Un travailleur belge sur sept sous le seuil de la pauvreté

Pas de travail, pas d’existence sociale… Pour sept Belges francophones sur dix, cette assertion résonne comme une évidence. A contrario, le travail est-il nécessairement synonyme de vie sociale harmonieuse ? Pas sûr… Quand on sait que pour quatre travailleurs sur dix les revenus professionnels ne suffisent pas ou suffisent à peine à boucler le budget, on peut en douter sérieusement. C’est en tout cas ce qui ressort du Thermomètre Solidaris, neuvième du nom, publié en exclusivité par RTL-Info et Le Soir. 1 Pauvres, vraiment ? Question de départ : le travail protège-t-il de la pauvreté ? Pour y répondre, Solidaris a longuement interrogé 816 travailleurs représentatifs de la population active. Afin de circonscrire le phénomène, l’institut de sondage passe par une définition subjective de la pauvreté : ce n’est pas le revenu qui prime mais le ressenti, le vécu des travailleurs face à ce qui tombe sur leur compte en banque. Outil de mesure : la capacité ou l’incapacité de faire des économies. Question principale donc : avec tout ce que vous recevez chaque mois, arrivez-vous à mettre beaucoup, ou un peu, pas du tout, ou moins que pas du tout… d’argent de côté ? Voyons d’abord le verre à moitié plein : 60 % des travailleurs parviennent à mettre beaucoup (7 %) ou un peu (53 %) d’argent dans leur cochon. Puis le verre à moitié vide : 29 % des travailleurs arrivent tout juste à boucler leur mois, 8 % vivent avec un compte à découvert et 3 % assurent qu’ils n’en sortent plus, qu’ils craignent de basculer dans la pauvreté. Traduit en chiffres absolus, ça donne ceci : sur les 1.740.000 travailleurs de Bruxelles et de Wallonie, 1.044.000 mettent de l’argent de côté, 504.600 s’en sortent tout juste (ils présentent un « risque de basculer dans la pauvreté » selon Solidaris), 139.200 jouent avec leur découvert bancaire (ils sont « pauvres » selon Solidaris) et 52.200 avouent ne plus s’en sortir (ils sont « très pauvres »). [scald=2420783:sdl_editor_representation] 2 Combien gagnent-ils ? Appartenir à l’une de ces catégories est-il nécessairement synonyme de « pauvreté objectivée » ? Parfois oui, parfois non. Pour le savoir, Solidaris a sondé le niveau de revenus de ses répondants en le comparant au seuil de pauvreté défini par l’Institut du développement durable (1.250 euros/mois pour une personne vivant seule). Environ un tiers (35 %) des « travailleurs (très) pauvres ou ayant un risque de basculer dans la pauvreté » vivent au maximum avec ce revenu. Un autre tiers (36 %) touche entre une fois et une fois et demie le revenu minimum. Le dernier tiers (29 %) touche une fois et demie, deux fois, voire bien plus que deux fois le seuil de pauvreté. Dit autrement, deux tiers de travailleurs présentant une pauvreté ressentie (selon les critères de Solidaris) vivent en réalité au-dessus du seuil de pauvreté objectivé par le salaire. Cette part est évidemment en régression au fil du passage entre les catégories : chez ceux qui se considèrent comme très pauvre, six sur dix vivent effectivement sous le seuil objectivé de pauvreté. En croisant les deux données on obtient ceci : parmi les 40 % de travailleurs « (très) pauvres ou flirtant avec la pauvreté », 35 % déclarent vivre sous le seuil objectivé de pauvreté, soit un travailleur sur sept. Ces considérations témoignent donc autant de la difficulté passagère ou chronique de boucler un budget – fut-il élevé - que de situations dramatiquement précaires. On verra au fil de l’enquête combien la multiplication des contrats, l’isolement, la jeunesse, le genre, l’absence de formation influence l’appartenance aux catégories les moins favorables. 3 Les coups durs de la vie. Il suffit parfois d’un coup dur de la vie pour basculer d’une catégorie à l’autre. En la matière précisément, la vie ne manque pas d’imagination : divorce, séparation, accident, maladie, licenciement, faillite, décès d’un proche… Les données récoltées par Solidaris corroborent le ressenti : parmi les travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté, près d’un sur deux a vécu un licenciement, près d’un sur trois a vu son couple voler en morceaux et un peu plus d’un sur quatre a été victime d’un accident ou de maladie grave. Plus globalement, toujours parmi les plus pauvres, près des trois-quarts ont vécu au moins une mauvaise surprise de la vie. On constate aussi que plus le revenu augmente, moins ces mauvaises surprises peuplent le quotidien des gens. A l’inverse, l’impression de collectionner les coups durs est intimement liée au seuil de pauvreté : plus on s’en rapproche, plus on est envahi par l’idée que la vie, décidément, ne fait pas de cadeau. Triste loi des séries. [scald=2420782:sdl_editor_representation]

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