Les dernières heures avant le verdict

Hier soir, le collège formé par les jurés et les magistrats de la cour d’assises du Hainaut débattait toujours de la réponse à donner à la seule question qui lui était soumise : l’accusé, Bernard Wesphael, est-il coupable, oui ou non, d’avoir volontairement, et avec intention de donner la mort, commis un homicide sur la personne de Véronique Pirotton, à Ostende, le 31 octobre 2013 ? L’accusation a demandé aux jurés de répondre oui, tant les éléments recueillis par l’enquête semblent accablants pour l’accusé : le rapport médico-légal, notamment, a convaincu le ministère public et les parties civiles que la jeune femme a été étouffée après avoir été rouée de coups. La défense, elle, a longuement plaidé l’acquittement : la cause du décès, dit-elle, ne peut être établie avec certitude et l’hypothèse d’un décès suscité par « une intoxication alcoolo-médicamenteuse » lui paraît même davantage « soutenue scientifiquement ». Ce jeudi, durant les répliques, les parties se sont encore heurtées sur ce point particulier. L’avocat général, citant le répertoire général des médicaments édité par le SPF Santé publique – une pièce qu’il avait fait verser au dossier la veille, durant la plaidoirie de la défense – a conclu une fois de plus que l’interaction létale évoquée par Mes Mayence et Bauwens était exclue. La défense lui a reproché d’avoir expurgé la pièce versée au dossier d’un passage qui le desservait : « S’agissant des benzodiazépines, ce répertoire mentionne qu’une issue fatale n’est généralement pas à craindre sauf en cas d’absorption simultanée d’alcool ». Me Mayence, lui, avait mis les dernières heures à profit pour découvrir qu’un autre médicament – un de plus ! – avait été découvert dans la trousse de toilette de la victime : du baclofène, un myorelaxant parfois prescrit dans le traitement de certaines dépendances dont l’interaction avec l’alcool peut provoquer, dit-il, de graves insuffisances respiratoires. « La présence de baclofène dans le sang échappe à une chromatographie classique, a déclaré l’avocat. Il aurait fallu mener des analyses particulières pour s’assurer que Véronique Pirotton n’en avait pas absorbé ce soir-là. Et on ne l’a pas fait ». Bernard Wesphael a eu l’occasion de s’exprimer une dernière fois avant que la cour et le jury ne partent en délibération. Il s’est exprimé avec émotion et véhémence : « J’aimais profondément Véronique, a-t-il déclaré. J’aurais tout fait pour elle. J’aurais tout fait pour la sauver. Jusqu’à la fin de ma vie, je vais devoir vivre avec l’idée qu’elle n’est plus là et c’est une pensée que je porte chaque jour comme une boule dans l’estomac. Mais le plus insupportable – ici, sa voix s’étrangle – c’est encore la souffrance de Victor. J’aime ce garçon comme mon fils. Je peine à vivre avec ça ». Bernard Wesphael s’adresse alors à la famille Pirotton : « Vous ne m’avez pas laissé beaucoup de chance mais je vous estime et je vous estimerai encore ». Aux jurés : « Je suis un homme plein de défauts. Mais il y en a un que je n’ai pas : c’est le non-respect de l’autre. Je suis dénué de violence. Toute ma vie a été consacrée au combat pour la non-violence. Je peux vous affirmer que je n’ai pas touché à mon épouse ni de près ni de loin ». Il adjure en criant ceux qui l’écoutent : « Durant toute ma vie, j’ai pris mes responsabilités. Je veux que vous me croyiez. Si je l’avais fait, je l’aurais dit. Je l’aurais assumé. J’aurais demandé à mes avocats de plaider autre chose. Ici, je n’ai d’autre choix que de plaider mon innocence. J’ai ma conscience pour moi. J’ai mon âme pour moi ». Ses derniers mots, Bernard Wesphael les adressera à nouveau à la famille de Véronique : « Je vous demande de me croire, dit-il. Et de penser à une possible reconstruction pour tout le monde ».

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