Frank-Walter Steinmeier: l’anti-Trump

On pourrait interpréter la désignation de Frank-Walter Steinmeier à la présidence de la République fédérale d’Allemagne comme la première réponse des Européens après le vote populiste américain. Le ministre social-démocrate des Affaires étrangères est l’anti-Trump par excellence. Consensuel, populaire et épargné par les scandales, Frank-Walter Steinmeier est un Européen soucieux de préserver le « vivre ensemble » dans son pays et dans le monde. Il est notamment un fervent défenseur du dialogue avec le président russe, Vladimir Poutine. Pour lui, ce n’est pas « son pays d’abord » comme l’affirme Donald Trump qu’il définit au passage comme un « prédicateur de haine ». La priorité de Frank-Walter Steinmeier, c’est la paix. Le chef de la diplomatie allemande en a fait un véritable credo. Grand rendez-vous électoral Depuis plus de trois ans, il ne quitte plus les avions gouvernementaux ou militaires, en gilet pare-balles ou costume trois-pièces. Partout où les hommes se font la guerre, Frank-Walter Steinmeier se propose en médiateur pour tenter de ramener la paix. Ce juriste de 60 ans était le candidat idéal pour remplacer Joachim Gauck à la présidence de la République. L’ancien pasteur est-allemand n’avait pas souhaité renouveler son mandat – malgré sa grande popularité – pour des questions d’âge. Il fallait lui trouver un remplaçant rapidement. L’élection du président, élu par l’Assemblée fédérale, est un grand rendez-vous électoral en Allemagne. La fonction est honorifique mais le président pèse lourd dans les débats. Depuis le fameux discours de Richard von Weizsäcker en 1985 sur le devoir de mémoire, le chef de l’Etat, garant des institutions, joue aussi le rôle de « gardien de la conscience nationale ». Les conservateurs de l’Union chrétienne (CDU/CSU) n’ayant aucun candidat faisant le poids, ils ont préféré opter pour celui de la gauche social-démocrate plutôt que de perdre l’élection de février. Une défaite n’aurait pas été de bon augure six mois avant les législatives. « Angela Merkel a évité la prise de risque », se félicite Ralf Stegner, vice-président du Parti social-démocrate (SPD). Membre du Parti social-démocrate (SPD) depuis l’âge de 19 ans, Frank-Walter Steinmeier ne se destinait à une telle carrière. Serviteur taciturne de l’Etat, il se serait glissé plus volontier dans les habits d’un haut fonctionnaire de l’ONU plutôt que dans ceux d’un chef d’Etat. « Mon intention n’a jamais été d’être un homme politique », avoue-t-il. Un homme de coulisses Steinmeier est un homme de coulisses, pas un tribun. Il a été longtemps la tête pensante de l’ancien chancelier social-démocrate, Gerhard Schröder, à Hanovre puis à Berlin. Juriste de formation, il a gravi les échelons dans l’ombre de son mentor. Il est l’architecte des réformes sociales du SPD, celles qui ont fait tomber Gerhard Schröder et durablement divisé la gauche. Frank-Walter Steinmeier a été choisi ensuite par défaut par son parti pour combler les vides créés par les crises successives de la gauche, celles qui ont fait tomber, l’une après l’autre, les prétendants à la chancellerie. En 2009, il a été envoyé lui-même au casse-pipe. Sans expérience de campagne, il avait essuyé une défaite historique face à Merkel. Mais la chancelière a toujours apprécié son loyalisme en politique mais aussi dans sa vie privée. En 2010, il s’était retiré brièvement pour offrir un rein à sa femme gravement malade. Pas étonnant qu’il soit en tête des sondages d’opinion depuis plusieurs mois.

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