Afrique: Ebola décline mais ne se rend pas encore

Depuis plusieurs semaines, des communiqués de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) donnent des nouvelles du virus Ebola : il aurait disparu du Liberia, annonçait l’organisation le 3 septembre, tandis que, le 9, elle se félicitait du fait qu’il n’y avait pas eu de nouveau cas en Guinée depuis une semaine. Par contre, un nouveau malade d’Ebola a été détecté le 7 septembre en Sierra Leone. Alors, finie ou pas finie, cette épidémie qui avait plongé l’an dernier le monde dans l’effroi ? Les chiffres officiels, que tout le monde sait largement sous-estimés, donnent 11.000 morts sur 28.000 cas recensés… « L’épidémie n’est pas terminée, tranche Jean Paul Jemmy, coordinateur médical des opérations pour MSF Belgique. Il n’y a plus eu de cas au Liberia depuis plus de 50 jours, alors que la période d’incubation est de 21 jours. On pourrait déclarer le Liberia sans Ebola, mais cela n’aurait pas beaucoup de sens tant il y a de communications avec les deux pays voisins eux aussi frappés par le virus. Or on sait qu’un seul cas peut faire redémarrer l’épidémie ». Le Libéria sous surveillance Le Liberia, où 10.666 cas ont été recensés et 4.806 décès enregistrés, est donc sous surveillance active pour éviter de manquer un éventuel nouveau cas. MSF y gère aussi une “clinique des survivants” : les anciens malades qui ont survécu ont souvent des séquelles, comme des douleurs flottantes qui passent d’une articulation à l’autre, et des problèmes de vue. Ayant échappé de peu à la mort, beaucoup ont aussi besoin d’un suivi psychologique. « En Sierra Leone (13.609 cas, 2.953 morts), reprend Jean Paul Jemmy, on commence à approcher de la fin de l’épidémie : le nombre de cas chute fortement. On a eu des pics à 300 cas par semaine, et récemment, on en a eu entre 1 et 3 par semaine ». La dernière malade était sortie de l’hôpital le 24 août, mais un nouveau cas a été identifié dans le nord du pays. « Pour chaque nouveau cas, précise le coordinateur médical de MSF, il faut établir une liste des personnes qui ont été en contact avec elles. Cette liste comporte en général entre 40 et 100 noms de personnes à suivre pendant les 21 jours que dure l’incubation. Le plus inquiétant, c’est quand, comme en Sierra Leone, un nouveau cas surgit hors des listes de contacts de malades détectés : ces cas spontanés montrent que la surveillance n’est pas parfaite, et que l’épidémie pourrait redémarrer ». Deux cas par semaine en Guinée En Guinée (3.792 cas, 2.529 morts), la fréquence des cas est encore un peu plus élevée : on en est à 2 cas par semaine, qui sont pris en charge dans les centres spécialisés, avec le suivi actif de tous les contacts de ces malades. « Comme dans toutes les épidémies, détaille Jean Paul Jemmy, il est plus facile de passer de 1.000 cas à 10 cas que de 10 à zéro… Il ne faut pas baisser la garde. Et ce qui est compliqué avec Ebola, c’est qu’il y a plus de questions que de réponses. On sait que des animaux sont porteurs de cette maladie et qu’elle passe aux humains qui les mangent. Mais on ne sait pas dans quelles conditions le virus peut survivre dans la nature : des études sont encore en cours. Même chose pour le vaccin : le VSV (Merck) qui est actuellement à l’essai en Sierra Leone montre un certain degré de protection, mais les études ne sont là non plus pas encore terminées. C’est un signal positif mais, pour l’instant, on ne l’utilise que pour des personnes qui ont été en contact avec un malade, et pas pour tout le monde, car il y a des risques encore mal connus. On ne sait pas non plus quelle est la durée de la protection qu’il confère. Certains vaccins vous protègent 10 ans, et d’autres trois mois… » Le bénéfice du Favipiravir Un médicament permet désormais de soigner les malades d’Ebola, le Favipiravir, développé par une filiale de Fujifilm et testé en Guinée par MSF. Il apporte un réel bénéfice aux malades ayant un nombre modéré de virus en circulation dans le corps. Pour ceux ayant une charge virale haute, il n’est cependant pas efficace. Il y a aussi, notamment à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, des études prometteuses en cours sur l’utilisation du plasma de survivants pour traiter d’autres malades. « Au début de l’épidémie, le taux de mortalité était très élevé, précise Jean Paul Jemmy : deux malades sur trois mouraient. Aujourd’hui, on est à un malade sur trois : la mortalité reste donc importante. Celle des soignants occidentaux qui ont été rapatriés en Europe ou aux Etats-Unis est plus basse, parce qu’ils étaient sous monitoring quotidien et ont donc pu être pris en charge de façon précoce, et soignés dans les meilleures conditions. Il est certain que, pour combattre cette épidémie, il vaut mieux avoir un système de santé efficace. Dans les trois pays les plus touchés, le secteur de la santé était très fragile, et il a été encore plus fragilisé : le personnel médical, qui était déjà en nombre insuffisant, a été lourdement frappé par le virus. Ces pays manquent de ressources pour investir massivement dans la santé. Et il faut plusieurs années pour former des infirmiers et des médecins. Ils ont donc encore besoin d’aide ». Selon l’OMS, il serait possible d’éliminer Ebola d’Afrique de l’Ouest cette année, mais il est indispensable de maintenir les capacités de surveillance durant toute l’année 2016…

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