Caterpillar: à la recherche d’interlocuteurs crédibles
Les dirigeants de la multinationale ont refusé de venir s’exprimer devant les députés ce mardi. Outre le tollé, l’absence d’interlocuteur crédible pose des questions très pratiques. Tout semble plus que jamais dicté au départ des États-Unis.


Q uel mépris ! Quel dédain ! Cette direction n’assume pas le drame social, humain et économique qu’elle provoque, elle se défile, elle nous snobe ! » Les parlementaires, tous partis confondus, n’avaient pas de mots assez durs, ce mardi matin à la Chambre, pour dénoncer l’attitude des dirigeants de la multinationale américaine Caterpillar à la suite de la mise à mort de l’usine de Gosselies, vendredi. En cause : l’absence de ces mêmes dirigeants devant les élus qui s’étaient spécialement réunis pour les entendre, en sus des représentants syndicaux.
L’invitation, pourtant, était courtoise. « Suite à l’annonce de la fermeture de l’usine Caterpillar de Gosselies, ce vendredi, les Présidents des commissions de l’Economie et des Affaires sociales de la Chambre des Représentants souhaitent vous convier à l’audition conjointe qu’elles organisent (…). Il vous est demandé de présenter un bref exposé en vue de formuler vos observations sur cette annonce et ses conséquences. »
La réponse, signée par Jerome A. Bandry, « EU government affairs director » de la multinationale, fut tout aussi policée. « Nous devons malheureusement à ce stade décliner cette invitation. L’information et la consultation sur l’annonce du Groupe Caterpillar doit, conformément aux dispositions légales, se tenir avec et au sein de notre conseil d’entreprise. » Et d’ajouter, de manière sibylline : « Soyez assurés que nous sommes à l’entière disposition de nos partenaires sociaux pour nous engager dans ce processus. »
L’absence d’interlocuteur
Apparemment bancal sur le plan juridique, ce refus de la direction de Caterpillar de s’exprimer devant les parlementaires n’est qu’une des manifestations d’un vrai problème : quels interlocuteurs la maison-mère propose-t-elle à ses interlocuteurs belges ? Et, surtout, avec quel pouvoir et avec quel mandat ?
La question ne relève pas seulement du droit légitime des salariés qui vont perdre leur job d’être traités avec un minimum de respect, comme du reste des représentants de la Nation. Elle pose aussi des problèmes très pratiques. « Nous attendons toujours que la maison-mère nous précise dans quel cadre nous pourrons discuter avec Thierry Hansen », le directeur opérationnel de Gosselies, nous glisse-t-on dans l’entourage du gouvernement wallon.
Une situation qui se répète
Pareille question n’est du reste pas neuve. Elle est récurrente dès lors qu’une décision funeste est annoncée par une multinationale. Lors de la fermeture de la phase à chaud d’ArcelorMittal à Liège, par exemple, il est rapidement apparu que la direction locale n’avait que peu de pouvoirs, devant systématiquement en référer à l’échelon supérieur (à Luxembourg, voire à Londres) dès lors qu’une étape cruciale du dialogue social devait être franchie.
Les sous-traitants de l’entreprise sont eux aussi en attente. Plusieurs d’entre eux, directement actifs dans l’enceinte du site de Gosselies, y ont mobilisé des ouvriers sans savoir s’ils pourraient effectivement travailler. « Les informations venant de Caterpillar restent parcellaires à ce stade quant à une reprise de la production et plus globalement sur le calendrier de la fermeture », dénoncent-ils.
Un rendez-vous avec la direction
Mais c’est surtout du côté syndical qu’on s’inquiète. Même si un rendez-vous a finalement été fixé avec la direction locale, lundi prochain, afin d’entrer dans le vif du sujet de la première phase d’information et de consultation de la procédure Renault, les représentants du personnel craignent n’avoir affaire qu’à une direction totalement soumise aux injonctions venues d’en haut. « La confiance est évidemment rompue », commente Antonio Cocciolo, président de la FGTB-Métal Hainaut-Namur.
Et le permanent d’ajouter : « Nous venons d’apprendre que la supervision de la procédure sera assurée par le vice-président du secteur des excavatrices. » Et de se tourner vers un collègue. « Comment s’appelle-t-il déjà ? Ah oui, Bob De Lange ! » Un homme dont le CV mentionne tout de même qu’il est responsable mondial du segment « pelles hydrauliques sur pneus et à chaînes », et qu’il est natif d’Anvers, titulaire d’une maîtrise en ingénierie mécanique de l’UCL. Viendra-t-il pour autant à Gosselies ? « Nous n’en avons pas la moindre idée, nous ne l’avons d’ailleurs jamais vu. »
Le verraient-ils que cela changerait finalement quelque chose ? « Lors de la précédente restructuration de 2013, on nous avait assuré que l’objectif était de sauver l’usine », relève un délégué. « Mais on voit où cela nous a menés. Quels que soient les hommes, c’est la soumission de cette entreprise au diktat de ses actionnaires qui est la seule réalité. »
Pour poster un commentaire, merci de vous abonner.
S'abonnerQuelques règles de bonne conduite avant de réagir0 Commentaire