Kristen Dehlholm: «Mon travail est de créer de l’espace pour la musique»
Elle développe dans cette « Troïka » son sens de la captation des espaces et aide les interprètes à montrer ce qu’ils ont en eux.

Dans le monde de la scène européenne, Kirsten Dehlholm est un cas à part. Issue du monde des arts plastiques, cette artiste danoise a travaillé dans le monde du happening et, à partir de là, a développé une approche de l’aventure scénique basée sur une recherche instantanée de la réalité scénique en fonction du vécu de ses protagonistes qu’elle associe en même temps à une série de propositions esthétiques (scénographie, lumières). Elle a rassemblé autour d’elle dans Hotel Pro Froma une série de fidèles auxquels viennent s’ajouter au fil des besoins d’un spectacle d’autres artistes-artisans. Une démarche d’une rare originalité où le résultat final demeure quelque chose de tout à fait inimaginable au début du travail. Rarement, la notion de « work in progress » aura été autant d’actualité.
A la Monnaie, le problème se complique par la juxtaposition des trois courts opéras achevés par Rachmaninov : Aleko (une histoire d’amour sauvage en milieu tzigane), Le chevalier ladre, (un récit sur les méfaits de l’avarice) et Francesca da Rimini (l’évocation d’une descente aux enfers de Dante guidé par Virgile qui retrouvent Francesca et Paolo errant sans espoir).
L’architecture d’un lieu est-elle toujours le point de départ de vos spectacles ?
Il est essentiel : c’est lui qui va nous inspirer. A Bruxelles, comme la Monnaie était en travaux, on avait imaginé de travailler dans un cinéma délabré, le Marivaux. Le projet m’excitait terriblement. Par la suite, nous avons dû, pour des raisons de sécurité, nous replier sur le Théâtre National qui est un endroit merveilleux. Mais j’ai conservé l’idée d’un grand escalier qui monopolise la scène et où se déroule l’action, avec l’orchestre placé au premier plan au bas de l’escalier. Pour
On dit que certains costumes sont très beaux.
Ils sont magnifiques et sont dus à Manon Kündig, une jeune diplômée (2012) d’origine suisse de la « Fashion Academy » d’Anvers. Aussi, pour mieux faire saisir au public la qualité du travail de l’atelier de couture, j’ai demandé aux protagonistes de circuler en costumes dans le foyer durant les entractes. Je veux ainsi créer un contact direct entre les spectateurs et le spectacle.
Comment êtes-vous rentrée dans la musique de Rachmaninov ?
C’est un monde très romantique gorgé de passion. Il faut l’exprimer à travers tous les éléments : l’orchestre, le chant, les lumières, les couleurs des costumes. Il est important d’être impliqué dans les récits mais il faut éviter le piège du naturalisme. En fait, la vraie expressivité n’est possible que si elle provient de l’intérieur même des chanteurs. C’est dans leurs tripes et leur cerveau qu’ils vont trouver les ressorts de ce qu’ils vont nous offrir. Et mon rôle est de les aider dans ce processus d’enfantement de leurs personnages. Pour des chanteurs, c’est un processus délicat mais les pouvoirs d’évocation de la langue russe m’aident beaucoup car elle chante naturellement ce qu’ils ressentent. L’investissement de chacun est total : chaque geste doit être juste et en même temps être de la musique. Il faut qu’ils aient le sentiment que la musique traverse leur corps. En fait mon travail est de créer de l’espace pour la musique.
« Troïka » est donné au Théâtre National du 16 au 30 juin. Réservation : 02 229 12 11 ou www.lamonnaie.be
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