Brexit: quel divorce avec la Grande-Bretagne?

Les dés sont jetés. Theresa May, la Première ministre britannique, a annoncé lors de la conférence annuelle du Parti conservateur que la procédure de séparation de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne aura lieu au plus tard en Mars de l’année prochaine. Enfin, pourrait-on dire. Pendant trois mois, le gouvernement britannique excella par l’indécision. Plus important que l’annonce du début de la procédure de séparation fut ce que Theresa May avait à dire sur la nature du divorce. Acclamée par ses partisans conservateurs dans la salle de congrès, elle déclara que la Grande-Bretagne prendra en main le plein contrôle sur l’immigration et que la juridiction de la Cour de Justice européenne dans son pays sera levée. La Grande-Bretagne doit redevenir un pays totalement indépendant et souverain. Ce fut le slogan de Nigel Farage, président du UKIP. Theresa May est donc le premier ministre qui applique le programme de ce parti nationaliste. Ce faisant, elle prend une option sur un « Brexit dur », une rupture totale avec l’Europe. [scald=2413305:sdl_editor_representation] Un match de football tronqué L’annonce de Theresa May aura comme effet que la Grande-Bretagne s’exclue du marché unique. Ce dernier est basé sur un système de règles communes concernant la santé et la sécurité des biens et des services, la concurrence et les normes et standards. La Cour de Justice européenne supervise l’application de ces règles dans tous les pays et a donc compétence dans ces pays. Elle a donc le rôle d’arbitre qui doit veiller à ce que les règles communes soient appliquées correctement. Le marché unique ne peut fonctionner que si les États membres acceptent à l’avance l’autorité de l’arbitre. Mais voici que Theresa May annonce sa volonté de rester dans le marché unique, tout en rejetant d’avance l’autorité de la Cour de Justice européenne. C’est comme si elle voulait continuer à jouer au football avec l’UE, mais à condition qu’elle maintienne le droit de rejeter les décisions de l’arbitre. De cette façon, il est impossible de jouer au football… Une disqualification Le gouvernement rejette non seulement la juridiction de la Cour, il veut en même temps reprendre en main le plein contrôle sur l’immigration. Là aussi, il y a problème. Le bon fonctionnement du marché unique est basé sur les soi-disant quatre libertés, c’est-à-dire la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Le marché unique, tel qu’il a été conçu, ne peut pas fonctionner sans la liberté de circulation des personnes. En outre, il y a un lien étroit entre la liberté de circulation des services et la liberté de mouvement des personnes. L’une n’est pas possible sans l’autre. J’en conclus qu’en éliminant la juridiction de la Cour de Justice européenne et en introduisant un contrôle sur l’immigration dans ce pays, la Grande-Bretagne se disqualifie du marché unique. Refuser le « special deal » Quelle doit être la réponse de l’Union européenne ? A mon avis, il faudra une réponse qui ne laisse que peu de choix à la Grande-Bretagne. Celle-ci devra négocier un accord commercial avec l’UE, comme tout autre pays souverain. C’est le cas du Canada et des Etats-Unis aujourd’hui. Les négociations avec ces pays sont difficiles et traînent des années. Ce sera aussi le cas avec la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne essayera sans doute d’aboutir à un accord spécial avec l’UE. Ce pays se prépare à proposer un « special deal » dans lequel il serait permis d’introduire un contrôle sur l’immigration et de juger de façon souveraine l’application des règles du marché unique. C’est l’approche « intergouvernementale » ; le rêve du gouvernement britannique. Cela implique que ce dernier tentera de conserver un droit de veto sur toute nouvelle décision émanant de Bruxelles en ce qui concerne les règles du marché unique, tout en jouissant des avantages de ce marché unique. L’UE doit d’ores et annoncer clairement qu’il n’y aura pas de « special deal » de ce genre. L’union européenne ne peut faire autrement. Si elle accepte un arrangement spécial avec la Grande-Bretagne, elle ouvre la porte à d’autres pays qui rechercheront des dispositions particulières avec l’UE, en éliminant tout ce qu’ils n’aiment pas dans l’Union et en ne retenant que ce qu’ils aiment. Ce serait le début de la fin de l’intégration européenne.

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