Militaires en rue: schizophrénie couleur kaki
En faisant appel aux militaires pour sécuriser les lieux publics, le gouvernement a mis le doigt dans un engrenage dont il devient très difficile de sortir.


Garder ou retirer les militaires des rues ? Depuis le début, leur présence abondante dans les rues, les shopping centers et devant des bâtiments a fait débat. C’est même le vice-Premier ministre CD&V Kris Peeters qui fut le premier à dégainer contre la politique prônée par certains membres de son gouvernement. Selon lui, l’occupation kaki de l’espace public faisait surtout dans la politique cosmétique et la communication, et ne pouvait en aucun cas servir de dispositif sécuritaire et de protection de fond des citoyens.
Un an et demi plus tard, voilà que la discussion rebondit, cette fois entre majorité et opposition, qu’on serait tenté de renvoyer dos à dos. L’opposition, en l’occurrence le député CDH Georges Dallemagne, a raison de souligner l’impossibilité de maintenir ainsi des militaires ad vitam aeternam dans des fonctions qui ne sont pas les leurs, qui les empêchent d’effectuer leur véritable travail.
La majorité, en l’occurrence le chef de groupe MR Denis Ducarme, a raison lorsqu’il réplique que ce retrait prendra du temps. La mise sur pied du corps de sécurité spécialement formé pour la surveillance de bâtiments et de sites potentiellement visés, dont la création a été annoncée par le Premier ministre ce samedi, ne peut de fait être improvisée et exige un certain nombre d’étapes statutaires et parlementaires.
La réalité est qu’en faisant appel aux militaires pour sécuriser les lieux publics, le gouvernement a mis le doigt dans un engrenage dont il devient très difficile de sortir. Pour différentes raisons, qui nourrissent toutes une certaine schizophrénie.
Primo, si les militaires ne sont plus là, et qu’un acte terroriste est posé, on ne verra plus qu’eux : leur absence sera très remarquée et montrée du doigt. Mais quand ils sont là, ils ne peuvent pas faire grand-chose, leur capacité d’action (pour preuve les attentats du Bataclan ou de l’aéroport à Bruxelles) est extrêmement limitée, tout comme leur autorisation de passer à l’action, placée au quotidien sous la surveillance des policiers.
Secundo, la nécessité de leur présence dans la vie quotidienne s’auto-nourrit : en voyant ces képis, ces boots et ces mitraillettes passer devant eux, les citoyens enregistrent l’existence permanente d’une menace, mais se sentent en même temps protégés d’elle par ces hommes qui patrouillent sans cesse. Et le cercle est bouclé.
Il sera très difficile donc, matériellement et surtout psychologiquement, de faire rentrer les militaires dans les casernes. Ajoutons que les policiers ne sont pas demandeurs : faire le pied de grue par tous les temps est la partie la plus ennuyeuse de leur travail.
Au risque de maintenir le statut bancal qui est le leur aujourd’hui et de risquer des incidents, comme le week-end dernier à Bruxelles ? Cette question-là, dans cet entre-deux – toujours des militaires et pas de corps spécialisé – mérite qu’on la gère.
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S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir1 Commentaire
Les militaires en rue est une mesure prise pour rassurer l'opinion. Au mieux cela empêche un attentat aux zones qu'ils ont en charge. Au pire ils constituent une cible supplémentaire. Je crois que le renseignement est l'élément le plus important en l'occurrence.