«Je suis contre le verrouillage du marché»

Le professeur Alain De Wever est professeur émérite de santé publique à l’ULB. Pensez-vous que poser un verrou à l’installation des médecins soit la bonne manière de conclure un accord entre Nord et Sud du pays ? Je pense qu’il faut laisser faire le marché de la santé et ne pas encadrer le nombre de généralistes ou de spécialistes qui doivent être disponibles. Arrêtons de vouloir réguler ce marché qui se modifie constamment à cause des évolutions des techniques et de la demande. Je suis personnellement opposé au principe de numerus clausus que l’on a imposé depuis 1995 dans ce pays. Dehaene, le Premier ministre à l’époque, n’y était pas favorable, mais il a cédé à la double pression des mutuelles et des syndicats de médecins. Les premières pensaient que si l’on avait davantage de médecins, il y aurait surconsommation et donc aggravation du déficit de la sécu. C’est à tort, puisque la recherche scientifique a montré que l’offre ne provoque pas la surconsommation, au contraire. Les deuxièmes voulaient que la part du gâteau de chaque médecin ne soit pas entamée par d’autres confrères. D’où ce contingentement, qui est contre-productif. Mais il est imposé par le contexte politique entre Nord et Sud. Certes. Mais s’il en faut un, utilisons les chiffres du cadastre élaboré par les techniciens du SPF Santé publique et entérinés par la Commission de la planification de l’offre médicale, où je siège comme suppléant. Le travail effectué est remarquable et permet d’anticiper les effets du vieillissement de la population, de l’évolution des pathologies et des changements qui affectent la profession médicale. C’est sur base de cela que l’on devait faire évoluer les chiffres du sempiternel 40/60 vers le 42,5/57,5, une clé qui tient compte du vieillissement plus important des médecins francophones et du fait qu’ils pratiquent en moyenne moins d’heures. De Block était d’accord. Mais ce simple projet, très argumenté par une commission scientifique paritaire a été torpillé par la N-VA et par les déclarations incendiaires du recteur de la KUL. Et partagez-vous le projet d’un concours assorti d’une propédeutique ? Pour moi, un examen d’entrée n’est pas scandaleux. Une sélection a toujours eu lieu. En 1971, quand j’ai commencé la médecine, nous étions 650 en première et seulement 126 en deuxième, ce sont les profs qui effectuaient la sélection. Je pense qu’il faut préserver la concurrence entre universités et ne pas fixer a priori le nombre d’étudiants qu’elles doivent admettre. Quant à une année propédeutique, j’estime ce projet cher pour la Communauté, alors qu’on vient de faire passer les études de médecine de base de 7 à 6 ans. D’un autre côté, s’il ne faut que cela pour satisfaire les exigences du Nord, ce n’est pas un prix excessif à payer. J’appuie donc le projet d’Elie Cogan d’instaurer une sélection à l’entrée pour décrocher un accord entre toutes les parties concernées.

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