«Le jour le plus long du numérique»

La 4e révolution industrielle est en marche. Et l’Intercommunale du Brabant wallon (IBW) a, à l’occasion de ses 50 ans, demandé à Pierre Rion, citoyen d’honneur de Perwez et, entre autres, président du Conseil numérique wallon, de coordonner une sensibilisation des 1.200 entreprises installées dans les zonings de la dixième province sur le thème du numérique : « Se transformer ou disparaître ! » Entretien avec cet ingénieur civil, spécialiste des coups de pouce financiers aux jeunes entrepreneurs, conscient de l’enjeu dès son service militaire puisqu’en tant qu’informaticien, il avait participé à l’identification électronique des victimes du Herald of Free Enterprise. Quel est votre message ? Un message d’espoir, même si on ne peut même déjà plus parler d’urgence. Les entreprises sont aujourd’hui comme l’armée allemande dans le film Le jour le plus long. Le brouillard se lève au petit matin et elles découvrent que le numérique va débarquer dans leur existence… Le gouvernement wallon l’a compris en mettant 503 millions d’euros sur la table. Les entreprises sont-elles prêtes face au changement ? La maturité numérique wallonne n’est pour l’instant que de 21 %, toutes sociétés confondues. Heureusement, on passe à 48 % dans les grandes sociétés. Ce taux est calculé sur la base de quatre axes, passant successivement de la digitalisation de l’infrastructure informatique des sociétés, à celle de l’organisation du travail, puis des procédures mises en place dans l’entreprise et, enfin, du service à la clientèle. Un cercle vertueux qui amène chaque axe à alimenter le suivant. Avec des lacunes ? Seule une entreprise sur 7 dispose d’un informaticien dans son personnel. 60 % des entreprises n’ont même pas un site internet et quand elles disposent d’un site, il n’est tenu à jour qu’une seule fois par an dans 45 % des cas. J’ai demandé aux personnes présentes à ce colloque qui connaissaient Mercurius, la plateforme de l’État fédéral permettant les factures électroniques. Quatre seulement en avaient connaissance. Aujourd’hui, pourtant, les factures électroniques se limitent à l’envoi d’un simple e-mail. La population semble déjà plus tournée vers le digital, non ? Je ne pense pas qu’il y ait une fracture numérique. L’argent, on voit bien que les gens en ont pour acheter des PlayStation, plutôt que des iPad. La fracture est plutôt d’ordre intellectuel. Aujourd’hui, si on n’a pas de tels outils, on est comme un analphabète. Tout commence donc à l’école… Sauf qu’il ne faut pas expliquer aux enfants comment on utilise un iPad. Ils le font instinctivement. Par contre, il faut leur expliquer les algorithmes. En mathématiques, il ne faut plus apprendre que trois fois sept font vingt et un, mais additionner sept à trois reprises, en bouclant sous le contrôle d’un compteur. Les enfants doivent apprendre à raisonner comme des ordinateurs. Et cela peut se faire via des “coderdojo”, le mercredi après-midi ou le samedi, comme certains le font pour la musique ou la peinture, en dehors des heures scolaires. Et tout au long du secondaire, il faut des professeurs motivés pour donner aux jeunes le goût des sciences et l’envie de devenir ingénieur. Comprenez-vous la peur de certains ? Le changement fait toujours peur. On est passé de la main à la machine, puis à la vapeur, à l’électricité et au numérique. Il va y avoir une phase transitoire, dans les dix ans à venir, au cours de laquelle il va falloir trouver des solutions pour accompagner les personnes qui, comme dans les banques aujourd’hui, perdent leur emploi et qui ne savent plus valoriser ce qu’ils ont appris sur le terrain. Mais les emplois nouveaux seront là. Je pense à la gestion préventive de machines avec des puces qui vont avertir d’une panne à venir. Je pense au travail de nuit pour favoriser l’e-commerce au cœur de grands centres régionaux. Je pense aux vêtements que l’on va pouvoir customiser. Enfin, l’emploi va augmenter aussi parce que les gens auront du temps libre et que les secteurs du loisir et de la santé vont croître fortement. L’avenir est là. Il faut le prendre avec optimisme.

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