Les Wallons poussés à plus de patriotisme économique

Les Wallons, qu’il s’agisse des ménages ou des entreprises, ont un vilain défaut : ils ne consomment pas « régional ». Pas assez en tout cas. Et beaucoup moins que leurs voisins de Flandre : comme le montrent les infographies, une sorte de réflexe « patriotique » anime les consommateurs flamands et les entreprises qui ont pignon sur rue au nord du pays. Ce n’est pas le cas au sud. Pour corriger le tir, le gouvernement PS-CDH a présenté ce jeudi un vaste plan d’action. Nom de code, un peu réducteur d’ailleurs : «Acheter wallon»! [scald=2474259:sdl_editor_representation] Le constat. L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) a dressé un constat éclairant. Un investissement de 100 euros en Wallonie produit plus d’effet en Flandre (+ 36) qu’en Wallonie (+ 31). Le même montant investit en Flandre générera par contre un effet de débordement quasi nul en Wallonie (+ 9), mais très remarquable en Flandre (+ 47). Ne cherchez plus : le sud du pays est perdant à tous les coups. Paul Magnette (PS), le ministre-président, mesure le problème : « Cette réalité coûte 5 milliards d’euros chaque année à la Wallonie, sur un produit intérieur brut de 90 milliards. Il faut inciter la population et les entreprises à consommer davantage wallon, sans sombrer dans le protectionnisme. » [scald=2474261:sdl_editor_representation] Voir l’infographie sur votre mobile A qui la faute ? Une forme de frilosité wallonne est en cause : les ménages flamands consomment « flamand » à 68 % tandis que les ménages wallons atteignent à peine la barre des 60 %. Mais le gouvernement wallon fait aussi le constat d’un défaut d’information sur l’origine locale ou régionale des produits. Idem pour les entreprises qui ne savent pas toujours que les sous-traitants ou les fournisseurs qu’elles recherchent se trouvent dans leur voisinage. Enfin, le maillage économique wallon reste imparfait, il n’est pas assez dense ou assez diversifié. « Souvent la demande en produits wallons est là, mais l’offre fait défaut. Il faut l’augmenter ou la densifier » explique Jean-Claude Marcourt (PS), le ministre de l’Economie. [scald=2474260:sdl_editor_representation] Un potentiel. « Un sondage récent vient de montrer que 93 % des Wallons sont prêts à modifier leurs habitudes d’achat pour consommer de manière locale », rappelle Carlo Di Antonio (CDH), le ministre de l’Environnement. C’est donc que l’envie y est et que le potentiel existe. Les consommateurs ont besoin d’être guidés dans leurs achats. On va vers la création d’un label « de Wallonie » : « Le système mis en place devra permettre d’identifier d’un seul coup d’œil les produits du terroir. » René Collin (CDH), le ministre en charge de l’Agriculture, est au centre du dispositif. Il compte doubler le nombre de produits « de chez nous » disposant d’un label « Appellation d’origine protégée » ou « Qualité différenciée ». Il pousse au développement de l’agriculture bio, de 1.347 à 2.000 exploitations de 2015 à 2020, l’objectif sera atteint. Autre ambition : dans quatre ans, 250.000 élèves devront être sensibilisés aux habitudes de consommation saines et durables, au départ de produits locaux. « L’assiette des Wallons, c’est important, souligne le ministre. Mais pour la production agricole, le défi dépasse largement ce cadre : il s’agit de valoriser largement les produits de chez nous, d’assurer une plus grande part de leur transformation sur notre territoire et de soutenir leur exportation. » Les achats publics. Le plan « Acheter wallon » ratisse large. Il est transversal et implique notamment les administrations. « La commande publique doit être un véritable levier de développement responsable en Wallonie », explique Christophe Lacroix (PS), ministre de la Fonction publique. La promotion des entreprises wallonnes passe notamment par une concurrence loyale dans la quête des marchés publics, et donc dans la lutte contre le dumping social, en fixant des clauses sociales ou environnementales sévères. Le gouvernement s’y est attelé, il va poursuivre dans cette voie. Dans le respect des législations sur la concurrence, mais en maniant parfois le bâton : « L’autonomie communale n’est pas remise en cause, mais je travaille au conditionnement des subsides au respect de ces clauses dans les cahiers des charges », rappelle Paul Furlan (PS), en charge des pouvoirs locaux. Cela s’apprend. Même les acteurs de la formation (Forem, IfapPME) sont appelés en renfort. La ministre Eliane Tillieux (PS) annonce que ces organismes mettront davantage l’accent sur des cycles consacrés aux circuits courts de production : « L’intérêt de ces emplois, c’est qu’ils ne sont pas délocalisables », explique-t-elle. La Namuroise songe bien sûr au domaine de l’agroalimentaire et du maraîchage. Mais pas uniquement : un centre d’insertion professionnelle proposera bientôt un projet pilote de formation d’« opérateur assistant en micro-brasserie ». « L’économie endogène et les circuits courts seront désormais au cœur des conventions de collaboration en matière de formation ou d’insertion professionnelle », souligne encore Eliane Tillieux.

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