Nicolas Polutnik: «Nous avons posé les bases minimales pour assurer l’avenir de Gosselies»

Les ouvriers de Caterpillar Gosselies vont voter ce mardi sur l’accord négocié entre direction et syndicats, dont le compromis final a été imposé par un conciliateur social du SPF Emploi. C’est le moment choisi par Nicolas Polutnik, le patron de cette usine d’engins de génie civil, pour s’exprimer publiquement pour la première fois depuis l’annonce, le 28 février dernier, de la restructuration devant coûter 1.400 emplois (1.100 ouvriers, 300 employés et cadres) tout en restaurant la compétitivité de l’usine. Neuf mois après l’annonce de cette restructuration, les négociations sont-elles terminées? Nous avons consacré beaucoup de temps pour expliquer les motivations de cette restructuration et du plan industriel visant à restaurer la compétitivité de l’usine par le biais d’investissements lourds (150 millions d’euros) et d’une nouvelle organisation du travail. Nous avons analysé et répondu à 194 questions posées par les représentants syndicaux. Cette première phase de la procédure Renault ayant été bouclée, fin août, nous sommes entrés dans le vif de la négociation. Cela n’a pas été simple, nous avons dû faire appel à un conciliateur social et c’est finalement la recommandation dégagée par celui-ci qui sera soumise à l’approbation des ouvriers, à bulletins secrets, ce mardi. Quel est l’enjeu de ce vote? L’enjeu, c’est la survie de l’usine. Les conditions de départ obtenues par les syndicats rencontreront l’adhésion des travailleurs, mais il faut aussi que le plan industriel soit approuvé. Nous sommes allés au bout de la négociation, et le compromis imposé par le conciliateur est global: il n’y a d’accord sur rien tant qu’il n’y a pas d’accord sur tout. En clair: nous avons posé les bases minimales pour assurer l’avenir de Gosselies mais si la réorganisation du travail est rejetée, les conditions pour réussir la relance ne seront pas réunies et la modernisation qui s’est poursuivie durant les négociations sera arrêtée car n’ayant plus aucun sens. Mais je n’ose pas imaginer cela un seul instant: il arrive un moment où chacun, à titre individuel, doit prendre ses responsabilités. Vous affirmez que l’usine de Gosselies n’était plus compétitive. Pourquoi? Les machines que nous assemblons sont soumises à la concurrence d’autres constructeurs, notamment asiatiques, mais aussi à celle d’autres usines au sein même du groupe Caterpillar. Tout cela se traduit simplement: s’il devient plus avantageux d’importer ces machines pour alimenter le marché européen que de continuer à les fabriquer en Europe, nous sommes menacés. Vu que nous ne pouvons pas nous aligner sur le plan des coûts salariaux, nous devons trouver d’autres moyens pour augmenter notre compétitivité: l’investissement de 150 millions pour moderniser nos lignes de production et, c’est lié, un fonctionnement différent afin de mieux servir nos clients. Si nous parvenons à réduire de 20 semaines à 6 ou 10 semaines le délai entre une commande et sa livraison, car un client qui s’est décidé veut toujours être livré au plus vite, nous reprenons l’avantage sur nos concurrents. Et justifions de la sorte le maintien de cette usine au cœur de l’Europe. La stratégie qui a conduit à recentrer Caterpillar Gosselies sur l’Europe, en faible croissance, a été critiquée… L’Europe est notre marché naturel, celui pour le service duquel nous sommes idéalement situés. La croissance y est certes plus faible que dans d’autres régions, mais il y a toujours un marché: on continue heureusement d’investir dans les infrastructures et d’y acheter des engins de chantier. Et l’enjeu pour Gosselies, c’est bel et bien de restaurer sa compétitivité en Europe. Pas d’aller gagner des parts de marché en Asie… En quoi consiste votre nouvelle organisation du travail? Nous nous inspirons du modèle en vigueur dans l’assemblage automobile qui induit diverses contraintes. Par exemple, sur nos nouvelles lignes, il faudra que tout le monde soit là en même temps ou s’absente en même temps, ce qui induit de planifier différemment les jours de congé sans toucher bien évidemment à leur nombre qui oscille selon les cas entre 34 et 51 jours par an. Afin d’être plus réactifs et de pouvoir respecter nos délais de livraison quoi qu’il arrive, nous demandons la possibilité de prester au besoin 8 heures supplémentaires par mois dans un premier temps pour en arriver à un maximum de 16 heures supplémentaires par mois à partir de 2015: je précise qu’il ne s’agit pas d’augmentation du temps de travail à salaire égal, puisque ces heures seront surpayées à 150%. Et seront par ailleurs annoncées avec un préavis de 15 jours. Est-ce si difficile de convaincre les ouvriers? Tout ce que nous avons négocié est en vigueur dans les autres usines du groupe, même chez nos voisins européens… y compris français. Mais il s’agit effectivement de changements et chacun sait que changer n’est pas évident. Mais nous n’avons pas le choix. Si nous ne pouvons pas être les moins chers, nous devons être les meilleurs… Venons-en au plan social: un peu plus de 800 ouvriers seront «prépensionnés» (chômage avec complément d’entreprise), 125 seront invités à partir par le biais d’incitants financiers, sachant qu’une petite centaine de travailleurs ont déjà quitté l’entreprise. De bonnes conditions à vos yeux? Il est difficile de se réjouir quand on évoque le départ d’un millier de personnes, les négociations se poursuivant avec les cadres et les employés. Mais le plan de «prépension» est avantageux et les conditions de départ sont très attractives: un ouvrier quittant l’entreprise avec une ancienneté de 20 ans touchera une prime de 70.000 euros. Nous réduisons aussi quelque peu l’ampleur des pertes d’emploi en intégrant 75 personnes dans un régime de chômage de longue durée leur permettant de revenir dans l’entreprise à moyen terme. C’est une restructuration douloureuse, certes, mais Caterpillar n’a pas à rougir des conditions dans lesquelles ces personnes seront amenées à partir.

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