Le black metal renaît de ses cendres
Le black metal n’est pas mort avec sa sanglante scène norvégienne. La relève, le « Transcendental Black Metal », arrive des Etats-Unis et a pour ambition de « dépasser le nihilisme ».

Il y a deux ans, la police française arrêtait le Norvégien Kristian « Varg » Vikernes chez lui, en Corrèze, en le soupçonnant de préparer « un acte terroriste d’envergure ». Si aucune charge ne fut retenue contre lui (sinon pour des écrits jugés discriminatoires, xénophobes, antisémites et faisant l’apologie de crimes de guerre), ce raid avait remis un coup de projecteur sur les heures sombres du black metal dont le genre se serait bien passé.
C’est que Varg Vikernes, Comte Grishnackh pour la scène, a un passif plutôt chargé. Figure charismatique du black metal norvégien du début des années 90, le leader de Burzum avait défrayé la chronique en assassinant de cinq coups de couteau son meilleur ennemi, Euronymous, le guitariste du groupe concurrent Mayhem. Un fait divers qui s’ajoutait aux incendies d’églises millénaires, cérémonies sataniques et païennes, rumeurs de cannibalisme, discours extrémistes voire néonazis, au moins un autre meurtre et le suicide à la carabine de Dead, le chanteur des décidément maudits Mayhem, la photo du cadavre servant ensuite de pochette de disque… Autant de faits et légendes qui ont instauré le black metal norvégien comme la scène rock la plus extrême de l’histoire.
« C’est difficile de séparer la musique de l’effusion de sang norvégienne. C’est comme un mythe des origines dont l’ombre plane sur le black metal. » La personne qui s’exprime se nomme Hunter Hunt-Hendrix et est le leader du groupe de black metal de Boston Liturgy. On pourrait imaginer le garçon avec une voix grave, les yeux perdus dans un maquillage spectral et portant du cuir clouté et une cape longue… Mais il n’en est rien. Âgé de trente ans, cet ancien étudiant en philosophie a le visage juvénile et souriant, la voix posée, réfléchie, cherchant à exprimer au mieux sa vision, celle d’un black metal qui surmonterait le mythe sanglant des origines. Une mission qu’il a développée dans un manifeste intitulé « Transcendental Black Metal ».
Plus qu’une philosophie, une religion
L’idée qu’il expose est celle d’un « dépassement du nihilisme ». Selon lui, le black metal doit se dégager de la noirceur la plus profonde de l’âme, « générer une étincelle et déclencher ainsi une ouverture, un état de conscience plus élevé. Je crois que le black metal a le pouvoir d’être ce médium de dépassement du nihilisme ». La transcendance par la musique étant le but à atteindre. En clair, Liturgy et son leader se donnent pour mission d’extraire le black metal des griffes de Satan pour atteindre… Dieu.
À l’instar du rock, le black metal est bien plus qu’une musique. Pour commencer, c’est, encore aujourd’hui, la forme la plus extrême du rock. C’est aussi une manière de penser, d’agir, de vivre. Un marqueur identitaire puissant dans lequel se mélangent, de façon parfois anarchique, divers courants de pensée. C’est une voie qui peut aider à répondre aux questions existentielles. Pour ses adeptes, le black metal est plus qu’une philosophie. C’est quasi une religion. Bref, c’est à prendre au sérieux.
C’est pourquoi les ambitions de Liturgy et de son leader ne sont pas exactement partagées ni appréciées par tout le monde. Si bien que la controverse a enflé au sein de la communauté black metal américaine, terre d’asile et de renouveau du genre né dans la vieille Europe au début des années 80. Et parmi cette nébuleuse d’outre-Atlantique, s’opposant aux tentations déistes de Hunter Hunt-Hendrix, on trouve des groupes partisans du « True Black Metal ». Soit un black metal contemporain certes, mais proche des origines. Musicalement et philosophiquement.
« Pour le dire clairement, beaucoup de gens ne t’aiment pas. » Ainsi, dans une lettre ouverte, Chris Grigg, le chanteur du groupe de Philadelphie Woe, accuse Hunt-Hendrix d’arrogance, de prétention, voire de trahison. « Quand tu fais de longues et autoritaires déclarations décriant le black metal comme mort et dépassé, quand tu railles tout ce qui a été fait avant toi comme une tentative ratée de quelque chose qui n’est pas atteignable, tu te moques de tous ceux qui ne voient pas les choses de ta façon. C’est odieux. C’est rude. C’est ennuyeux. Qui es-tu pour dicter ce qu’est et devrait être le black metal ? » Ambiance. Précisons que jusqu’à présent et à notre connaissance, le différend est resté de l’ordre de l’échange épistolaire…
Reste un dernier point. Comment le « Transcendental Black Metal » de Liturgy se traduit-il musicalement ? Après un deuxième album encensé par la critique, c’est peu dire que le troisième a choqué les puristes. De black metal ne reste plus que la structure. Le reste, une pléthore de sons et d’informations à majorité électroniques, du chant… Une musique toujours extrême et qui pourrait bien être le point de départ d’un nouveau genre. Mais est-ce toujours du black metal ?…
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