Le discours des cent jours

Premier surpris de sa large victoire le 8 novembre face à Hillary Clinton, le futur 45e président des Etats-Unis se retrouve sans programme économique applicable au 20 janvier 2017, lorsqu’il entrera à la Maison Blanche. Engagements forts Prenant acte de sa faible marge de manœuvre, le milliardaire a annoncé lundi lors d’une brève allocution les six mesures qu’il allait ordonner par décret présidentiel (simple signature) afin de « placer l’Amérique en premier (America First) ». En premier lieu, il prépare l’abandon du Traité de libre-échange transpacifique (TPP), signé en 2015 avec 12 pays d’Asie, qui restait à ratifier, et qui pourrait être remplacé par des traités bilatéraux qui « ramèneront les emplois sur le sol américain ». Deuxièmement, l’examen minutieux des programmes d’attribution de visas de travail permettra d’enquêter sur d’éventuels « abus » qui discrimineraient le « travailleur américain ». Troisièmement, les « restrictions tueuses d’emplois dans la production » d’énergie (gaz, pétrole, charbon) seront supprimées, « créant ainsi plusieurs millions d’emplois bien payés ». La promesse est irréaliste, compte tenu du prix très faible du baril et de la quasi-disparition de l’industrie du charbon, qui n’emploie plus que 56.000 mineurs. Quatrièmement, les responsables de la sécurité nationale devront élaborer sans délai un « plan complet destiné à protéger les infrastructures vitales de l’Amérique des cyber-attaques, et de toutes les autres formes d’attaques ». Cinquièmement, Trump veut interdire à tout membre du pouvoir exécutif une reconversion dans le privé, en particulier le monde du lobbying, durant les cinq années suivant son départ de l’administration. Enfin, le futur chef de l’État s’engage contre l’excès de bureaucratie, en promettant de « supprimer deux réglementations pour toute nouvelle réglementation adoptée ». Omissions commodes En parant au plus pressé, et au plus aisé, Donald Trump relègue aux calendes grecques les promesses qui nécessiteront un peu plus d’efforts et de tractations en coulisses : celles qui doivent passer sous les fourches caudines d’un Congrès républicain obsédé par l’avènement d’un « small government », la limitation des dépenses publiques et l’allégement du poids de la dette nationale. La présence d’une solide minorité démocrate de 48 sièges au Sénat pourrait également compliquer la tâche du président. Ont ainsi été omis du discours de lundi le « mur » de 15 mètres de haut le long de 1.600 km de frontière avec le Mexique, l’expulsion de onze à douze millions d’immigrés clandestins, la création pour ce faire d’une « force de déportation », le rejet de l’ambitieuse réforme de l’assurance-maladie dite Obamacare dont il se dit prêt à « conserver des pans » pour ne pas précariser 20 millions de foyers les plus paupérisés et tout récemment couverts par ce « filet » de sécurité sociale, l’interdiction de territoire pour toute personne de confession musulmane – une mesure hautement controversée, violant théoriquement le principe constitutionnel fondamental de « liberté religieuse » et prestement effacée de son site internet (www.greatagain.gov). Rangé temporairement, le projet de loi sur les infrastructures, à hauteur de 550 milliards de dollars, censé relancer la croissance, réminiscent des « Grands travaux » de Franklin Roosevelt durant les années trente et salué, fait rarissime, par la Banque mondiale, le FMI, ainsi que le camp démocrate. Or, le stratège en chef de Trump, Steve Bannon, qui se qualifie lui-même de « nationaliste économique », prédit un scénario qui pourrait amener la Maison Blanche et le Congrès à croiser le fer. « Les conservateurs vont devenir fous, avertit Bannon, provocateur. Je suis celui qui pousse au plan de grands travaux de milliers de milliards de dollars. Avec des taux d’intérêt négatifs dans le monde, c’est la meilleure occasion de tout reconstruire ».

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