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L’Allemagne espionnait l’Europe pour la NSA

Le BND espionnait pour le compte de la NSA les flux de données transitant par Francfort. La Belgique est concernée. Le parquet fédéral enquête.

Temps de lecture: 4 min

Le service de renseignement extérieur allemand – Bundesnachrichtedienst (BND) – a-t-il, durant des années, détourné et exploité pour le compte de la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine, les flux d’informations en provenance de toute l’Europe, dont la Belgique, qui transitent par le fameux DE-CIX de Francfort ?

L’information, livrée récemment par le député écologiste autrichien Peter Pilz – elle proviendrait d’une commission parlementaire allemande devant laquelle le dossier aurait été évoqué à huis clos –, suscite un vif émoi dans divers pays européens. Dont la Belgique depuis que le parlementaire belge Stefaan Van Hecke (Groen) a révélé qu’elle était directement concernée : quinze des 256 « lignes de transit » espionnées à partir de Francfort acheminaient des informations en provenance de Belgique, 71 des Pays-Bas, 51 de France.

La semaine dernière, le gouvernement belge avait déjà chargé la Sûreté de l’Etat et l’IBPT, l’organisme de régulation des télécoms, d’enquêter à ce propos : « S’il devait apparaître que l’information est avérée, l’Allemagne devrait fournir des explications », avait annoncé le ministre des Télécommunications, Alexander De Croo (Open VLD).

On a appris, ce week-end, que le parquet fédéral a résolu, à son tour, d’ouvrir une information judiciaire – soit une enquête préliminaire – dont il attend qu’elle l’éclaire « sur la nature exacte des faits qui pourraient avoir été commis et qui pourraient être reprochés », a expliqué son porte-parole, Jean-Pascal Thoreau.

L’espionnage intervenait à Francfort, porte d’accès européennes au monde numérique

En 2004, la National Security Agency (NSA) se serait attaché, dans des conditions qui demeurent inconnues, la collaboration du BND allemand auquel l’agence américaine aurait fourni des listings d’adresses mail et de numéros de portables à espionner, notamment en Europe – les Allemands réceptionnaient ces listings via un serveur américain qui était quotidiennement remis à jour.

L’espionnage intervenait au niveau du centre DE-CIX de Francfort, véritable porte d’accès européenne au monde numérique : des centaines de fournisseurs de services et d’organisations de réseautage y sont connectés en permanence (lire ci-contre). Les flux de données interceptés étaient dirigés vers la caserne Mangfall, située à Bad Aibling, en Bavière, où les informations étaient triées avant d’être redirigées vers des « services de collecte spécialisés » basés, semble-t-il, à Paris et à Vienne.

Ce programme de collaboration avait été baptisé Eikonal. Selon Peter Pilz et Stefaan Van Hecke, l’espionnage aurait, dans les premiers temps, concerné prioritairement 256 des lignes à très haut débit empruntées par ces flux de données : « Nonante-quatre d’entre elles ne font que transiter par Francfort, 40 connectent entre eux des pays européens et 122 interconnectent des pays européens avec différentes régions du monde, explique le député Benoît Hellings (Ecolo) qui fut alerté par Peter Pilz. Quinze de ces lignes provenaient de Belgique, dont dix directement de l’opérateur public Belgacom. »

Un arrêt en 2008 ?

Cette collaboration entre Américains et Allemands, dont on ignore si elle fut consentie ou forcée, fut mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Selon certaines sources, elle aurait pris fin en 2008, quand les Allemands se seraient avisés que les Américains collectaient aussi, par ce biais, des informations sur des ministères en Europe, ainsi que sur des entreprises stratégiques, notamment dans le secteur de la défense, alors que le programme n’était censé les informer que sur des « cibles » installées en Russie, en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient.

La collaboration s’est-elle vraiment achevée en 2008 ou s’est-elle poursuivie, comme le suggérait ce week-end le quotidien flamand De Tijd, sous l’égide du fameux programme Rampart au nom duquel la NSA pratique l’espionnage à grande échelle « avec la collaboration de partenaires étrangers »  ? Quelles informations ont été interceptées et exploitées ? Selon quels critères ? A quelles fins ? Comment comprendre qu’un service de renseignement allemand consente, d’une manière ou d’une autre, à espionner des pays partenaires pour le compte d’une agence américaine ? « Il est particulièrement choquant d’imaginer, par exemple, que les négociations relatives au traité de libre-échange transatlantique ont pu être menées alors que s’exerçait ce genre de surveillance », explique Benoît Hellings.

Cité ce dimanche par l’hebdomadaire allemand Tagesspiegel am Sonntag, le vice-secrétaire américain à la Sécurité nationale, Alejandro Mayorkas, a déclaré à ce propos que la collaboration entre la NSA et le BND n’incluait pas l’espionnage d’entreprises : « Ce n’est pas notre approche », a-t-il précisé. A l’entendre, la collaboration avec le BND n’aurait concerné que « des questions de sécurité nationale ».

 

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