La Monnaie emmène Donizetti à la plage

Le lieu est d’ailleurs passablement décrépit : ses surfaces de déambulations semblent construites pour une mise en scène misérabiliste de Marthaler ! L’histoire Mais c’est dans un tout autre univers que nous entraîne le jeune metteur en scène italien. Fini le domaine agricole d’une riche héritière. Adina, l’héroïne gère désormais un bar branché sur une plage italienne où Nemorino joue les garçons de plage. Au milieu d’une incroyable effervescence où se bouscule, se pourchasse et se dispute une faune invraisemblable qui semble surgir d’un « soap opera » télévisé. Tout cela est très drôle, décapant, volontiers ironique même si la relégation de Nemorino à la fin du premier acte, aspergé par des flots de limonade en boîte, affiche une évidente cruauté qui souligne fort crûment la dérive des foules quand on leur coupe les amarres. La dérision reprend ses droits au second acte avec une délirante scène de mariage raté et l’opéra se termine sur une grande apothéose du style « Vivons la vie au jour le jour et amusons-nous ». Le public, lui, s’est franchement amusé. Et de bon droit car cette mécanique, réglée avec l’efficacité d’un Feydeau, recèle derrière ses frasques une implacable cohérence où rien n’est jamais gratuit. Tout au plus parfois un peu forcé : comme pouvait l’être la commedia dell’arte ou le théâtre populaire de Dario Fo. Les références historiques sont donc évidentes et leur mise en œuvre diaboliquement réussie. Ce metteur en scène vénitien atteint cette année ses 40 ans. Après des études de littérature à Venise et d’art dramatique à Milan, il fait ses débuts en 2003 au Festival de Wexford. Et s’est rapidement devenu la grande signature de la nouvelle génération de la mise en scène d’opéra en Italie. Avec un scrupuleux travail de relecture, et souvent d’actualisation, qui ne se fait jamais au détriment de la partition. Depuis lors de « La Gazza Ladra » à Pesaro à « La Bohème » et « Cenerentola » à Salzbourg en passant par « Il Barbieri di Siviglia » aux Opéras de Genève et Paris, le metteur en scène vénitien fait la une de la création lyrique en Europe. On le reverra d’ailleurs en mars prochain à l’ORW avec sa « Scala di Seta » de Pesaro. Un véritable travail d’équipe Une telle production ne laisse guère de place à l’abattage individuel. Et c’est tout le mérite de cette vraie star qu’est Olga Peretyatko que de distiller son admirable savoir-faire virtuose en l’intégrant à une action en constante ébullition. La splendeur de la colorature n’en est que plus impressionnante : netteté des attaques, finesse des couleurs, clarté de la diction : voilà une Adina de haute volée. À ses côtés, Dmitry Korchak campe un Nemorino plus godiche que nature qui se révèle dans un délicat « Una furtiva lagrima ». Le Belcore, officier suffisant d’Aris Argiris et le Dulcamara maquignon de Simón Orfila en profitent pour en faire des tonnes dans leurs rôles de bouffe. Si la drôlerie reste en situation, la finesse du chant en sort un peu altérée. Reste le vrai bonheur de cette production où le chœur maison est renforcé par les élèves de l’Académie du chœur de la Monnaie où de jeunes élèves, sélectionnés dans les huit conservatoires du pays, font leur écolage professionnel tout en offrant à la représentation le tonus de leur jeune âge exubérant. Un sacré bol de bonne humeur. Monnaie au Cirque Royal, jusqu’au 18.9. Réservation : 02 229 12 11 ou www.lamonnaie.be

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