Qu Xing: «En Chine, tout le monde a le droit de s’exprimer»

Ce 25 octobre, cela fera 45 ans que la Belgique et la Chine entretiennent des relations diplomatiques. Au même moment, un accord entre le fournisseur d’électricité en Flandre Eandis et une entreprise chinoise liée à l’Etat, State Grid, a été annulé, ce secteur étant considéré comme trop stratégique. Une ombre au tableau ? Au fil de toutes ces années, nos relations diplomatiques ont considérablement contribué à la compréhension entre nos deux peuples. L’an dernier, le volume de nos échanges a atteint 23,3 milliards, 1.150 fois plus qu’au début de nos relations ! Et les visites de haut niveau sont fréquentes de part et d’autre : votre Premier ministre se rendra en Chine dans quelques jours. L’an dernier, nous avons accueilli une visite royale et en 2014, il y a eu la visite d’Etat en Belgique de notre président Xi Jinping. Concernant l’affaire Eandis, elle a été provoquée par des questions intérieures : suite à une fusion entre réseaux en Flandres, la partie anversoise a souhaité garder le droit de conserver un tarif différencié, alors que Eandis voulait un tarif unique. C’est cela qui l’a empêché de négocier et signer un contrat avec l’entreprise chinoise State Grid. Certains ont parlé d’une lettre de la Sûreté de l’Etat évoquant des aspects sensibles dans cet investissement chinois qui pourrait présenter un danger pour la sécurité de l’Etat. Mais cela ne correspond pas à la vérité. Intervenir dans les affaires intérieures d’autres pays, cela ne fait pas partie de la culture chinoise. Confucius disait : ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse. Le principe fondamental de notre politique extérieure, c’est la non-ingérence. Si vous pensez que les sociétés privées sont moins dangereuses que les entreprises d’Etat, regardez ce que témoignent Snowden et Wikileaks. Les entreprises privées d’un pays autre que la Chine coopèrent étroitement avec leur gouvernement ! A propos de State Grid, certains ont indiqué qu’elle pourrait venir espionner les hautes technologies belges : il suffit d’aller voir en Chine l’ampleur de notre réseau d’électricité couvrant 9.6 million s de kilom ètres carrés et assurant l’usage d’électricité pour une population de 1,4 milliard d’habitants, pour comprendre que nous maîtrisons très bien ces hautes technologies ! Il y a aussi ce grand projet d’un « China Belgium Technology Center » en construction à Louvain-la-Neuve, le premier incubateur chinois en Europe, qui réjouit les autorités du côté wallon. Pourquoi avoir choisi Louvain-la-Neuve ? La Chine compte trente provinces, et presque chacune a ses propres partenaires, notamment en Belgique. Ce centre a été établi à Louvain-la-Neuve avec les investissements chinois de la province du Hubei qui est partenaire de la Wallonie depuis 30 ans. L ’UCL a fait beaucoup d’efforts pour accueillir ce centre, entre autres en fourni ssant un terrain pour installer cet incubateur qui permettra aux PME chinoises d’utiliser de hautes technologies belges, de très bon niveau mais qui ont besoin de débouchés extérieurs. Or nous avons un immense marché. C’est gagnant-gagnant ! Déjà dans l’ancienne Chine impériale, puis à l’époque du président Mao, la Chine a développé la « diplomatie du panda », en offrant des pandas géants à des pays avec lesquels elle voulait entretenir de bonnes relations. Aujourd’hui, de nombreux pays, dont la Belgique, ont reçu des pandas chinois. Ce sont les meilleurs alliés de la Chine en matière de « soft diplomacy » ? Ce qui est rare est précieux, comme le panda, qui ne vit qu’en Chine et est au bord de l’extinction. Cet animal attachant est en effet considéré comme un ambassadeur de l’amitié chinoise. Mais on ne peut en envoyer partout : moin s d’ une vingtaine de pays ont reçu des pandas. Il s’agit, comme en Belgique, de projets de coopération et de recherche scientifique pour promouvoir la protection de cet animal. Concernant les deux pandas « belges », l’Université de Liège étudie le mécanisme de digestion des pandas. Charles Michel sera bientôt en Chine : qu’attendez-vous de cette visite ? Ce sera sa première visite comme Premier ministre. Elle sera fort importante, avec son volet politique - entretien avec notre Premier ministre, rencontre avec notre Président de la République et notre Président de l’Assemblée populaire nationale - et économique, puisque de nombreux accords de coopération économique seront signés. Et c’est durant cette visite que seront célébrés les 45 ans de nos relations diplomatiques. Cette visite avait dû être reportée pour des raisons impératives (les attentats du 22 mars NDLR) : la partie chinoise l’a bien compris et fait beaucoup d’efforts pour trouver un nouveau créneau même si notre agenda est très chargé. Le 6e Plénum du Comité central du Parti communiste chinois a commencé ce lundi à Pékin, mais votre système politique reste mystérieux pour l’Occident, si différent des étalages de la campagne américaine. Que peut-on en attendre ? C’est un plénum important : c’est le dernier du 18e Congrès national du Parti, il y aura de nouvelles élections au sein du Parti en novembre de l’an prochain, lors du 19e Congrès. C’est donc le moment des bilans, celui de préparer le futur. Chez nous, pour être promu, il faut que la personne travaille de façon excellente avant d’avoir la possibilité d’être élue à un niveau supérieur. Avant de devenir notre président, Xi Jinping a successivement présidé d’importantes provinces qui représentent au total un tiers du PNB de la Chine. On ne juge pas les éventuels cadres supérieurs par leurs promesses mais on voit ce qu’ils ont réalisé à leurs postes antérieurs. Ailleurs, la démagogie peut beaucoup jouer dans les élections, mais pas chez nous. On parle de tension entre Xi Jinping et son Premier ministre Li Keqiang… Les observateurs extérieurs ont beaucoup d’imagination. Il n’y a pas une ombre de tension entre eux. Il se peut que pendant les discussions , de premières propositions puissent être différentes pour résoudre tel ou tel problème, mais cela fait partie du travail normal. Xi et Li travaillent en parfaite harmonie avec les autres membres du Bureau Politique du PCC. Dans le monde en général, les relations entre les partis politiques sont basées sur le principe de la somme nulle : si un parti gagne, l’autre perd. L’intérêt de l’opposition réside dans l’échec du parti au pouvoir, car s’il gouverne très bien, l’opposition n’a aucun espoir. En Chine, c’est différent : entre les partis politiques actifs dans la démocratie consultative, il y a une vraie coopération, des consultations. En même temps, il n’est pas facile en Chine aujourd’hui pour des citoyens d’exprimer leur opinion. La répression peut être vive… En Chine, il y a aux différents échelons de l’Assemblée populaire , de très nombreux débats. Pour prendre une décision majeure, le parti communiste doit consulter d’autres partis politiques : Li gue de la démocratie de Chine, Association nationale de la Construction démocratique de Chine, Parti démocratique des ouvriers et paysans, et d’autres . S’ils demandent de faire attention à un aspect, de nouveaux examens ont lieu. Les décisions majeures ne seront pas prises avant qu’un consensus soit obtenu entre tous les partis politiques. Cela se voit peut-être moins par l’extérieur. Depuis toujours, dans la civilisation chinoise, on règle les problèmes entre nous. S’il y a une querelle entre deux frères, elle est réglée en famille. Un jardin chinois est en général entouré de murs clos. On n’a pas l’habitude de montrer aux autres nos débats intérieurs. Mais tout le monde a le droit de s’exprimer et s’exprime. La liberté d’expression est garantie par la Constitution. Bien sûr, comme dans tous les pays, la liberté d’expression s’exerce dans le respect de la loi. La liberté de l’un s’arrête là où celle des autres commence. Cela n’a rien à voir avec la « répression ». A Taïwan, Madame Tsai Ing-wen a réitéré son souhait de voir les deux rives du détroit s’asseoir au plus vite à la table des négociations, les relations ayant été bloquées par Pékin après son élection. Qu’est-ce qui coince ? Ce n’est pas la partie continentale qui coince. C’est plutôt Mme Tsai Ing-wen qui a mis des b â ton s dans les roues des échanges entre les deux rives du détroit : contrairement à son prédécesseur, elle n’a pas accepté de façon claire le consensus de 1992 selon lequel les deux rives du détroit de Taïwan font partie d’une même Chine. Tout échange entre les deux rives est basé sur ce consensus, qui a permis à nos échanges de continuer et de s’approfondir . Elle n’a pas contribué à diviser la Chine en déclar ant l’indépendance de Taïwan, ce qui a permis d’éviter des problèmes plus graves, mais tant qu’elle refuse de reconnaître le consensus de 1992 , les échanges entre les deux rives perdent tout fondement juridique , c’est impossible. Si elle le faisait, on pourrait discuter des modalités de la réunification du pays , voir quelle serait la place pour chacun dans le cadre d’une seule Chine… Mais à Taïwan, ce qui se passe à Hong Kong est suivi de très près. Et les relations avec Pékin ne sont pas toujours simples : des parlementaires très opposés à Pékin viennent d’ailleurs d’être élus au parlement de Hong Kong… Nous avons le principe d’ « U n pays, D eux systèmes » . D’une façon générale, ça se déroule très bien. Le retour de Hong Kong à la patrie s’est passé de façon pacifique, négociée entre la Chine et l’Angleterre. I l n’y a pas eu de conflit comme entre l’Angleterre et l’Argentine à la même période ! Hong Kong conserve un statut d’autonomie garanti par la Loi fondamentale. Au Conseil législati f rég ional, des jeunes, très minoritaires, ont parlé contre cette Loi mais ils ont été critiqués par l’opinion publique de Hong Kong. Car c’est cette Loi qui permet de maintenir la stabilité politique et le dynamisme économique de Hong Kong. Dans le monde d’aujourd’hui il y a encore de nombreux conflits qui trouvent leur origine dans la colonisation passée. La Chine ne laissera aucune chance à ce genre de conflits, et ne laissera pas le chaos s’installer dans la R égion administrative spéciale de Hong Kong. Rassurez-vous, une civilisation plusieurs fois millénaire a fourni suffisamment d’intelligence à la Chine pour qu’elle puisse résoudre les problèmes laissés par l’Histoire.

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