Japon : Shinzo Abe ménage l’empereur Akihito

Tout miel, Shinzo Abe, lundi. Dès la fin de l'allocution radiotélévisée d'Akihito, le chef du gouvernement a pris grand soin d'apparaître infiniment respectueux envers les « sentiments » que venait d'exprimer l'empereur concernant son âge, ses ennuis de santé, son avenir personnel sur le trône, et le devenir de l'institution impériale. Le statut de l'émpereur ne lui permet pas de tenir le moindre propos à caractère politique. Dès lors, comme il était attendu, Akihito ne s'est pas référé explicitement à son éventuelle abdication. En revanche, il a clairement fait part de son inquiétude de ne plus pouvoir encore longtemps continuer à assumer ses fonctions. L'empereur a également écarté l'idée de pallier cette situation en réduisant ses activités au minimum ou étant remplacé par un régent jusqu'à sa mort – ainsi que la loi le permettrait. Akihito s'est encore inquiété des conséquences de son état déclinant sur l'unité de la nation – qu'il symbolise, en tant qu'empereur – et sur l'avenir de l'institution impériale, si chère aux Japonais. Entre les lignes, dès lors, l'empereur a confirmé qu'il était disposé à abdiquer de son vivant. Shinzo Abe en a pris acte avec déférence. Et a promis que son gouvernement examinerait avec toute l'attention requise les pistes à mettre en œuvre pour que « les sentiments » de l'empereur soient entendus. Un dilemme politique Le chef du gouvernement, pourtant, est à la tête d'une majorité dont l'aile la plus conservatrice refuse toute réforme de l'institution impériale. Or, sans une telle réforme, Akihito ne peut abdiquer de son vivant. En effet, depuis le 19e siècle, le droit japonais impose aux empereurs de demeurer sur le trône jusqu'à leur mort. A priori, donc, le Premier ministre est dans une position politiquement délicate. Soit il se lance dans un chantier institutionnel permettant à Akihito d'abdiquer. Mais, ce faisant, Shinzo Abe risque d'être mis en minorité dans son propre camp. Soit il tient compte de ce rapport de forces interne à sa famille politique et oppose une fin de non-recevoir au désir de retraite d'Akihito. Mais, auquel cas, le chef du gouvernement prend le risque de voir sa cote de popularité dégringoler. En effet, le vieil empereur est si populaire qu'un responsable politique paraissant manquer d'humanité à son égard serait sans doute immédiatement sanctionné, dans les sondages. En outre, et dans le cas d'espèce, une nouvelle enquête d'opinion réalisée ce week-end a confirmé qu'une écrasante majorité de Japonais (84%) comprend parfaitement le souhait du vieil empereur de passer la main. Shinzo Abe a parfaitement cerné le dilemme auquel il est confronté. Si, lundi, il a été peu précis sur les modalités concrètes de la réponse à donner à l'empereur, ce ne serait pas parce qu'il n'a aucune idée de comment se sortir de ce guêpier. Ce serait parce que, si l'on en croit les indiscrétions qui circulaient à Tokyo lundi, la solution qu'il mijote n'est pas encore tout à fait mûre, mérite donc d'être peaufinée. Une échappatoire habile ? Si les fuites de presse relatives à ce scénario qui serait échafaudé disent vrai, le dispositif confirmerait la redoutable habileté politique du Premier ministre. Qui agirait sur deux plans. D'une part, il permettrait effectivement à Akihito d'abdiquer. Mais, d'autre part, il ne modifierait en rien l'institution impériale. Car une législation spéciale serait adoptée, qui ne vaudrait que pour le seul empereur en exercice – ses successeurs restant interdits d'abdiquer de leur vivant. Cette échappatoire se confirmerait-elle qu'elle présenterait un double avantage, pour Shinzo Abe. D'abord, le Premier ministre ne se mettrait pas l'opinion à dos. D'autre part, il ne fâcherait pas son propre camp. Les ultra-conservateurs de sa majorité seraient fondés à se réjouir. Les débats qui les fâchent continueraient à être évacués (l'ouverture de la fonction impériale aux femmes, singulièrement). Et, cette épineuse question impériale mise sur le côté, elle n'éclipserait plus ce qui est leur priorité institutionnelle : la révision de la Constitution pacifiste de 1947. Le coup serait donc assez finement joué. A moins qu'il soit un peu trop visiblement cousu de fil blanc pour pouvoir être réalisé sans encombre.

Votre compte

Japon : Shinzo Abe ménage l’empereur Akihito

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Monde

Des chars pour l’Ukraine: pour la «coalition des Leopard», la meilleure défense, c’est l’attaque

Quel est ce pays européen qui veut envoyer des armes à sous-munitions à l’Ukraine?

Proche-Orient: l’heure est grave après la mort de neuf personnes en Cisjordanie

Le Kroll du jour sur la retraite (dorée) de Nicolas Sarkozy

Proche-Orient: à Jénine, le temps du deuil et du débrayage après le raid meurtrier

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Proche-Orient: meurtrière escalade à Jérusalem-Est après le raid de Jénine

Retraite: ces régimes spéciaux qui font grincer la Vivaldi

Coupe du monde de hockey: «Ce que les Red Lions ont accompli est tout simplement remarquable» (vidéo)

Coupe du monde de hockey: voici pourquoi la RTBF ne diffusera pas la finale de la Belgique

Info « Le Soir » Parlement wallon: le vrai coût du voyage de Jean-Claude Marcourt à Dubaï

D1A: le Standard se défait facilement d’Eupen et revient à un point du Top 4 (3-1)

Top Employer : un concept mondial

Quels bénéfices pour l’employeur ?

« Notre refus de certifier certaines organisations assoit notre crédibilité »

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel