Les réfugiés révèlent un nouveau clivage au gouvernement

Etre comparé à Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, n’est pas le plus joli compliment qui soit actuellement. Pourtant, c’est cette comparaison qu’un CD&V a osé à propos d’un collègue de majorité N-VA. Dans De Morgen, mercredi, l’eurodéputé Ivo Belet déclarait en effet : « Je vois peu de différence entre la tactique d’Orban et celle de De Wever. Ils essaient tous deux durement de garder de bons rapports avec leurs électeurs d’extrême droite. » Les propos récents de nationalistes flamands concernant les réfugiés ne plaisent pas aux démocrates chrétiens. Le statut social spécial pour ces réfugiés imaginé par Bart De Wever ; le soutien en la matière apporté par la députée Sarah Smeyers selon laquelle « soit on construit un mur autour de la sécurité sociale, soit on construit un mur autour du pays » ; ou encore l’idée de Liesbeth Homans de refuser un logement à ceux qui en ont un dans leur pays : tout cela heurte les convictions CD&V. Alors le week-end dernier, dans Het Nieuwsblad, le président du parti Wouter Beke a taclé son partenaire : « On ne peut pas d’une part demander aux bourgmestres de prévoir des places d’accueil supplémentaires et, d’autre part, polariser et empoisonner l’opinion publique, en tant que parti », a-t-il lancé. Evoquant aussi l’idée N-VA de renvoyer vers la Turquie les bateaux venant de ce pays. « De cette manière, on dit en fait : ces gens ne devraient pas être ici. Avec un tel double signal, les communes ne se sentent pas soutenues pour créer des places d’accueil. » Ce n’est pas la première fois, tant s’en faut, que le CD&V et la N-VA se fritent dans la majorité. Le tax shift et le volet social des réformes économiques ont déjà donné lieu à bien des affrontements entre eux. Désormais, c’est le dossier de l’asile qui révèle au grand jour les dissensions, donc une certaine fragilité gouvernementale. Pourquoi les laisser transparaître aussi clairement ? Pour des raisons de forme et de fond. Le CD&V passe à l’offensive contre la N-VA. « Le CD&V a décidé d’être plus polémique à l’égard de la N-VA, nous confie un démocrate chrétien. D’être plus assertif, de souligner leurs paradoxes. On surveille donc tout ce qu’ils disent. Dans le dossier des réfugiés, Bart De Wever est gêné aux entournures car Theo Francken doit ouvrir les portes. Les propositions de De Wever sont contraires aux traités internationaux et européens et procèdent d’une attitude d’extrême droite qui flatte les bas instincts de la population. » Autrement dit : contrairement à ce que l’on pourrait croire, la sortie d’Ivo Belet contre un partenaire de gouvernement n’embête pas son parti, car il est dans la ligne du parti. D’autant, ajoute notre CD&V, qu’« Ivo Belet le fait assez habilement, en essayant de distancer Bart De Wever de ses ministres. En fait, De Wever ne peut pas vraiment répliquer : s’il approuve Orban, on dira qu’il est d’extrême droite ; s’il le désapprouve, il aura des ennuis avec son électorat ». Le président de la N-VA n’est d’ailleurs pas entré dans la polémique : « Je ne siège pas avec Orban dans un groupe parlementaire, s’est-il contenté de répliquer. Monsieur Belet bien » (le parti de Viktor Orban et le CD&V appartenant tous deux au PPE). Se distancer de l’approche N-VA, « c’est bien la position officielle, comme l’a montré l’interview de Wouter Beke », confirme un autre CD&V. « D’autant que les propos nationalistes alimentent des sentiments pas constructifs voire de l’hostilité à l’égard des réfugiés dans la population. » On touche là à l’autre aspect : le clivage idéologique. Le CD&V voudrait que le Premier ministre se montre plus ferme à l’égard de la N-VA. « Tout cela touche à l’essentiel de notre idéologie, de notre conviction humaine, poursuit cet autre CD&V. Nous voulons rester nous-mêmes et convaincre les gens sur la base de nos valeurs, pas en répondant aux provocations. » Le CD&V ressentirait-il un nouveau malaise au sein du gouvernement (après celui sur le tax shift) ? « Ce sera au Premier ministre à gérer ça », nous répond-on. Revoilà un discours déjà entendu cet été dans les rangs CD&V, lorsque Kris Peeters a évoqué une crise de confiance au kern : « Wouter Beke s’est exprimé clairement ; le MR s’est distancé des propos N-VA. Mais dans quelle mesure cela se reflète-t-il dans le positionnement du Premier ministre ? On observe qu’il ne réagit guère. » Charles Michel devrait-il davantage intervenir afin que cessent certains dérapages nationalistes ? « C’est à lui de décider s’il laisse faire. Mais cela pourrait devenir irréconciliable. » Car ces déclarations N-VA évoquées ci-dessus entrent en contradiction frontale avec les positions CD&V. Comme MR d’ailleurs… Un autre démocrate chrétien encore le dit ainsi : « C’est normal d’en référer au Premier ministre, qui doit jouer son rôle. Ce qui ne veut pas dire qu’il doit toujours répondre aux demandes d’un partenaire d’attaquer un autre partenaire. Mais en interne, beaucoup sont d’accord avec Ivo Belet. Nous sommes pour une approche humaine des réfugiés. Le CD&V essaie de jouer la conscience du gouvernement, le côté social, face à trois partis plus à droite. » Ce qui, on le sait, énerve passablement ses partenaires…

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