«Une telle pression médiatique, aucun avocat n’y est préparé»

Quel regard portez-vous sur ce mandat de deux ans ? Vous arrivez avec un programme très ambitieux. Et puis vous constatez que vous êtes tributaire de l’actualité. Les réformes de la justice, bien sûr, je m’y attendais même si je n’avais pas imaginé qu’elles prendraient une telle ampleur. Par contre, les événements dramatiques qu’on a connus, ça, c’était totalement imprévisible. Enfin, la grogne de la justice, ça fait tellement longtemps qu’elle existe… Il fallait s’attendre à ce que les mouvements de protestation continuent. On sait que la justice est en mauvais état. [scald=2050027:sdl_editor_representation] Ça ne s’est pas vraiment arrangé ? Ça a empiré. Il y a quand même des choses qui sont terribles dans l’organisation de cette justice. Je reconnais que le ministre a une volonté de réformer le système judiciaire massivement et rapidement. Peut-être trop rapidement… Mais, du coup, on ne rencontre pas les besoins quotidiens. Quand on n’a plus de budget pour acheter du papier et de l’encre pour les imprimantes ou même du papier-toilette, ça entraîne une énorme frustration chez les magistrats et les greffiers. Le ministre a été trop ambitieux au vu des moyens dont il disposait ? On a décidé de faire des restrictions budgétaires sur tous les départements. Le problème, c’est que la justice était déjà sous-financée. À côté de cela, on a entrepris une réforme pour essayer de rationaliser, mais toujours avec des moyens limités. Il aurait fallu dans un premier temps rencontrer les besoins les plus urgents. [scald=2050026:sdl_editor_representation] N’aurait-on pas reproché à Koen Geens de ne pas avoir de vision à long terme ? Allouer des moyens pour mettre du papier et de l’encre dans les imprimantes, on peut le faire en même temps qu’une réforme ambitieuse. Durant ces deux ans, vous avez aussi été confronté au terrorisme. Quel impact pour le métier ? Il y en a eu beaucoup. Le premier, c’est que, tout d’un coup, l’accès au palais de justice où l’on allait et venait très facilement a été bloqué. Ces contrôles ont généré une tension terrible pendant un mois et demi. Ça a été la période la plus difficile de mon mandat. Il y a eu une montée de la colère du barreau et il a fallu se battre pour obtenir une amélioration du système. L’autre difficulté, c’est la médiatisation des affaires après les attentats de Paris. Pour les avocats, la pression a été colossale. Certains étaient poursuivis jusque chez eux. L’un de ces avocats a fini par lâcher quelque chose qui a été mal interprété. Pour lui, ça a été très dur. [scald=2050028:sdl_editor_representation] Les avocats doivent être mieux préparés à affronter la presse ? Je pense qu’à ce niveau-là, personne n’était préparé. Ça a pris une telle ampleur… c’était de la folie. J’ai dû rappeler au barreau qu’il fallait faire attention, que l’avocat était tenu au secret professionnel. Qu’il ne pouvait s’exprimer que dans le cadre des nécessités de la défense. Donc sortir de la chambre du conseil et déballer tout ce qui s’y est dit, ça ne va pas. Pourtant, ça se passe souvent comme ça… Ça ne devrait pas être le cas. Beaucoup d’avocats ont d’ailleurs été refroidis par la mésaventure de cet avocat qui en avait trop dit. Pas tous… L’avocat qui commence à plaider devant les caméras, ça devient malsain. Il y a des choses qui ne sont pas acceptables. Quand un avocat évoque à titre personnel le passé d’un terroriste dont il a été le conseil, c’est contraire au secret professionnel. Le problème de la liberté de parole des avocats et magistrats se pose moins en France. On a un procureur de la République qui livre énormément de détails… Je trouve que c’est excessif. Je suis vraiment étonné du peu de précaution que l’on prend en France. On fait des héros avec des terroristes. On divulgue des procédés qui font des émules puisque désormais, avec des outils élémentaires, on peut faire des armes terribles. Enfin, ça répand le sentiment d’insécurité. Quand on l’entend parler, on a l’impression que le terrorisme va surgir à tous les coins de rue. Et c’est exactement ce qu’ils veulent. Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam, dit avoir été contraint au silence par la bâtonnière de l’Ordre néerlandophone. Normal ? J’ai interdit à certains avocats de participer à des émissions télévisées. Mais je n’ai jamais interdit à un avocat de s’exprimer. Un avocat peut-il dire que son client « à l’intelligence d’un cendrier vide » ? Est-ce que ça fait partie des nécessités de la défense ? Certains diront que oui. D’autres qu’on ne peut pas commencer à balancer dans la presse n’importe quoi sous prétexte que ça va servir les intérêts du client. Il peut faire le buzz ? Si c’est pour lui, non. Si c’est dans l’intérêt de la personne qu’il représente, il faut voir s’il ne dépasse pas les limites de la dignité. C’est à l’avocat de dire « stop, ça va trop loin », sinon on n’est plus crédible.

Votre compte

«Une telle pression médiatique, aucun avocat n’y est préparé»

Découvrez la suite, 1€ pour 1 mois (sans engagement)

Avec cette offre, profitez de :

Le fil info

0 Commentaire

Aussi en Société

Un nouveau code pénal présenté avant cet été, mais sans le féminicide

Le syndicat socialiste appelle à la grève générale le 31 mai

Salmonelle dans des produits Kinder: l’origine de la contamination déterminée

Le chef des soins intensifs de l’hôpital Saint-Luc licencié

Grève du 31 mai: quels seront les services touchés?

Allez au-delà de l'actualité

À la Une

Roland-Garros: Elise Mertens affronte Cori Gauff pour une place en quart de finale (direct)

«Héros indiscutable», «performance sublime»: Thibaut Courtois encensé par la presse internationale

Thibaut Courtois ne participera pas à la Nations League avec les Diables

Historique présence belge au palmarès du 75e Festival de Cannes

Guerre en Ukraine: les combats font rage dans le Donbass, Severodonetsk pilonnée sans relâche

Le chef des soins intensifs de l’hôpital Saint-Luc licencié

Tout savoir sur le pécule de vacances

Plus de 6 travailleurs belges sur 10 se disent capables de trouver un emploi ailleurs assez rapidement

Déclaration d'impôts : 5 erreurs à éviter

Les sections du site

Les services

Groupe Rossel