Johnny Bosman: «Une génération dorée a des résultats»

Johnny Bosman sera un spectateur plus qu’avisé… et curieux de voir les Diables à l’œuvre face aux « Oranje » mercredi dans l’ArenA d’Amsterdam. Paradoxalement, vous n’avez pas joué beaucoup de derbies dans votre carrière. En fait, un seul, un nul 0-0 en match amical en septembre 87… J’ai joué ce match-là ? J’avoue que je ne m’en souviens pas… Cela s’est joué à Rotterdam ? Pourtant, je n’ai pas oublié la plupart des matchs auxquels j’ai participé… Je suis arrivé en équipe nationale après les test-matchs pour le Mundial 86. J’ai disputé mon premier match contre l’Écosse quelques mois plus tard. Le derby suivant est resté dans les mémoires : en terrain neutre à Orlando lors de la World Cup 94. J’étais alors à Anderlecht, c’était sympa de recroiser des équipiers comme Luc Nilis, Marc Degryse, Philippe Albert, Filip de Wilde, Bruno Versavel, Michel de Wolf… Je garde le souvenir d’une belle rencontre gagnée 1-0 par la Belgique. Et un énorme match de Michel Preud’homme, le meilleur gardien que j’ai rencontré. c’était étrange de jouer un derby là-bas, il faisait chaud avec près de 40 degrés… Il s’agissait d’un match de poule, perdre n’était pas encore dramatique. Finalement, tout le monde s’est qualifié… et nous sommes allés plus loin que la Belgique. Vous ne vous attendiez pas à être présent ce jour-là. J’avais manqué le Mondial 90, la plus grosse déception de ma carrière à l’époque. En 94, je n’étais pas repris au départ puis Gullit a quitté le noyau avant le tournoi. Van Basten s’est aussi entraîné… mais je suis revenu. C’est un peu le symbole de ma carrière (rires). J’étais en vacances quand j’ai appris que j’allais être rappelé. J’ai fait mes bagages pour les USA. Mes meilleurs moments là-bas ? Je me suis échauffé 30 minutes. Taument est entré et a marqué de la tête contre l’Arabie saoudite. J’ai compris alors que je n’allais pas jouer beaucoup… Quels derbies vous ont marqué ? Le match de 73 avec le but annulé de Jan Verheyen. Il n’y avait pas de hors-jeu. Les Pays-Bas sont allés en Allemagne, je pense que les Belges sont encore fâchés (rires). Et bien sûr ce match avec le coup de boule de Georges Grün dans les dernières minutes. Michel Valke laisse filer Eric Gerets qui adresse un centre parfait… Aux Pays-Bas, tout le monde en était malade. Et bien sûr ce match aux USA en 94. Ce sont toujours des matchs avec beaucoup d’engagement. En fait, je le ressentais toutes les semaines en championnat de Belgique. Les défenseurs voulaient absolument se payer le scalp de l’attaquant hollandais avec sa grande gueule, moi en l’occurrence (rires). Que vous inspire le match de mercredi soir à Amsterdam ? Autrefois, la Belgique était souvent le petit Poucet tandis que les Pays-Bas disputaient les grands tournois. Maintenant, c’est un peu l’inverse. Avec sa bonne génération, la Belgique a de l’or en mains. Cela va être intéressant, la Belgique est l’égale des Pays-Bas, voire même plus forte. Elle a plus de meilleurs joueurs à disposition. Un match amical à Amsterdam, cela passionne-t-il encore les supporters ? C’est un match amical. Les Pays-Bas doivent encore jouer un match de qualification. C’est plus une question de prestige. Les coaches vont essayer des trucs, gagner n’est pas le plus important mais c’est un test pour voir où se situe les Pays-Bas face à une Belgique qui a autant de qualités… Maintenant, les Belges jouent dans les plus grands clubs. La Belgique aime son rôle d’outsider mais je suis curieuse de la voir avec un statut de favori. La Belgique a-t-elle repris le rôle des Pays-Bas ? On était en finale du Mondial en 2010. Oui les rôles sont un peu inversés mais la Belgique n’a pas encore obtenu les mêmes résultats que la sélection Oranje. Il y a quelques mois, Boskamp nous cassait les oreilles en disant que la Belgique serait en finale de l’Euro mais c’était encore contre qui l’élimination en quart de finale ? Le Pays de Galles. Oui, la Belgique m’a un peu déçu. Avec autant de bons joueurs, le moment était venu de frapper un grand coup. L’enthousiasme est-il toujours aussi important pour l’équipe nationale néerlandaise ? Oui, les joueurs veulent toujours porter ce maillot… C’est toujours considéré comme l’objectif maximal. L’ambiance est bonne. Il y a simplement toutes ces histoires avec les adjoints de Blind. Le calme est revenu. Pourquoi tous ces problèmes depuis le Brésil ? En 2014, cette génération était arrivée à son top. La Fédération n’a pas bien fait son travail ensuite. De leur côté, les supporters restent positifs. L’ambiance était bonne contre la France, ils veulent aider leur équipe nationale. Ils savent la douleur de ne pas être à l’Euro, ils ne veulent pas revivre cela. Il y a eu quelques bons matchs contre la Biélorussie, la Suède. En cas de nouvelle non-qualification, les critiques commenceraient à pleuvoir. Les problèmes ont commencé avec Hiddink, Blind a pris le relais, ce n’est pas facile pour lui… Quels Diables actuels auraient leur place dans une bonne équipe des Pays-Bas comme celle que vous avez connue ? Forcément Courtois est très bon. Je pense aussi à Eden Hazard, Kevin de Bruyne. Je trouve que Romelu Lukaku est aussi un attaquant de qualité quand il est au top de sa forme. Voilà le type de numéro 9 qui nous manque à l’heure actuelle… On aurait besoin de plusieurs Diables dans l’équipe actuelle des Pays-Bas. Mais une vraie génération dorée doit prester, montrer ce qu’elle vaut comme Oranje l’a fait avec des demi-finales ou plus. En quelque sorte, les Pays-Bas ont aussi contribué au bon niveau de l’équipe nationale belge. Chadli, Vertonghen, Vermaelen, Alderweireld ont joué aux Pays-Bas et ils ont tous forcé un transfert dans un grand club. Aux Pays-Bas, on dit aussi que Dick Advocaat a joué un rôle dans l’essor des Diables rouges… Euh, il est resté combien de temps à la tête de votre équipe nationale ? Quelques mois. Cela me semble quand même un peu court. Peut-être a-t-il contribué à changer certaines mentalités, ça oui. Je le connais bien parce qu’il a été mon sélectionneur national lors du Mondial 94. Il exige toujours le maximum de ses joueurs, il communique son fanatisme, son envie de gagner. C’est un véritable passionné du ballon rond. Avez-vous une explication sur le manque actuel de grands attaquants dans la sélection néerlandaise ? Pour l’instant, l’attaquant numéro 1 est Vincent Janssen, qui évolue à Tottenham. Il n’est pas encore un grand nom du football européen. Derrière, on retrouve Bas Dost (Sporting Portugal) et Luuk de Jong (PSV), qui a été meilleur buteur des Pays-Bas. C’est vrai qu’on ne peut pas parler d’attaquant de grande classe. Une explication en soi, je n’en ai pas. Aux Pays-Bas, on continue à jouer offensivement mais on a plus ce plus ce numéro 9. Attention, tout le monde est très satisfait de Janssen en équipe nationale, j’espère qu’il va accumuler le temps de jeu à Tottenham. Avez-vous le sentiment que le football néerlandais traverse un passage à vide comme à la fin des années 70 après la génération Cruijff ? Cela pratiquement duré dix ans entre la 2e place en Argentine et le titre européen en 88. J’espère que nous ne sommes pas en train de revivre ça. Depuis 88, hormis l’accident en 2002, nous sommes habitués à être présents à chaque grand tournoi. Pour l’instant, cette équipe se cherche. De nouveaux joueurs, une nouvelle organisation : cela demande du temps pour reconstruire… et trouver des nouveaux joueurs. Les temps sont durs pour Danny Blind et le groupe qualificatif n’est pas aussi facile que celui des Belges (rires). Cela fait beaucoup. Formateur des attaquants de l’Ajax « Je leur apprends le jeu de tête » Depuis 2010, John Bosman est de retour au centre de formation de l’Ajax Amsterdam. « Je suis entraîneur spécifique pour les attaquants : “skill trainer”. Je travaille les aptitudes au poste d’avant-centre : la frappe, la qualité de passe, le jeu de tête bien sûr, puisque c’était ma spécialité comme joueur (je le travaille énormément avec les jeunes de 16 à 18 ans, soit les Juniors A et B). J’accompagne les joueurs dans leur dernière étape juste avant qu’ils ne franchissent le pas, soit pour le noyau A de l’Ajax ou pour Jong Ajax (l’équipe espoirs qui évolue en D2 néerlandaise, NDLR). Chaque équipe a son coach désigné et moi je suis un adjoint lors des rencontres. On répète les gammes lors des entraînements du lundi, mardi et jeudi matin. Les entraînements collectifs sont prévus l’après-midi, ce qui représente sept à huit séances par semaine en plus des matchs. Et entre les entraînements, ils vont à l’école. Ils mangent trois fois par jour à la cantine. Oui, ils vivent déjà la vie d’un professionnel. » Ce rôle, il l’occupait déjà auparavant à AZ Alkmaar. « J’y ai arrêté ma carrière en 2002. J’ai été entraîneur des attaquants là-bas pendant dix ans avant d’être approché par l’Ajax qui souhaitait attirer plusieurs anciens joueurs. Il s’agissait à l’époque de la nouvelle politique initiée par Johan Cruijff et appliquée par Wim Jonk. Mon job est plaisant, je suis sur le terrain tous les jours. Je peux effectuer des centres, leur montrer certains exercices parce que je suis encore en bonne forme. A 51 ans, je suis toujours capable de reprendre un ballon de la tête. Je donne des petits conseils, je regarde des images en compagnie des jeunes pour leur montrer comment s’améliorer. L’éclosion d’un attaquant ne repose pas sur mes épaules : un joueur perce par lui-même, tu peux lui apprendre des trucs mais la volonté de devenir meilleur, il doit la trouver en lui. » Buteur aux Pays-Bas et en Belgique « Je suis devenu meilleur en Belgique » Cela paraît impensable maintenant. John Bosman est arrivé en Belgique avec l’étiquette de champion d’Europe et doit une partie de son palmarès à notre pays. « Avec le recul, je suis satisfait de ma carrière. J’étais un bon attaquant mais pas le super top. Je manquais un peu de vitesse, mais je mettais mes goals, notamment de la tête. Je suis devenu un meilleur footballeur en Belgique. A l’Ajax, j’étais un attaquant qui devait attendre les centres de gauche et de droite dans les 16 mètres et marquer de la tête. C’est ce que me demandait Johan Cruijff… En Belgique, j’ai plus participé au jeu. J’évoluais en numéro 10 derrière les attaquants. Suis-je plus apprécié en Belgique ? On me reconnaît plus facilement chez vous. J’ai été quatre fois champion de Belgique. Quand je suis revenu à Twente après autant d’années d’absence, je devais à nouveau prouver ma valeur auprès du public. » Malines et Anderlecht ont été deux expériences différentes. « Malines était un plus petit club, même s’il avait remporté la Coupe d’Europe. John Cordier et Aad de Mos ont réalisé un boulot fantastique. Avec Malines, j’ai choisi un club avec un coach néerlandais et des joueurs néerlandais. J’y ai vécu deux belles années avec le titre, la seconde a été moins bonne quand Ruud Krol y est devenu entraîneur. La Belgique continuait à m’attirer et j’ai quitté le PSV pour aller à Anderlecht. Quand j’étais encore à l’Ajax, je pouvais déjà rejoindre le Sporting mais j’ai choisi de rester deux ans de plus à l’Ajax. Je n’étais pas encore prêt pour franchir le pas. J’avais Anderlecht dans un coin de ma tête. Un grand club de standing. Je me rappelle ma première visite du stade : ce tapis avec les lettres RSCA, c’était impressionnant. »

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