Avalanche de nudité sur scène
Cette saison, le nu est partout sur les planches et dans la ville. Une tendance à contre-courant d’une époque toujours plus frileuse.
Au commencement, Adam et Eve ne savaient pas qu’ils étaient nus. Quand ils l’ont su – quand Dieu fut là pour le leur faire remarquer – ce fut le début des complications. Même chose au théâtre : c’est le regard des spectateurs qui révèle le trouble de la nudité. Un corps qui se dénude sur scène n’est jamais anodin, même à notre époque ultra-sexuée. En près de cinquante ans, depuis Mai 68, la nudité a envahi les différentes sphères sociales, des plages aux magazines, du porno aux clips musicaux, jusqu’à s’afficher en six mètres sur quatre, sur les murs des villes.
Le nu a beau être décomplexé partout ailleurs, il reste chargé de tension sur un plateau de théâtre ou de danse. Parce qu’il n’y a pas d’écran pour faire écran et que c’est un individu qui est là tout nu, à quelques mètres de vous. Il est donc fascinant d’observer comment les artistes explorent ce nu dans des spectacles très différents. Le contraste est saisissant entre deux pièces à l’affiche au Théâtre Varia en ce moment (lire ci-dessous) : Anima Ardens de Thierry Smits et Il ne dansera qu’avec elle d’Antoine Laubin et Thomas Depryck. Chez l’un, les danseurs restent nus pendant tout le spectacle et pourtant, on oublie cette donne au bout de cinq minutes. Chez l’autre, la distribution se dénude à moitié et pourtant, on ne voit que ça. Le naturel des uns nous met complètement à l’aise, tout en restant chargé de signification et d’imaginaires. L’entre-deux des autres cristallise notre attention sur un geste, celui de se déshabiller, qui rythme un moment normalement intime, la séduction.
Cette saison en tout cas, les corps nus envahissent les scènes, entre les expérimentations érotiques de Mette Ingvarsten au Kaaitheater ( 7 pleasures et 69 positions ) et la tragédie grecque de Jan Fabre, version sang, boyaux et sperme, de son Mount Olympus. Visiblement, les artistes sont plus que jamais décomplexés même si la nudité reste un domaine glissant. L’erreur n’est pas permise. A manipuler une telle matière, mieux vaut avoir un discours clair sinon on ne voit plus que « ça ». Le risque est grand de paraître racoleur, gratuit ou trivial. Et si cette avalanche de nu au théâtre répondait au pressentiment diffus que nos sociétés ont atteint un maximum de tolérance et qu’une vague réactionnaire menace de nous emporter vers plus de pudibonderie ? L’avenir nous le dira. Bientôt effacé, le zizi de Saint-Gilles pointe (faiblement) dans cette direction.
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