur, tente : « procureur ». « Non, non, non », de nouveau les coups de marteau. Ça fait rire les enfants. Eux apprennent l’anglais à l’école, les plus grands essaient de dépanner sur un mot quand ils peuvent, mais à 12, 10 et 7 ans, c’est rare. Avec les libations du matin, le casse-croûte – des pâtisseries à la rose préparées par la grand-mère, il y en a une pleine caisse –, le temps passe vite. On parle de la mer qui approche. Les vacances pour les enfants, c’est jouer, se balader, se baigner… « Manger ! » intervient Julianna, 12 ans, qui a visiblement retenu le plus important. Manger, elle aime. C’est dans son top 3 avec la guitare et ses cours de hip hop. De temps en temps, elle esquisse discrètement les gestes de sa chorégraphie pour la garder en tête. Et pour les parents ? « Pareil, enfin, presque », répond Joanna, une main dans la glacière, l’autre anticipant une maladresse du plus jeune. Il y aura un peu de logistique à gérer. 7 h 30 Tout le monde est propre. A peu près. On trompe l’ennui. Les deux garçons ont dégainé la PSP et jouent à Fifa, pendant que Julianna, qui s’est refait une beauté devant le miroir au-dessus des sièges, prend des poses devant son smartphone. La pré-ado tient le truc : de trois-quarts, les yeux écarquillés, petite moue. Les clichés ratés, elle les retravaille en rajoutant des moustaches, des lunettes bizarres. C’est marrant. Natalia, la cousine « pièce-rapportée », entre deux âges, préfère jouer avec les petits dans le couloir. [scald=1962592:sdl_editor_representation] Les petits, ce sont eux les fortes têtes. Kuba, 3 ans, fait la circulation – « Stop ! On ne passe pas » –, il est remonté comme une pendule. Les boucles blondes de chérubin sont trompeuses. Ce matin, il n’a pas du tout apprécié le réveil. Il ne s’est toujours par départi de ce regard outré avec lequel il toise la bruyante inconnue qui fait parler sa mère. Pas un tendre. « Il faut bien s’affirmer face aux grands quand on est le petit dernier, observe Joanna. Olga, c’est pareil, sacré caractère. » Le petit bout de chou de 2 ans navigue entre les compartiments sans savoir bien choisir. La mauvaise nuit dans le train l’a un peu assommée. Elle veut se hisser à côté de Kuba, qui a rétabli le trafic et s’accorde une pause en regardant le paysage, mais le marche-pied est trop haut et ses appuis encore trop instables. Pas question d’abandonner pour autant, sur les genoux déjà on voit un peu. Les adultes la redescendent régulièrement – pas confiance. Elle y retourne. 8 h 30 11 heures dans le train, ça commence à peser. Olga est dans les bras de son père, les yeux rougis par les pleurs. Au moins, maintenant, elle surclasse tout le monde pour voir le paysage. On a aperçu la mer, c’est divertissant. Bart, qui a rejoint l’assistance, chuchote quelque chose à l’oreille de son petit frère Kuba. Pour l’embêter, visiblement. Sauf qu’à 10 ans, il a oublié que l’avantage d’être petit, c’est qu’un coup de coude bien placé peut rendre un peu de modestie aux grands. Boum. [scald=1962599:sdl_editor_representation] Bart, plié en deux, va gémir chez sa mère. L’autre est mort de rire. Du côté des adultes, on commence à s’inquiéter. Les enfants, les poussettes, les sacs, la glacière, les trucs qui traînent… « Comment va-t-on faire sortir tout ça à temps ? » Wladislawowo, ce n’est pas le terminus, il va falloir se presser. Mais la machine est bien rodée. 8 h 45 Tout est sur le quai, enfants compris. Grands signes d’au revoir en direction du train, aveuglés par le soleil d’été. Et puis c’est reparti, chacun sa valise, parfois deux, et on se suit sur le quai en processions. Les vacances ! Voir la carte sur votre mobile [scald=1953989:sdl_editor_representation]

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