Fillon et Juppé, un duel très courtois

« A imez-vous les uns les autres », dit-on dans les églises. Ou « Tendez l’autre joue ». Dans le dernier débat avant la primaire de la droite, les deux finalistes sont pratiquement allés davantage à la communion catholique qu’à la confrontation cathodique. Ce jeudi soir, sur TF1, France 2 et France Inter, Alain Juppé n’avait plus rien à perdre face à François Fillon, grand favori du second tour après son triomphe dimanche dernier. Mais si le maire de Bordeaux s’est essayé à quelques escarmouches, c’était à fleurets très mouchetés. Il s’est montré à peine plus incisif dans ce face-à-face qu’il ne l’avait été lors des débats d’avant le premier tour lorsqu’ils étaient encore sept candidats derrière leur pupitre. [scald=2474321:sdl_editor_representation] Même costume, même cravate rouge, le débat entre « Alain » et « François » s’est révélé être le plus souvent une conversation aimable et courtoise entre deux membres d’une même famille politique. Les deux hommes ont seulement exposé les quelques divergences de leur projet. Sur le volet économique ? « Je veux faire des réformes profondes mais sans brutalité », a lancé le maire de Bordeaux. « Mon projet est plus radical. C’est un projet qui rompt avec la pensée unique », a rétorqué François Fillon. [scald=2474336:sdl_editor_representation] Sur la probité ? « On ne peut pas diriger la France si on n’est pas irréprochable », a lancé François Fillon. «J’ai été condamné, j’ai assumé, j’ai payé », a spontanément répliqué Alain Juppé. Avant que son rival prenne plaisir à lui renvoyer : «Alain Juppé sait parfaitement que je ne parlais pas de sa condamnation ». Sur la méthode de gouvernement ? «Je ne crois pas au référendum. C’est remettre la France en campagne permanente », a glissé Alain Juppé alors que son adversaire veut consulter le peuple sur ses réformes. [scald=2474333:sdl_editor_representation] Le ton est à peine monté quand le maire de Bordeaux a demandé à son adversaire des « clarifications » sur le passage aux 39 heures dans la fonction publique. Un objectif qu’il juge lui-même irréalisable. L’occasion pour François Fillon de se poser en champion de la transformation . « Cela montre qu’Alain Juppé ne veut pas vraiment changer les choses. Moi je pense que ses modifications ne permettront pas le redressement du pays », a riposté le Sarthois. Le maire de Bordeaux avait pourtant prévenu dès la veille. François Fillon n’aurait pas à jouer « les chochottes ». Avis aux deux cent quinze parlementaires qui, le matin même dans les colonnes du Figaro, avaient lancé un « halte au feu ». Il mettrait la « super gomme » pour démentir le coup de mou qu’il aurait ressenti après l’annonce des résultats le week-end dernier. Mais à l’heure de mettre cette édition sous presse, les deux finalistes n’avaient pas encore débattu sur les valeurs, le thème sur lequel ils étaient finalement les plus attendus (lire par ailleurs). « L’enjeu, c’est de démentir la caricature dont il est victime, de démontrer qu’il est un homme d’Etat », s’était donné pour mission le directeur de campagne su Sarthois, Patrick Stefanini. L’homme que l’on surnomme le faiseur de roi parce qu’il avait su faire gagner Jacques Chirac en 1995 contre Edouard Balladur. Un combat qui semblait perdu d’avance. Pour Benoist Apparu, bras droit d’Alain Juppé, la mission était tout autre : «Trouver un juste équilibre entre la combativité et la dignité ». Le Bonze de Bordeaux, comme on l’a surnommé, devait trouver la juste mesure et ne pas se transformer en tireur de bazooka. L’objectif : tenter de récupérer dimanche prochain lors du tour décisif les six cent mille voix de retard face à François Fillon (le défi s’annonce ardu car un sondage Ifop donne François Fillon vainqueur à 65% contre 35% à Alain Juppé) mais sans hypothéquer le rassemblement des droites au terme de la primaire, dès la semaine prochaine. Car la campagne, suivie par des millions de téléspectateurs et qui a déplacé quatre millions d’électeurs dimanche dernier l’aurait presque fait oublier : cette élection n’est pas encore la « vraie » présidentielle. Ce combat-là, c’est ensemble que François Fillon et Alain Juppé le livreront au printemps contre la gauche et l’extrême droite. Alors que les deux hommes débattaient ce jeudi soir, François Hollande a d’ailleurs dû apprécier l’instant. La baisse des chiffres du chômage, si longtemps attendue et annoncée le jour-même, devrait lui permettre de se jeter très bientôt dans la campagne pour sa réélection.

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