Philippines: Rodrigo Duterte, insaisissable président

Vous aimez entendre Trump insulter son monde ? Vous risquez d’adorer Rodrigo Duterte… Au pouvoir depuis le 30 juin dernier, le nouveau président philippin dézingue tout ce qui bouge. Barack Obama ? « Un fils de pute ». Quant aux nombreux drogués philippins, il veut en liquider « autant qu’Hitler a tué de juifs ». Dès son installation dans le palais présidentiel, il avait donné carte blanche aux tueurs : « Si vous connaissez des toxicos, allez-y, tuez-les vous-mêmes ». Il « soutient à 100 % » les officiers de police qui feront le ménage, assurant qu’il bloquera toute procédure judiciaire contre eux. Une croisade qui a déjà fait plus de 3.700 morts, essentiellement de simples consommateurs de drogue, abattus comme des chiens. Et lorsque l’Union européenne s’est inquiétée de cette explosion de violence, le président a répondu par un élégant « fuck you ! » Si les Philippins semblent toujours lui accorder leur confiance, ses partenaires diplomatiques occidentaux sont, eux, atterrés. Et les responsables du département d’Etat américain en perdent leur latin. La semaine dernière, en visite en Chine, Rodrigo Duterte avait annoncé qu’il voulait une « séparation » avec Washington. Or, les Etats-Unis et les Philippines sont liés par un traité signé en 1951, et ont notamment noué une solide alliance militaire stratégique pour Washington. Chaque année, l’armée américaine mène 28 exercices avec les forces philippines, et une centaine de militaires américains surveillent par drones le sud des Philippines où sévissent des extrémistes islamistes. Les Philippines ne sont pas « un paillasson » Début octobre, promettant à son pays de lui rendre son « indépendance », Duterte avait déjà lancé, à destination de ses alliés : « Aussi longtemps que je serai là, vous ne nous traiterez pas comme un paillasson, parce que vous le regretterez. Je ne parlerai pas avec vous. Je peux toujours me tourner vers la Chine ! » Ce qu’il a donc fait. Alors que les dirigeants chinois détestent l’imprévu dans leurs visites officielles millimétrées, Duterte a indiqué, devant un parterre d’hommes d’affaires chinois : « Fini les conneries, les USA ne doivent pas contrôler nos vies ». Le prédécesseur de M. Duterte, Benigno Aquino s’était opposé frontalement à Pékin qui occupe militairement des îlots revendiqués par les Philippines. Le tribunal d’arbitrage de La Haye avait d’ailleurs en juillet donné raison aux Philippines, estimant que les travaux d’aménagements réalisés par Pékin étaient contraires au droit international. Mais Duterte semble ignorer cette décision. Pour encourager ce nouvel ami, la Chine a autorisé l’importation de bananes philippines, précédemment bloquée, et promis de gros investissements. Juste après, Duterte semblait avoir fait marche arrière. Il jurait qu’il ne romprait pas l’alliance avec les Etats-Unis « dans l’intérêt de mon pays ». Avant de les insulter quelques jours plus tard, alors le département d’Etat, qui n’a officiellement été informé de rien, demandait des explications sur la ligne suivie par les Philippines. Le feuilleton n’est pas fini.

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