ULB – McKinsey: «Ce n’est pas un partenariat, c’est juste un contrat locatif»

Maxime Fontaine : « Le sous-financement ne peut excuser le recours au privé » Maxime Fontaine voit de façon critique un possible partenariat avec McKinsey. [scald=2427500:sdl_editor_representation] Pourquoi ce projet de partenariat entre l’ULB et l’entreprise McKinsey vous inquiète-t-il ? Si la présence d’une entreprise privée au sein de l’université nous semble déjà choquante, le choix de McKinsey en particulier est encore plus interpellant. Cette société est en effet connue pour la « qualité » de ses conseils, issus de la pensée néolibérale. Ceux-ci visent à assurer à travers un « enseignement d’excellence » l’employabilité maximale des futurs travailleurs et travailleuses. L’université étant une institution majoritairement financée par les autorités publiques, nous estimons qu’elle doit répondre aux besoins de la société dans son ensemble et non à ceux des entreprises privées : l’université doit créer des cerveaux critiques et non de la main-d’œuvre soumise. Au-delà du fond, les liens entre McKinsey et le président du conseil d’administration (CA) de l’ULB sont également préoccupants. Bien que celui-ci ait été écarté des négociations, le président du CA a travaillé pendant trente ans pour McKinsey et a dirigé le bureau belge entre 2005 et 2012. Ces rapports ne peuvent manquer de nous faire penser à une forme de collusion, que nous rejetons vigoureusement. Ce projet est-il selon vous le signe d’une volonté de la part des autorités de conduire autrement l’université, d’appliquer à sa gestion des méthodes davantage managériales ? Les liens que tente de créer McKinsey et les autorités de l’ULB relèvent de transformations plus larges du paysage académique, et plus particulièrement de sa marchandisation. Sous couvert de besoins de financement toujours grandissants et de course aux classements internationaux, les autorités universitaires adoptent certaines pratiques du secteur privé. La mise en place en 2013 de la réforme dite « de la gouvernance » à l’ULB s’est ainsi traduite par la création du poste de directeur général et son attribution à un ancien président de chez Chiquita, choisi pour ses compétences managériales et non élu par la communauté universitaire. Plus récemment, l’augmentation du minerval des étrangers – qui devraient à terme devoir débourser 12.500 euros pour leur inscription (contre 835 euros pour un étudiant belge ou européen) – est révélatrice de l’abandon de la recherche d’un savoir accessible à toutes et tous. L’ULB, et plus largement les universités belges, peuvent-elles se passer de l’argent des entreprises privées ? Celui-ci ne permet-il pas d’accroître des moyens dont on sait qu’ils sont limités ? Le manque de financement bien réel de l’enseignement supérieur ne peut en aucune façon excuser le recours au secteur privé. La raison d’être d’une entreprise consiste en sa capacité à générer des profits tandis que les universités ont pour but d’offrir un enseignement public et critique, deux points de vue qui semblent difficilement conciliables. [scald=2427502:sdl_editor_representation] Pieter Lagrou : « Ce n’est pas un partenariat, c’est juste un contrat locatif » [scald=2427501:sdl_editor_representation] Pour Pieter Lagrou, la société McKinsey ne serait, le cas échéant, qu’un locataire. Ceux qui sont opposés à toute forme de rapprochement avec McKinsey dénoncent un risque pour l’autonomie de l’ULB. Un risque fondé selon vous ? On peut regarder le dossier pour ce qu’il est ou on peut en faire une bataille symbolique contre le grand capital. Dans la communication, je crois aussi qu’il y a eu un malentendu. On a parlé d’un partenariat. Si c’était d’un partenariat dont il était question, je n’en comprendrais pas la raison d’être. De quoi s’agit-il ? L’ULB a un projet très ambitieux de construction d’immeubles. Pour réaliser ce projet, pour le financer, l’administration réfléchit à la meilleure manière de faire, de mettre en œuvre son autonomie. Deux questions sont à séparer. La première : est-ce envisageable pour l’université de financer la construction sur emprunt tout en amortissant celui-ci par une location ? À cette question, personnellement, j’ai envie de répondre par la positive. Cette décision permettrait à l’université d’accroître son patrimoine même si dans un premier temps, elle est obligée de recourir à la location. La seconde question : peut-on négocier un bail avec une société privée qui nous a approchés à ce sujet ? Je pense que oui. Mais il faut bien négocier. Il ne peut être question de brader le loyer ou d’accorder des conditions favorables à l’un ou l’autre. N’est-ce pas là nouer une relation qui risque d’influencer l’université, son fonctionnement ? Peut-on être sûr que McKinsey n’en a pas l’intention ? Je ne vois pas comment il le pourrait. Il ne s’agit pas d’un partenariat, c’est un contrat de location. Si cela avait été Goldman Sachs, j’aurais dit : « On ne loue pas à Goldman Sachs ». Ça, c’est du grand banditisme. Après que ce soit McKinsey ou un autre locataire… Du moment qu’il n’y a rien d’inacceptable dans l’identité ou les activités de ce locataire. Il n’est pas question de voix dans le conseil d’administration ou de voix dans le conseil académique pour McKinsey. Qu’on le défende ou pas, McKinsey, c’est quand même très marqué du sceau de la pensée néolibérale ? Ce n’est pas neutre en tout cas… Dès que c’est une société privée, ce n’est pas neutre. Et si on n’est pas d’accord avec cela, il faut indiquer quelque part que l’ULB ne peut passer aucun contrat avec une société privée. Ce n’est pas le cas. L’ULB a plein de collaborations comme celles-là. C’est ainsi qu’elle a construit le bâtiment Solvay, une partie du campus d’Erasme et surtout le campus de Gosselies. Si on avait un État généreux, on pourrait se permettre d’être totalement dégagé. Mais ce n’est pas le cas et l’ULB est en face de gros défis immobiliers.

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