Belgique: le compromis, favorisé pour gérer la polémique

La plage n’est plus uniquement synonyme de sable fin, de soleil et de farniente. Depuis la semaine dernière, le bord de mer s’est mué en arène politique, en nouveau lieu de tous les débats voire en champ de bataille, au sens propre. Le Maire de Cannes a d’abord interdit sur ses jetées huppées le port du burkini, ce vêtement féminin qui recouvre tout le corps tout en étant constitué d’une matière similaire à celle des maillots. Son arrêté a ensuite été validé par le tribunal administratif de Cannes : la justice fait prévaloir l’article premier de la constitution française qui consacre l’importance de la laïcité… Enfin, en Corse, ce week-end, des violences sur la plage de Sisco ont également débouché sur un arrêté prohibant ledit vêtement. A l’étranger, notamment au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, la presse s’esclaffe voire se désole d’une polémique « stérile », « ridicule ». En Belgique, la tendance est plutôt au… compromis. Unia, l’ancien Centre pour l’Egalité des chances, se garde bien, en tout cas, d’une position tranchée. En 2015, le Centre a pourtant recueilli 20 signalements à ce sujet. Tous concernaient des piscines publiques flamandes qui interdisent également le burkini. Aucune plainte n’a été déposée du côté francophone, que ce soit à Bruxelles ou en Wallonie.« Nous n’avons pas tranché la question du caractère discriminatoire de cette interdiction, explique Patrick Charlier, directeur d’Unia. Plutôt que de solliciter la justice, et d’alimenter les polémiques, nous tentons de rentrer en dialogue avec les organismes qui l’interdisent, afin de trouver des solutions concrètes pour que le plus grand nombre puisse fréquenter les piscines. » Unia interroge alors les responsables quant aux arguments avancés pour interdire le vêtement. L’hygiène et la sécurité sont généralement invoquées. Pour en avoir le cœur net, le Centre a sollicité un avis de l’« Agentschap Zorg en Gezondheid » (administration soin et santé). Conclusion : l’hygiène et la sécurité ne justifient absolument pas une interdiction du burkini… Un avis qui n’a pas plu à tous et a valu à Unia une importante polémique en Flandre, le centre étant vivement critiqué par le leader de la NVA, Bart De Wever en personne. [scald=2100899:sdl_editor_representation] Depuis lors, Unia a laissé couler un peu d’eau sous les ponts et tente désormais de poursuivre (ou de reprendre) le dialogue avec les institutions concernées. Car si le burkini est souvent décrié pour sa prétendue atteinte à l’égalité hommes-femmes, Patrick Charlier souligne également que cela permet aux femmes de profiter à leur tour de la baignade. Sans cela, certaines d’entre elles ne mettraient jamais les pieds à la piscine… ou demanderaient des plages horaires exclusivement réservées à la gent féminine : « La question est donc de savoir si on préfère que ces femmes puissent se baigner avec tout le monde, en même temps que les hommes, mais en portant un burkini ou si on privilégie des horaires non mixtes. Il semble par ailleurs que le nombre de femmes le portant reste assez limité : est-il possible cependant que la présence d’un grand nombre de femmes en burkini mette mal à l’aise le public, au point qu’une partie de celui-ci renonce à se baigner ? C’est une question de proportionnalité. Un examen au cas par cas, selon les communes et les situations, est donc préférable… » Sans oublier que ce type de vêtement couvrant peut également être plébiscité par d’autres consommateurs, rappelle le directeur, pour des raisons médicales par exemple (grands brûlés)… ou pour des raisons esthétiques en Chine, où il préserve les coquettes du bronzage. « C’est un piège de réduire le burkini à une question strictement religieuse. Y compris lorsqu’il est porté par des musulmanes, est-ce un effet de religion, la traduction d’un certain raidissement, ou un effet de mode ? Une réaction par rapport à une certaine image occidentale de la femme, plus dénudée ? » [scald=2100900:sdl_editor_representation] Pour Farida Tahar, administratrice du Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique et conseillère municipale PS à Molenbeek, il s’agit dans tous les cas d’un débat stérile, auquel est consacrée beaucoup trop d’énergie, au regard des vrais problèmes : « Je suis une grande partisane des libertés individuelles. A partir du moment où on respecte des questions d’hygiène, qu’une femme se mette en bikini ou en burkini, je ne vois pas où est le problème. » La jeune femme tente pourtant de comprendre ce rejet. Pour elle, c’est surtout la présence visible de l’islam qui dérange et ce, dans un contexte post-attentat délétère, où les relations entre concitoyens sont particulièrement crispées. Elle regrette surtout qu’à nouveau les femmes sont les premières victimes de cette stigmatisation. « En tant que femmes musulmanes, nous devons nous battre à deux niveaux : contre nos propres Tartuffes qui jugent que ce vêtement n’est pas assez large, qu’il laisse apparaître les formes des femmes et contre ceux qui revendiquent une certaine laïcité à tout prix. Et ce sont toujours les hommes qui nous disent ce que nous devons faire, quand bien même ils prétendent vouloir absolument nous libérer. Qu’on laisse les femmes tranquilles ! » Une position qui rejoint en partie celle de la ministre francophone des droits des femmes, Isabelle Simonis (voir ci-dessous). Dans tous les cas, si le débat brûle en France, on préfère le tenir à l’ombre en Belgique. 1 Ostende : pas de règlement [scald=2123340:sdl_editor_representation] À la côte belge, il semble que l’on n’ait pas encore aperçu de burkini sur les plages. A priori, rien n’empêcherait toutefois une estivante d’en porter un.« À Ostende, en tout cas, aucun règlement n’a été pris à ce sujet, affirme un membre du cabinet du bourgmestre Johan Vande Lanotte (sp.a). D’ailleurs, je ne sais même pas si le problème s’est déjà posé. » S’il venait aux autorités de la côte belge l’envie de prendre des règlements, elles devraient sans doute désigner le burkini comme élément spécifique d’une interdiction. Jusqu’ici, en effet, rien n’empêche un vacanciers de se baigner même tout habiller. 2 Océade : interdit [scald=2123339:sdl_editor_representation] Le parc aquatique en périphérie de Bruxelles interdit le port du burkini. Via une série de logos, Océade précise sur son site ce qu’il autorise comme vêtements. Thierry Den Doncker, general manager d’Océade, explique : « Nous devons penser au confort, à l’hygiène et à la sécurité. Nous acceptons donc le short de bain ou boxer short de bain et on accepte le T-shirt type Bodysurf en textile de maillot de bain. » Les combinaisons de plongée en néoprène ne sont par contre pas autorisées. 3 Piscines communales : des plages horaires réservées [scald=2123338:sdl_editor_representation] Nous avons également contacté plusieurs piscines publiques bruxelloises. Généralement, le port du burkini y est interdit, comme à l’Espadon, à Etterbeek : « C’est interdit, au même titre que le short et le bermuda, explique Pascale Deladrier, responsable. C’est une question d’hygiène : nous n’acceptons pas des vêtements avec lesquels les gens se promènent en dehors d’un bassin. C’est la même chose pour des plongeurs qui iraient plonger en carrière, par exemple. » Selon Pascale Deladrier, cette interdiction n’a jamais posé de problème. Aucune demande n’a d’ailleurs jamais été introduite. Guy Wilmart, gestionnaire de la piscine de Molenbeek applique la même politique. Le burkini est interdit et durant les heures réservées au public, les femmes doivent retirer leur foulard. Par contre, depuis plus de cinq ans, la piscine loue ses infrastructures à une ASBL un soir par semaine : la piscine est alors réservée aux dames, qui doivent toujours bien se baigner en maillot.

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