Les gauloiseries de Nicolas Sarkozy

Nos ancêtres les Gaulois ? Ces mots collent au mythe de la France éternelle, pure et homogène. Ils furent enseignés dans la métropole comme dans ses colonies avec pour objectif de donner aux potaches le sentiment factice d’une appartenance commune. On s’en amuserait plutôt aujourd’hui, les études menées au cours des dernières décennies ayant mis en lumière la diversité des populations qui habitaient la Gaule sous César. « Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule... » Mais Nicolas Sarkozy, lui, a choisi de revisiter l’histoire. Lundi, lors d’un meeting donné à Franconville (Val d’Oise), il a affirmé qu’à partir du moment où l’on acquiert la nationalité « on vit comme un Français et nos ancêtres sont les Gaulois ». Ces propos, vantant l’assimilation de l’« étranger » plutôt que son intégration, ont immédiatement déclenché les railleries. La ministre française de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a eu beau jeu de conseiller à l’ancien président de prendre des « cours d’histoire… véridique ». « Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois ». Cette phrase célèbre tient lieu d’introduction au Petit Lavisse, le manuel d’histoire phare de la Troisième République. Dès la fin du XIXe siècle, cet outil pédago-nationaliste servit à enfoncer dans le crâne de générations d’écoliers l’idée selon laquelle les « vrais Français » descendent des « Gaulois ». Auparavant, en 1870, le Second Empire de Napoléon III s’est écroulé à Sedan lors d’une lourde défaite infligée par les Prussiens. Comme en acte de résilience, une vision ethnocentriste de la nation française a été mise au service de la propagande patriotique. Les instituteurs ont enseigné aux enfants qu’ils descendent de ces Gaulois certes rustres et hirsutes, mais tellement « braves, intelligents et gais ». Ils ont même un héros : Vercingétorix, l’homme qui a osé résister à César au prix de sa vie. La cause est entendue. La Troisième République veut opposer un stéréotype gaulois indigène au germain qui lui fait face. Ce portrait d’une France unie, homogène et héroïque aura la vie dure. On la retrouvera plus tard chez le Maréchal Pétain pour qui Vercingétorix incarne la dignité qu’il convient de conserver dans la défaite. C’est la Collaboration. Mais aussi chez les partisans du général De Gaulle, farouches défenseurs de l’indépendance nationale face au nazisme. Encore quelques années et c’est tout en dérision qu’Uderzo et Goscinny inventeront les aventures d’Astérix en revisitant le « roman » national. Une vérité officielle a vécu. Métissage inévitable... Le mythe national français comme tous les mythes nationalistes est fantasmagorique. Car la Gaule de César n’a évidemment rien d’un Etat structuré, d’une entité administrative dont les frontières correspondraient à celles de l’actuel hexagone. Un royaume « dit de France » n’apparaîtra dans les textes latins que vers le XIII siècle. Ses frontières ne seront réellement stabilisées que sous Louis XIV. Quant à l’appellation « gaulois », elle recouvre en réalité les nombreux peuples que César a nommés pour sa part celtes, belges et aquitains. Ceux-là côtoient notamment des Germains. Le métissage est donc inévitable. Le Français est comme souvent ailleurs le résultat d’un sang-mêlé. Il le sera tout au long des siècles, à chaque fois que d’autres tribus et d’autres peuples feront souche sur son territoire : des Francs jusqu’aux actuels migrants, en passant par les Burgondes, les Arabes ou les Basques. Sarko n’ignore probablement pas cela. Mais en politique, l’exaltation de l’idée de nation s’accommode de certaines libertés avec la lecture du passé. Ce jeu-là n’est pas anodin : « Le plus grave, écrit l’historienne française Suzanne Citron, c’est que l’idée d’une souche gauloise ethnicise fantasmatiquement la “véritable nation” et nie la diversité raciale et culturelle qui a constamment accompagné la création historique de la France. » Un mensonge donc.

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