Bruxelles veut mieux choisir ses commerces

Et si la Région s’attaquait à la gestion des commerces de la capitale ? L’idée fait son chemin au parlement bruxellois. Dans L’Echo, deux députés PS ont défendu récemment la création d’une « agence immobilière commerciale ». 1 Un modèle inspiré des agences immobilières sociales. Le concept ? L’agence, gérée par l’administration régionale, mettrait en contact des propriétaires de rez commerciaux privés avec des commerçants, sur base volontaire. Le propriétaire aurait un loyer assuré alors que l’agence aurait la mainmise sur le type de commerce. Par exemple, elle pourrait favoriser l’implantation d’un boulanger, d’un boucher ou d’un poissonnier, en fonction des besoins du quartier. Le commerçant, de son côté, pourrait bénéficier d’un loyer évolutif en fonction de la santé de la société. « Nous nous sommes inspirés des agences immobilières sociales », précise la socialiste Isabelle Emmery. Ces dernières permettent à un public aux faibles revenus d’avoir accès au logement. 2 Pourquoi le politique veut légiférer. Deux motifs ont motivé la conception de cette proposition. Le premier, c’est le phénomène de la vacance commerciale : il n’est pas rare, à Bruxelles, de croiser des rez commerciaux aux volets fermés. Selon les chiffres d’Atrium, l’agence bruxelloise du commerce, le pourcentage d’espaces commerciaux disponibles dépasse les 20 % dans certains quartiers (dans les Marolles ou dans le quartier Vismet autour de la place Sainte-Catherine, par exemple). [scald=2109540:sdl_editor_representation] Un autre objectif est de permettre au pouvoir public d’avoir un outil pour influencer l’offre commerciale d’un quartier et de la rendre plus mixte. A cet égard, il était question, dans l’article de L’Echo, d’éviter la « kebabisation » des commerces bruxellois. Les députés PS reconnaissent que le terme est maladroit. « Bien sûr, les snacks et autres kebabs ont le droit d’être là. Mais il ne doit pas y avoir que cela. Trop d’horeca peut tuer la diversité d’un quartier », recadre Philippe Close, chef de groupe. Le MR bruxellois, qui a déjà déposé une proposition identique, élargit le spectre : « Les propriétaires louent souvent au plus offrant. Les secteurs d’activité qui assurent les plus hauts loyers (night shops, centres de massage exotiques, vendeurs de snacks chauds bas de gamme, gifts shops de faible qualité) ne rencontrent pas toujours la demande de commerces de proximité. » [scald=2109545:sdl_editor_representation] Pour Isabelle Emmery, la diversité est à entendre au sens large. L’Arau, l’Atelier de recherche et d’action urbaines, a analysé des quartiers comme Saint-Géry, haut lieu de la vie nocturne bruxelloise, « en proie à la monofonctionnalité horeca », entraînant « nuisances sonores, perte de mixité commerciale, diminution de la qualité de vie ». 3 Un projet réaliste ? Les socialistes l’ont précisé, c’est l’ensemble de la majorité bruxelloise (PS-CDH-Défi-SP.A-VLD-CD&V) qui pourrait trouver un accord sur ce texte. Les partis d’opposition n’y sont d’ailleurs pas opposés. Comme précisé, le MR a déjà déposé une proposition très similaire. La députée Marion Lemesre (également échevine du commerce à la Ville de Bruxelles), commente : « Je regrette que notre texte n’ait toujours pas été débattu. Charles Picqué (le président du parlement, NDLR) a tenu à envoyer un courrier au conseil d’Etat pour savoir si la proposition était conforme au droit européen. Je n’ai pas eu de réponse de sa part et voilà que la majorité sort son texte… » Sur le fond, Ecolo est également favorable à l’agence immobilière commerciale. Mais Isabelle Durant juge le projet de la majorité assez flou et s’interroge sur l’objectif de cette sortie médiatique : « C’est étrange, alors que le PS a imposé son piétonnier sans concertation dans le centre-ville et défendu l’implantation de nouveaux gros centres commerciaux. J’ai l’impression qu’ils essaient de rattraper la sauce. Je remarque aussi que les députés qui s’expriment sur le sujet (Philippe Close, Marion Lemesre, NDLR) ont aussi des mandats à la Ville de Bruxelles, réputée pour ne pas jouer le jeu avec les outils régionaux comme Atrium. » Du reste, selon elle, « la diversité ne se décrète pas comme ça », et « les snacks, marchands de kebab ont leur raison d’être ». Pour revenir à ces derniers, les adeptes ne diront pas le contraire et, visiblement, ils sont nombreux : Le Monde consacrait récemment un article aux « enfants du kebab » (lire ci-dessous).

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