Adélaïde de Clermont-Tonnerre emporte le grand prix

La dernière sélection du Grand Prix du roman de l’Académie française comptait deux hommes et une femme, deux ouvrages publiés chez Gallimard et un chez Grasset. C’est dès le premier tour que la romancière éditée par Grasset, Adélaïde de Clermont-Tonnerre, a été choisie pour Le dernier des nôtres , avec 11 voix contre 5 à Benoît Duteurtre ( Livre pour adultes , Gallimard) et 3 à Sylvain Prudhomme ( Légende , L’Arbalète/Gallimard). Roman éminemment romanesque, Le dernier des nôtres est du genre à nous accrocher de la première à la dernière page, avec ce qu’il faut de points de repère historiques pour ne pas nous égarer et de rebondissements pour nous tenir en haleine. Il y est notamment question, comme le dit le sous-titre, d’ Une histoire d’amour interdite, à l’époque où tout était permis . Cette époque-là est située en 1969, à Manhattan pour le lieu, quand Werner, qui doit, mais il l’ignore, son prénom à Werner von Braun, aperçoit, dans un restaurant, une femme dont il tombe immédiatement amoureux. Assez pour avoir envie de casser la gueule à l’homme qui accompagne l’inconnue. Cette histoire d’amour promet d’être complexe. On ne sera pas déçu, d’autant moins que les origines de Werner, né en février 1945 aux pires moments des bombardements alliés sur Dresde, sont assez confuses. Confusion entretenue par une romancière qui se joue avec brio des identités et des substitutions de noms. Il y avait, dans cette guerre, deux frères allemands, aux caractères presque opposés malgré une ressemblance physique qui aurait pu faire passer l’un pour l’autre. Qui a permis de faire passer l’un pour l’autre. Mais lequel est mort, lequel a survécu ? Qui est celui qui a œuvré dans les camps d’extermination, qui est celui qui a travaillé avec von Braun à la conception des fusées V2 ? Et lequel a émigré aux Etats-Unis ? L’énigme n’est pas seulement complexe, elle est aussi pourrie. Dès le moment où il y a doute, le jeune Werner, qui a beau être amoureux, se prépare un face-à-face avec un passé incertain. Et dont un pan pourrait le conduire à une culpabilité rétrospective, tant les crimes des pères retombent toujours, qu’ils le veuillent ou non, sur les fils. Tandis que l’autre pan est beaucoup plus honorable. L’enquête est conduite avec finesse et avec suffisamment de pistes en forme d’impasses pour que Le dernier des nôtres – un titre qui s’explique à l’origine du récit, mais qui ne sera pas expliqué immédiatement – devienne ce « page turner » applaudi déjà par la presse et les lecteurs – en particulier ceux, en Belgique, des librairies Filigranes qui lui avaient donné leur prix dès le début de la rentrée littéraire. Certains feront peut-être la fine bouche. Ceux qui prétendent qu’un livre « facile » à lire ne peut être en même temps un ouvrage de qualité. Mais que vaut un a priori de ce genre face au plaisir que l’on a pris à découvrir le deuxième roman d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre, auteure déjà de Fourrure (Stock, 2010), Prix des Maisons de la Presse ? [scald=2438061:sdl_editor_representation] Le dernier des nôtres, Adélïde De Clermont-Tonnerre ; Grasset, 496 p., 22 €, ebook, 15,99 €

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